Une mesure pour augmenter les recettes publiques

Dans un contexte de réduction du déficit public, qui devrait passer de 6,1% en 2024 à 5,4% en 2025, le gouvernement de François Bayrou espère ainsi élargir l'assiette des entreprises assujetties à la TVA et augmenter les recettes fiscales.
Mais jeudi 6 février, au 20h de France 2, le ministre de l'Économie Éric Lombard annonce la suspension de la réforme des seuils de la TVA pour les autoentrepreneurs "pendant le temps de la concertation.  
Selon Grégoire Leclercq, président de la Fédération nationale des auto-entrepreneurs (FNAE), cette mesure concernerait environ 250.000 auto-entrepreneurs supplémentaires. Ceux-ci seraient contraints de facturer la TVA à leurs clients, ce qui pourrait entraîner une hausse de leurs tarifs de 20% s'ils souhaitent préserver leur marge.
En 2018, il y avait 8440 auto-entrepreneurs travaillant dans le secteur des services à la personne. Sur certaines plateformes de jobbing, les intervenants sont essentiellement des micro entrepreneurs (à l'origine auto-entrepreneurs) et jusqu'à présent ne facturait pas de TVA, ce qui créé un déséquilibre avec les entreprises assujetties à la TVA. 

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Des conséquences économiques préoccupantes

Les professionnels du secteur craignent que cette obligation fiscale ne pèse lourdement sur les petites structures. Pour certains auto-entrepreneurs, la répercussion de la TVA sur les prix de leurs prestations pourrait entraîner une perte de compétitivité. D’autres pourraient choisir d’absorber ce coût, réduisant ainsi leur marge bénéficiaire.
Par ailleurs, l'obligation de collecter et reverser la TVA de manière semestrielle à l'État représente une contrainte administrative supplémentaire, dénoncée par les petites entreprises.
"Les auto-entrepreneurs vont devoir tenir une comptabilité plus rigoureuse et gérer des obligations déclaratives plus complexes, ce qui pourrait décourager certains d'entre eux de poursuivre leur activité", souligne Grégoire Leclercq.
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Une incitation à la fraude ?

L’autre risque soulevé par les professionnels est celui de la fraude. La réduction du seuil pourrait inciter certains entrepreneurs à sous-déclarer leurs revenus pour éviter de franchir la barre des 25.000 euros. Une telle situation pourrait nuire à l’efficacité de la réforme et créer un marché parallèle.

Une adoption controversée

Pour faire adopter ce projet de budget sans vote, le Premier ministre François Bayrou a engagé la responsabilité du gouvernement en ayant recours à l'article 49.3 de la Constitution. Cette décision a été prise après un compromis entre députés et sénateurs lors d'une commission mixte paritaire.
Alors que les entreprises s'inquiètent des répercussions économiques de cette réforme, le gouvernement devra rassurer et accompagner les auto-entrepreneurs dans cette transition fiscale. Reste à savoir si des mesures compensatoires seront mises en place pour atténuer l’impact de cette nouvelle règle sur les petites entreprises.



Réaction de Bercy suite à la polémique

Communiqué de presse du 6 février 2025, relatif à l’article 10 du projet de loi de finances 2025 sur l’abaissement du seuil de franchise de TVA.

"Le projet de loi de finances 2025 fixe le plafond de franchises de TVA à 25 000 euros.

Cette mesure a fait l’objet d’échanges réguliers avec les fédérations professionnelles au cours des derniers mois. Elle a été notamment reprise lors des assises de la simplification à l’automne 2023. Elle fait depuis deux ans l’objet d’amendements des parlementaires, à l’Assemblée nationale et au Sénat, de la part de nombreux groupes politiques.
Cette mesure a été adoptée à l’automne dans la première partie du projet de loi de finances 2025 votée au Sénat ; elle a été maintenue par la Commission mixte paritaire. Elle répondait à des sollicitations relayées par des parlementaires qui défendaient des seuils plus bas encore, en particulier pour les services.

Cette mesure a pour objectif de réduire les distorsions de concurrence entre professionnels qui exercent en franchise de TVA et ceux qui sont soumis à la TVA soit parce qu’ils sont au-dessus des seuils, soit parce qu’ils ont renoncé au régime de franchise.
Elle répond aussi à une exigence de simplification du régime national rendue indispensable depuis le 1er janvier 2025 en raison d’une évolution importante des règles européennes en matière de TVA. Cette évolution a ouvert le bénéfice de la franchise aux opérations entre Etats membres de l’Union, sous la limite d’un plafond européen de 100 000 euros. Afin que les acteurs nationaux ne soient pas défavorisés dans le cadre de cette ouverture, il importe de fixer un seuil dans la moyenne européenne pour éviter tout effet d’aubaine au détriment de nos acteurs. C’est le choix qui a été fait en fixant le seuil de franchise à 25 000 euros qui est aussi le taux en Allemagne et en Belgique.

En France, une vaste majorité d’entreprises bénéficiant de la franchise n’est pas concernée par le nouveau seuil de 25 000 euros. Environ 90 % d’entre eux réalisent un chiffre d’affaires inférieur au seuil de 25 000 euros. La moyenne du chiffre d’affaires des entreprises bénéficiant de la franchise en 2024 était de 13 000 euros. Quel que soit le régime de TVA applicable, les micro entrepreneurs continueront à bénéficier des avantages fiscaux et sociaux liés à leur statut.

Ces régimes restent parmi les plus incitatifs d’Europe pour la création d’entreprises.
En ce qui concerne la TVA, la mesure aura un impact pour certaines entreprises bénéficiant de la franchise à partir du 1er mars, selon deux cas de figures :
  • Pour les entreprises ayant réalisé en 2024 moins de 25 000 € de chiffre d’affaires, elles ne collecteront la TVA auprès de leurs clients que si le chiffre d’affaires 2025 dépasse 27 500€ (en tenant compte d’une tolérance de 10 %) et seulement à partir du moment où le seuil est dépassé ;
  • Pour les entreprises ayant réalisé en 2024 un chiffre d’affaires de plus de 25000€, elles devront collecter la TVA à partir du 1er mars 2025.
Par ailleurs, il est rappelé que les professionnels qui ne relèvent plus de la franchise
bénéficieront, le cas échéant, des régimes propres à leur secteur d’activité en particulier :
  • Les exonérations applicables dans les secteurs de la santé, de l’enseignement et des activités associatives ;
  • Le taux réduit de 5,5 % sur les services à domicile en lien avec une personne vulnérable, sur la vente de denrées alimentaires ou la vente d’œuvres d’art ;
  • Le taux réduit de 10 % sur les autres services à domicile, les transports ou la restauration.
Pour accompagner les entreprises dans ce nouveau régime, les services de Bercy mettent en place un dispositif spécifique d’accompagnement : des correspondants désignés au niveau local dans les services de la Direction Générale des Finances Publiques et dans les maisons France Services seront à leur écoute pour répondre à leurs questions et les accompagner dans leurs démarches.
Les services fiscaux feront preuve d’une attention particulière et se montreront conciliants à l’égard des entrepreneurs entrant nouvellement dans le dispositif.
Les fédérations interprofessionnelles seront reçues ce vendredi à Bercy pour un temps d’échanges et d’information. Un point d’étape des conditions d’applications de la mesure sera réalisé dans les premières semaines de mise en œuvre avec les fédérations interprofessionnelles et sera rendu public."