Un système à bout de souffle

Le rapport souligne six failles majeures du système actuel :
  • Une gestion du risque centrée sur la grande dépendance, négligeant la prévention et le maintien à domicile.
  • L’échec du virage domiciliaire : malgré la volonté des Français de vieillir chez eux, 220 000 personnes en GIR 3 & 4 sont encore en établissement, avec un surcoût pouvant atteindre 131 % par rapport au domicile.
  • Une offre fragmentée et inadaptée : un tiers des personnes ne trouvent pas de solution adaptée, et 30 % des plans d’aide ne sont pas intégralement consommés.
  • Une gouvernance complexe et peu lisible, avec un chevauchement des missions entre départements et ARS.
  • Un financement instable, reposant à plus de 90 % sur l’impôt, sans modèle assurantiel clair.

L’urgence d’agir avant le « mur de 2030 »

D’ici 2050, le nombre de personnes dépendantes (GIR 1 à 4) devrait passer de 1,4 à 1,9 million, et celui des seniors fragiles de 2,1 à 3,8 millions.
Sans réforme, les dépenses publiques pourraient augmenter de 0,85 % du PIB, soit 80 milliards d’euros. Le rapport insiste sur l’urgence de réaliser un virage domiciliaire (passer d’un ratio domicile/établissement de 60/40 à 75/25 d’ici 2050), générant 12 milliards d’économies et des externalités positives (qualité de vie, silver économie).

Un nouveau modèle fondé sur trois piliers

  1. Stratégique : Réorganiser la gestion du risque autour de la prévention, avec la création de 100 000 emplois de care managers et une détection systématique des seniors fragiles dès la retraite.
  2. Économique et social : Piloter les ressources à partir des besoins, via une évaluation médico-sociale et un schéma départemental des ressources.
  3. Politique : Renforcer la citoyenneté sociale et la dignité des personnes, avec un financement tripartite (impôts locaux, cotisations, assurance privée complémentaire).

Une gouvernance repensée

  • L’État définit la stratégie via une loi de programmation et délègue des missions claires à la CNSA, la CNAV et les départements.
  • Les départements restent chefs de file opérationnels, garantissant une réponse adaptée et accessible.
  • La CNAV pilote le dépistage et l’accompagnement des seniors fragiles, évitant leur basculement vers la dépendance.

Un financement clarifié et soutenable

Le modèle propose :
  • Une prestation unique autonomie (PUA) pour les personnes à bas revenus, financée par les départements et gérée par la CNAV.
  • Une assurance publique autonomie, financée par un mix de cotisations (CASA) et d’impôts nationaux (CSG), avec un reste à charge plafonné.
  • Un système assurantiel privé complémentaire, obligatoire à partir de 60 ans, pour couvrir les services non remboursés.

La silver économie, un levier de croissance

Le marché de la silver économie pourrait doubler d’ici 2030, passant de 60 à 130 milliards d’euros, à condition d’intégrer les nouvelles technologies (télémédecine, domotique, IA) et d’encourager l’innovation.

Un pari humaniste et économique

Le rapport de l’Institut Santé ne se contente pas d’alerter : il propose une feuille de route concrète pour transformer le vieillissement en opportunité. En plaçant l’autonomie et la dignité au cœur du système, la France pourrait devenir un leader européen de la silver économie, tout en garantissant une prise en charge plus humaine et efficace.

Pour aller plus loin :



Réaction de la Fédésap

La Fédésap salue les solutions du rapport Bizard et alerte sur le coût de l’inaction. À l’occasion du congrès annuel de la Fédésap, l’économiste Frédéric Bizard a dévoilé en exclusivité son rapport sur la refondation de la prise en charge des personnes âgées en perte d’autonomie. La Fédésap salue un changement de paradigme et soutient ses propositions réalistes : priorité au domicile, financement équitable, gouvernance clarifiée et réinvention des opérateurs. Pour la première fois, le coût de l’inaction est chiffré : entre 30 et 48 milliards d’euros par an d’ici 2050.
« Il y a urgence. Il n’est plus temps de penser, il faut agir, et agir vite », souligne Frank Nataf, président de la Fédésap.

La Fédésap partage le diagnostic du rapport Bizard et appelle à agir

« Nous connaissons désormais le coût de l’inaction ». Le rapport Bizard chiffre pour la première fois le prix du statu quo : 30 à 48 milliards d’euros par an en 2050 (0,5 à 0,8 % du PIB). « Grâce au rapport Bizard, nous savons combien nous coûte précisément chaque minute de procrastination », souligne Frank Nataf, président de la Fédésap.
Domicile / Ehpad : rééquilibrer le modèle. Dès 2026, inverser le modèle actuel et priorité au domicile (60% domicile /40% établissements), pour atteindre 75% / 25% en 2050. Il ne s’agit pas de fermer les Ehpad, dont le rôle demeure indispensable, mais de clarifier leur rôle : transformer 400.000 places en résidences seniors ou habitats alternatifs, et conserver des Ehpad médicalisés pour les personnes les plus dépendantes.
 Une réforme réaliste, sans « usine à gaz ». Le rapport Bizard réorganise l’existant : État stratège, CNSA gestionnaire, CNAV pilote de la prévention, départements chefs de file opérationnels et ARS en appui sanitaire. Un réagencement sans révolution brutale, mais prêt à l’emploi.
Financer l’autonomie sans alourdir le fardeau des actifs. La Fédésap salue un choix de financement pragmatique : faire porter l’effort sur les nouveaux retraités, dont le nombre va exploser entre 2030 et 2050, sans alourdir les prélèvements qui pèsent déjà trop sur les actifs et les entreprises. Préserver la compétitivité des entreprises et l’équilibre de notre protection sociale passe par un meilleur partage de l’effort.
Un consensus politique possible. Le rapport Bizard propose une réforme systémique, soutenable et immédiatement opérationnelle. « Si le Parlement a su trouver une majorité sur l’aide à mourir, en dépit d’une Assemblée nationale divisée en trois blocs, il doit pouvoir en trouver une sur l’autonomie de nos aînés. C’est une question transpartisane et d’urgence nationale », insiste Frank Nataf.

Prévention, gouvernance, financement, opérateurs : la Fédésap fait siennes les réformes du rapport Bizard

  • Mesure 1 : Dépistage précoce des seniors fragiles : une priorité partagée par la Fédésap. La Fédésap soutient pleinement la proposition du rapport de repérer systématiquement les seniors fragiles dès 60 ans. C’est le bon âge pour agir et prévenir la perte d’autonomie. Confier cette mission à la CNAV est une excellente orientation. Elle en a l’expérience, avec le plan OSCAR, et dispose des données, ainsi que du savoir-faire. La CNAV est par ailleurs l’un des opérateurs publics les plus efficients, avec des coûts de gestion parmi les plus bas des caisses nationales.
  • Mesure 2 : Création d’un nouveau métier de Care manager : une bataille de longue date pour la Fédésap. La Fédésap salue la proposition du rapport Bizard de créer 100 000 postes de care managers d’ici 2050, intégrés aux Services Autonomie à Domicile (SAD). Ce métier est essentiel pour prévenir la bascule dans la dépendance et coordonner les parcours. Jusqu’ici, les pouvoirs publics restaient dans le flou sur la place du Care manager dans le système de prise en charge de l’autonomie, et donc aussi son financement. Le rapport Bizard apporte enfin des réponses claires : intégration aux SAD, pilotage par la CNAV, financement adossé aux retraites et au budget de la CNSA. De quoi passer du slogan à l’action.
  • Mesure 3 : Un modèle centré sur les besoins des personnes âgées : une révolution attendue. La Fédésap se félicite de la proposition du rapport de bâtir la prise en charge de l’autonomie à partir des besoins réels des personnes âgées, et non plus de l’offre existante.

Trois outils prévues dans le rapport changent la donne :

  • Un diagnostic territorial annuel, réalisé par les départements, qui part des besoins exprimés par les personnes âgées et non des schémas gérontologiques figés ;
  • Une loi de programmation du grand âge, réclamée de longue date par la Fédésap, qui donnera de la visibilité et des financements garantis aux politiques d’autonomie ;
  • Un contrat personnalisé de prise en charge de l’autonomie (CPPA), signé entre la personne bénéficiaire, le SAD (Service Autonomie à Domicile) et le département, garantissant des plans d’aide adaptés.
 
La Fédésap salue une approche pragmatique : le département ouvre les droits, mais la personne garde le libre choix de son prestataire, associatif, privé ou public. Ainsi, l’offre s’adapte enfin à la demande, et non l’inverse.
 
Mesure 5 : Réorganiser la gouvernance, avec un État stratège et garant de l’égalité territoriale .
La Fédésap soutient la mesure 5 du rapport Bizard qui redonne à l’État son rôle de stratège (définition d’une politique nationale de l’autonomie via une loi de programmation pluriannuelle), tandis que la mise en œuvre de la politique d’autonomie serait confiée aux grands opérateurs : la CNSA, la CNAV et les départements, chefs de file opérationnels au niveau local. La HAS et les ARS joueraient un rôle clé dans l’évaluation, la qualité et les autorisations.
 
Mesure 6 : Le Département, chef de file opérationnel, une vision que partage la Fédésap
La Fédésap soutient la proposition du rapport Bizard de conforter les départements comme chefs de file opérationnels du service public de l’autonomie (SPDA). Proches du terrain, ils sont les mieux placés pour repérer, informer et ouvrir les droits des bénéficiaires, à l’image de « super-CLIC » modernisés.
 
Mais leur rôle doit rester clair : accompagner les usagers et coordonner les parcours, sans bloquer l’ouverture de nouvelles structures d’aide à domicile ni contrôler la qualité des opérateurs. La régulation de l’offre doit relever de l’État.
 
Mesure 7 : Financement, un système à trois étages équitable et soutenable
La Fédésap salue les propositions du rapport Bizard en matière de financement, qui ouvrent enfin une voie équitable et réaliste, sans faire peser l’effort uniquement sur le coût du travail et donc sur la compétitivité des entreprises.
 
Le modèle proposé repose sur trois étages :
  1. Un filet « beveridgien » pour les plus modestes, avec une Prestation universelle autonomie (PUA) couvrant 100 % des besoins, financée par l’impôt local.
  2. Une assurance publique autonomie pour l’ensemble des autres retraités dépendants, financée par une combinaison de cotisations (CASA élargie) et de CSG.
  3. Une assurance privée mutualiste obligatoire à partir de 60 ans, supplémentaire et non complémentaire, destinée à couvrir les services non pris en charge par l’assurance publique autonomie.
 
Ce système met tout le monde à contribution, dans un esprit de justice sociale. Les plus modestes sont protégés à 100 %, les autres participent selon leurs moyens, et l’assurance privée joue un rôle d’appui. C’est un équilibre inédit et pragmatique.
Ces pistes de financement sont nouvelles et crédibles dans un contexte budgétaire contraint. Elles permettent de sortir des impasses actuelles, où les actifs et les entreprises supportent déjà une part disproportionnée de la solidarité nationale.
 
Mesure 9 : Réinventer les opérateurs de services, une révolution pragmatique
La Fédésap soutient la mesure 9 du rapport Bizard, qui place enfin les besoins réels des personnes âgées au cœur du système, et non plus l’offre héritée et figée.
Avec le modèle proposé, le changement de paradigme est clair :
  • Des parcours personnalisés via un Contrat personnalisé de prise en charge autonomie (CPPA) ;
  • Des opérateurs de services autonomie à domicile (SAD) avec une responsabilité globale, intégrant soins, accompagnement et coordination ;
  • La libre concurrence et le libre choix de l’opérateur par la personne âgée devenant la règle.
C’est une réforme pragmatique et ambitieuse : elle modernise le système sans créer de nouvelles usines à gaz. Elle redonne aux opérateurs de terrain la responsabilité et la liberté d’innover, tout en garantissant aux personnes âgées un vrai pouvoir de choix.
 

Mesure 10 : Transformer les Ehpad : une nécessité, pas une stigmatisation

La Fédésap soutient la proposition du rapport Bizard de transformer une partie des Ehpad en résidences seniors ou habitats partagés pour les personnes encore autonomes (GIR 3-4), tout en conservant des établissements hautement médicalisés pour la grande dépendance (GIR 1-2).
Cette transformation, obligatoire dans un délai de 3 à 5 ans, permettrait de développer un secteur intermédiaire attractif entre domicile et établissement.
La Fédésap insiste : c’est un changement de paradigme, pas un rejet des Ehpad. Ces structures resteront indispensables pour accueillir les personnes les plus dépendantes, mais leur vocation doit être réaffirmée.
La Fédération plaide pour que les aides et services disponibles au domicile classique puissent aussi être déployés dans ces habitats regroupés ou partagés, y compris le crédit d’impôt sur les services à la personne pour les prestations réalisées dans les parties communes. C’est la condition pour rendre ces nouvelles formules accessibles et attractives.