Deux livres sur les crèches privés
En 2022, le livre-enquête “Les Fossoyeurs" écrit par Victor Castanet avait révélé certaines pratiques des EHPAD privés. Ceci avait entraîné un renforcement des contrôles dans les EHPAD. Un nouveau livre qui va sortir le 8 septembre 2023 devrait aussi faire du bruit : "Le Prix du berceau" de Daphné Gastaldi et Mathieu Périsse qui dénoncent les conséquences de la privatisation du secteur de la petite enfance.
Mathieu Périsse met en avant une "course à la profitabilité" ainsi que "le même côté déshumanisant, avec cette impression pour le personnel de terrain que tout est géré de la même manière, sans tenir compte des spécificités de chaque établissement".
Quatre grands acteurs sont positionnés sur le secteur des crèches privés : Grandir (Les Petits Chaperons rouges), Babilou, La Maison Bleue et People & Baby.
"Le prix du berceau" s'appuie sur 200 interviews et témoignages de cadres, employés et parents.
Un second livre sort également chez Robert Laffont le 7 septembre sur les crèches privées : "Babyzness" de Bérangère Lepetit, journaliste au service Société du Parisien, et Elsa Marnette, journaliste pour l’édition Seine-Saint-Denis du Parisien. Les deux journalistes précisent : « On ne veut pas faire de généralités. Même s’il y a un système à revoir, l’idée ce n’est pas de jeter l’opprobre sur tout le monde. Ce dont on s’est rendu compte, c’est que même dans une crèche où il y a une volonté d’économies, une course à la rentabilité, s’il y a une bonne directrice ça peut aussi changer la donne. »
Besoin de plus de places en crèche
Le plan Rebond pour la petite enfance de 2021 prévoyait
12 000 nouvelles places en crèches et Mam. En juin, Elisabeth Borne annonçait 100.000 places supplémentaires d'ici à 2027 avec une enveloppe pour financer ces places de crèches supplémentaires d'ici à 2027 et le double d'ici à 2030.
Retrouvez sur notre site des solutions alternantives aux crèches :
assistantes maternelle,
garde d'enfants...
L’UNAF (Union Nationale des Associations Familiales), une institution engagée avec et pour les familles depuis 1945 est l’expert des réalités de vie des familles. Elle représente et soutient les 18,4 millions de familles vivant sur le territoire français et regroupe 72 mouvements familiaux et plus de 6 000 associations familiales d’une grande diversité.
Un
rapport sur les crèches réalisé par l’Igas pour le gouvernement et publié en avril 2023 proposait plusieurs recommandations.
L’Unaf qui n'est pas opposée aux entreprises de crèches, s’inquiète depuis plusieurs années sur les dérives de la politique de la Petite enfance.
Que contient le livre "le prix du berceau" ?
Voici le résumé du livre de 208 pages :
"Les histoires de ce livre ne sont pas des faits isolés. Repas insuffisants, équipes réduites, bébés maltraités et pression sur les salariés sont les premiers symptômes d’un système à la dérive. Le désengagement des pouvoirs publics, conjugué à la volonté de créer des places coûte que coûte, a ouvert la voie à de nouveaux acteurs privés en quête effrénée de profits.
Les crèches sont aujourd’hui une industrie qui pèse 1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires. Adossés à des fonds d’investissement, des groupes privés se sont taillé des empires. Ils gèrent des milliers de berceaux et leurs fondateurs se sont hissés parmi les plus grandes fortunes de France.
Derrière les brochures aux couleurs pastel et les promesses de pédagogies innovantes ou de repas bio se découvrent pourtant une réalité où le bien-être des enfants n’est pas toujours la priorité. Les employées sont sommées de travailler à la chaîne, de minuter chaque changement de couche. Parfois peu formées et souvent sous-payées, elles font, comme les bébés, les frais de l’exigence de rentabilité, à coup d’heures sup’ pour combler les postes vacants si nécessaire. On optimise plutôt que d’accueillir.
Auxiliaires de puériculture, directrices de crèches, cadres de grands groupes, parents… Mathieu Périsse et Daphné Gastaldi ont recueilli des centaines de témoignages. Ils racontent un secteur bouleversé par vingt ans de marchandisation de la petite enfance. Et questionnent : les crèches sont-elles un business comme un autre ?"
Daphné Gastaldi et Mathieu Périsse sont journalistes d’investigation, au sein du collectif We Report.
Y a t-il des dérives pour les Crèches privées lucratives ?
L'UNAF met en garde les points suivants :
- Développement non maitrisé des entreprises lucratives augmentant l’inégalité d’accès dans les territoires et entrainant des coûts prohibitifs : Selon le HCFEA : « Depuis 2015, les créations nettes de places sont assurées par le secteur marchand ».
- Captation des financements publics par le secteur marchand : Selon l’Igas (Inspection Générale des affaires sociales) : « Les financements publics sont plus abondants pour les gestionnaires marchands (13 484 € par place) que pour les gestionnaires publics (12 580 €) ».
- Coûts exorbitants pour les familles : comme le barème de participation des familles ne s’applique pas aux micro-crèches Paje, elles peuvent exiger des tarifs exorbitants, qui excluent de nombreuses familles (restes à charge affichant plus de 700 € après aides et impôts pour un accueil à plein temps).
- Logique de rentabilité au détriment de la qualité : Selon l’Igas : « Le secteur des crèches est marqué par la domination de grands groupes engagés dans des stratégies de croissance ambitieuses, par une entrée des fonds de capital-investissement dans l’actionnariat du secteur. Cette logique de rentabilité conduit à une stratégie d’optimisation des couts qui pèse sur la qualité de l’encadrement humain ». L’Igas note ainsi que « les charges de personnel dans les EAJE du secteur marchand ont diminué de 2 % entre 2012 et 2021 alors qu’elles augmentaient dans les secteurs publics et associatif (respectivement de 18,5 et 11,4 %). Cela ne peut s’expliquer que par un emploi de personnel moins qualifié et en nombre inférieur par enfant. »
Les propositions de l’Unaf pour assainir le système
L’Unaf a proposé à la Cnaf (dans le cadre de sa COG avec l’Etat) et pour le PLFSS 2024, trois solutions techniques pour réduire les effets d’aubaine, remettre à plat les conditions de financements publics et préparer les conditions d’un Service public de la Petite enfance :
- Encadrer le coût pour les familles pour toutes les structures financées sur fond public, en généralisant le barème des participations familiales en fonction des revenus.
- Réformer profondément le Cif (Crédit impôt famille) pour les entreprises comme le demandent l’Igas et l’IGF (Inspection Générale des Finances). Ce dispositif est illisible, inefficace et inégalitaire, alors qu’il existe d’autres façons d’engager les entreprises pour la conciliation vie familiale - vie professionnelle de leurs salariés.
- Réformer le système des micro-crèches Paje : Comme l’ont demandé l’Igas et l’IGF en juillet 2016, il faut chiffrer en urgence les coûts horaires des micro-crèches Paje et plus généralement des heures d’accueil assurées par le secteur privé lucratif. La complexité des circuits de financement (exonérations et crédits d’impôt de la famille et de l’employeur, prestations de la Cnaf) engendre un flou qui ne peut que conduire à une dérive des coûts.
Face aux dérives constatées, selon l'UNAF, le « renforcement des contrôles » ne suffira pas. C’est bien le pilotage de la création et les modalités de financement public des places d’accueil collectif pour les jeunes enfants qu’il faut remettre à plat. La mise en œuvre d’un Service public de la Petite enfance nécessite d’articuler exigence de qualité pour les enfants, encadrement des prix pour les familles et bon usage des fonds publics. Cela suppose une régulation bien plus ferme de la place du secteur du privé lucratif dans le champ de la Petite enfance.
Passage dans l'émission Quotidien
Daphné Gastaldi et Mathieu Périsse étaient invités par Yann Barthès dans l'émission Quotidien. Ils racontent avoir lancé leur enquête suite à un appel à témoignage lancé suite au décès d'un bébé à Lyon.
Les auteurs du livre reprochent qu'un quart des crèches sont désormais privées et cherchent avant tout à être rentables.
A la suite de la publication d’ouvrages traitant des places des crèches privées à but lucratif et la polémique que cela suscite, Brice Alzon, Président de la FESP a adressé un message de soutien aux crèches et micro-crèches :
Je tenais en premier lieu à vous adresser tout mon soutien, mais aussi vous dire toute ma confiance parce que je connais votre engagement ainsi que celui de vos salariés, votre souci de la sécurité et de la qualité du service que vous avez à cœur de rendre aux familles et aux enfants que vous accompagnez tous les jours.
Je sais aussi que ce qui vous anime au premier chef, c’est l’aspect humain de votre métier, parfaitement conciliable avec un projet d’entreprise. Il n’y a qu’en France que l’on cherche encore à les opposer.
En cette semaine de rentrée, deux ouvrages traitent des crèches privées à but lucratif. Ils visent plus particulièrement les entreprises tentant de démontrer que ces celles-ci sont plus soucieuses de la rentabilité que de la qualité de l’accueil des enfants. Sous couvert de nombreux témoignages de familles ou de salariés, les auteurs évoquent des maltraitances, des négligences ou encore des conditions de travail déplorables. Ces propos, nous le savons parce que c’est notre quotidien, c’est votre quotidien, ne reflète pas du tout la réalité de votre activité.
Je sais que certains d’entre vous se sont sentis stigmatisés à travers le traitement médiatique accordé à ces deux livres. Parce que l’on nous fait passer pour ce que nous ne sommes pas.
Chacun de nous aura compris que les auteurs de ces livres cherchent à créer un « ORPEA de la petite enfance ».
Nous sommes particulièrement attentifs aux questions touchant à l’enfance et n’avons pas attendu la sortie de ces livres pour réagir. J’étais en contact régulier avec le ministre JeanChristophe COMBE et son cabinet et désormais avec celui d’Aurore BERGE, dès sa nomination. La ministre a d’ailleurs annoncé une loi à venir, dès le mois de septembre, pour contrôler les groupes privés. Elle a également indiqué que des mesures fortes devraient voir le jour prochainement (renforcement du taux d’encadrement à 1 adulte pour 5 enfants, renforcement des contrôles, élaboration d’un référentiel national). La FESP salue cette intervention.
La Fédération restera pleinement attentive à ce que ces règles soient élaborées en cohérence avec les réalités structurelles et économiques de vos entreprises ainsi qu’avec les moyens humains disponibles.
Nous ne pouvons qu’être satisfaits que la ministre ait réaffirmé le rôle important de tous les
acteurs, privés comme publics, et qu’il convient de ne pas stigmatiser les entreprises.
La FESP a démontré en de nombreuses occasions qu’elle avait à cœur le bien-être de nos enfants
et nous œuvrons au quotidien pour garantir la qualité du service et honorer la confiance que
nous accordent les parents.
C’est pour cela que j’ai tenu à exprimer ma profonde préoccupation face aux situations gravissimes qui étaient évoquées et condamner les manquements avec la plus grande fermeté.
J’ai aussi indiqué que de telles pratiques contreviennent aux obligations déontologiques qui régissent les professionnels des entreprises que représente la Fédération, et plus largement aux valeurs de ces métiers. La sécurité et la qualité des prestations fournies par les professionnels de la petite enfance, l’attractivité et la formation sont au cœur des préoccupations de la Fédération et de ses adhérents.
Au-delà du secteur de la petite enfance, c’est celui des SAP tout entier qui est confronté à de
très fortes problématiques de recrutement et d’attractivité, qui impactent aujourd’hui tous les
territoires et toutes les structures. Il s’agit d’un sujet majeur pour le secteur, auquel la FESP
entend répondre en formulant des propositions adaptées aux différents métiers, au travers
notamment de ses commissions métiers.
Notre Fédération représente une diversité d’acteurs de toutes tailles dont de nombreuses TPE /
PME représentant une pluralité de modes d’accueil (1200 crèches et micro-crèches et 800
entreprises de garde d’enfants à domicile) répondant ainsi à notre objectif premier, celui de
permettre aux familles de faire le choix qui leur convient et que les enfants soient accueillis
dignement et qualitativement.