Après avoir pris des mesures contre la fraude fiscale, Bercy se penche sur le sujet de la fraude sociale, second volet de la feuille de route du gouvernement dans sa lutte
contre toutes les fraudes aux finances publiques.
Le ministre des Comptes publics Gabriel Attal a dévoilé des mesures pour lutter contre les fraudes sociales et faire des économies. Il a déclaré dans un entretien au Parisien que « La fraude sociale, comme la fraude fiscale, est une forme d’impôt caché sur les Français qui travaillent ». L'objectif est de garantir aux français que chacun respecte les mêmes règles.
Selon la Cour des comptes, la fraude aux prestations sociales est estimée entre 6 et 8 milliards d’euros par an. Le coût total de la fraude sociale est évalué à :
Selon Bercy, la Fraude concerne à 70 % les assurés.
Concernant certaines aides, les caisses de sécurité sociale pourront accéder à certaines données afin d'améliorer l’efficacité des contrôles : données des compagnies aériennes sur les voyages avec le fichier Passenger Name Record (PNR) pour contrôler la condition de résidence en France, données bancaires du fichier FICOBA pour vérifier automatiquement l’identité bancaire des allocataires de prestations, données des préfectures pour interrompre le versement de prestations à des étrangers dont le titre de séjour aurait été retiré, notamment pour des motifs d’ordre public. Les aides au logement et les minima sociaux seront réservés à des personnes qui résident en France au minimum 9 mois par via une disposition qui sera présentée dans le PLFSS 2024.
Des agents de la CNAV seront envoyés à l'étranger pour contrôler les retraités de plus de 85 ans dans les pays où il n'y a pas d'échange entre les pays sur l'état civil. En 2022, 1000 personnes de plus de 98 ans touchant des retraites avaient été convoquées en Algérie pour s'assurer qu'ils étaient bien vivants, et 30% ne s'étaient pas présentés.
Les redressements sur la fraude sociale étaient de 1,2 milliards d'euros en 2017. Ils sont passés à 1,6 Milliards d'euros en 2022 et le grouvernement prévoit 3 milliards d'euros par an d'ici 2027.
Il est prévu de mieux remonter les données venant des plateformes pour les revenus des auto-entrepreneurs. En 2026, les plateformes devront déclarer le revenu des auto-entrepreneurs.
Il est prévu de croiser les données fiscale et sociale des auto-entrepreneurs.
Deux expérimentations se font actuellement en région PACA où les URSSAF invitent les auto-entrepreneurs à se régulariser sans sanction si un écart est décelé entre les sommes perçues et les sommes déclarées.
La réforme majeure de la collecte des cotisations sociales des micro-entrepreneurs par les plateformes sera mise en place avec le prochain PLFSS. Le niveau élevé de sous-déclaration du chiffre d’affaires des travailleurs indépendants s’élève à 800 M€
par an. Ceci entraîne une perte de recouvrement des cotisations pour les finances sociales mais aussi une absence de couverture sociale pour les travailleurs indépendants, notamment pour les indemnités journalières et les droits à la retraite. Trois mesures ont été concertées avec les représentants des micro-entrepreneurs et les plateformes de mise en relation :
- La mise en place en 2024 d’un guichet de régularisation amiable des dettes sociales sans pénalité sur l’initiative de l’Urssaf (grâce aux croisements de données fiscales et sociales) ou du micro-entrepreneur ;
- l’obligation à partir de 2026 pour les plateformes de déclarer le chiffre d’affaires des micro-entrepreneurs aux Urssaf pour fiabiliser les régularisations ;
- la retenue à la source (ou précompte) d’ici à 2027 des cotisations sociales des micro-entrepreneurs par les plateformes sans porter atteinte à leur statut d’indépendant.
Le ministre des Comptes publics promet la création de 1015 postes supplémentaires, soit une augmentation de 20%, d'ici la fin du quinquennat.
Les postes créés viendront en complément des 450 cyber-enquêteurs dotés de prérogatives de police judiciaire.
Ces recrutements s'accompagne d'un investissement d’un milliard d’euros sur le quinquennat pour faire évoluer les systèmes d’information afin de mieux croiser les données. Ceci permettra par exemple aux CAF de recouvrer jusqu’à 5 années de versements indus en cas de fraude.
La mission interministérielle de coordination anti-fraude, créée en 2020, assurera auprès du ministre des Comptes publics un rôle de suivi de l’exécution de la feuille de route de lutte contre les fraudes aux finances publiques et d’alerte sur l’atteinte des objectifs.
Fusion de la carte vitale et de la carte d'identité
Pour renforcer la sécurisation du numéro de sécurité sociale et éviter les fraudes liées aux cartes Vitale, une mission va être lancée pour étudier la possibilité de basculer les cartes vitales sur la carte d'identité. Le ministère de l’Intérieur et des Outre-mer, le ministère de la Santé et de la Prévention et le ministère délégué aux Comptes publics ont annoncé qu’une mission d’inspection commune (IGA, IGF, IGAS) va être lancée très prochainement afin de travailler à la mise en œuvre technique et juridique de la fusion de la Carte Nationale d’Identité et de la Carte vitale.
Il y avait un projet de
carte vitale biométrique mais qui s'avérait très coûteux (250 millions d'euros par an) et que la CNIL rejettait. De plus les médecins ne sont pas favorable à relever les empruntes des patients.
Le fait de basculer la carte vitale sur la carte d'identité serait validé par la CNIL car il y a deux compartiments prévus sur la carte d'identité, ce qui permet de cloisonner les informations. Cette mesure existe déjà en Belgique, en Espagne et au Portugal.
Il y a des difficulté à obtenir des titres d'identité et la fusin devrait se faire dans le temps au fur et à mesure des renouvellement des papiers.
Il existe également un projet d'e-carte vitale qui reste d'actualité et qui pourrait être complémentaire.
Une carte vitale coûte aujourd'hui 3 € à produire. 2 millions de cartes vitales ont été désactivées depuis 2017 (cartes en doublon, cartes expirées...).
Contrôle des arrêts de travail
L’assurance maladie va lancer dès la
rentrée 2023 un programme national de contrôle des arrêts de travail qui visera à mieux repérer les fausses déclarations d’accident du travail, notamment celles qui sont vendues sur des réseaux sociaux, ainsi que les prescripteurs atypiques.
Dans le cadre des contrôles réalisés par l’assurance maladie notamment pour la prise en charge du « 100 % Santé », les coopérations avec les complémentaires santé seront renforcées.
Les mesures pour lutter contre la fraude sociale
Le ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a annoncé 35 mesures :
- AXE 1 - S’ADAPTER AUX ENJEUX NUMERIQUES :
- Adapter les outils numériques de détection
- Mesure 1 : Exploiter pleinement la facturation électronique pour lutter contre les fraudes fiscales
- Mesure 2 : Améliorer la capacité des services à contrer le recours aux actifs numériques dans la fraude et son blanchiment
- Mesure 3 : Généraliser l'accès par les organismes sociaux au fichier des comptes bancaires
- Mesure 4 : Utiliser les données sur les ressources des allocataires sociaux pour prévenir les erreurs et la fraude
- Mesure 5 : Mettre en place un système permettant à l’assuré de signaler des frais de santé pris en charge à tort
- Améliorer le traitement des fraudes commises en ligne
- Mesure 6 : Responsabiliser les plateformes du e-commerce
- Mesure 7 : Déployer les contrôles douaniers dans les zones grises du e-commerce
- Mesure 8 : Assujettir l’activité de dropshipping à la TVA en France
- Mesure 9 : Retenir à la source les cotisations sociales des micro-entrepreneurs ayant recours à des plateformes numériques
- AXE 2 - SANCTIONNER PLUS JUSTEMENT ET PLUS FORTEMENT
- Créer un dispositif interministériel de lutte contre les fraudes aux aides publiques
- Mesure 10 : Créer un dispositif interministériel de veille et d'analyse des risques de fraude aux aides publiques
- Mesure 11 : Mettre en place une base interministérielle de RIB frauduleux
- Mesure 12 : Expérimenter la suspension provisoire, à la demande de Tracfin, du versement des aides publiques en cas de suspicion de fraude organisée
- Mesure 13 : Créer un dispositif de sanction administrative ad hoc permettant une action rapide et dissuasive en cas de fraude aux aides publiques
- Lutter contre les sociétés éphémères ou qui organisent leur insolvabilité sans acquitter leurs dettes sociales et fiscales
- Mesure 14 : Lutter contre l’utilisation de la transmission universelle de patrimoine (TUP) dans les schémas de fraude
- Mesure 15 : Imposer la production d’une attestation fiscale et sociale lors de la procédure de liquidation amiable
- Améliorer les outils de prévention et de contrôle en matière de fraude sociale
- Mesure 16 : Renforcer le contrôle des faux accidents du travail
- Mesure 17 : Moderniser la carte Vitale pour simplifier la vie des Français et réduire les risques de fraude
- Mesure 18 : Lutter contre la non-déclaration des décès à l’étranger pour suspendre le versement de pensions de retraite indues
- Renforcer les dispositifs de sanction en matière de fraude fiscale et sociale
- Mesure 19 : Pénaliser la mise à disposition de montages et procédés frauduleux
- Mesure 20 : Demander aux professionnels de santé de rembourser les cotisations sociales prises en charge par l’assurance maladie en cas de fraude
- Mesure 21 : Garantir une réponse pénale exemplaire en cas de fraude fiscale délictuelle
- AXE 3 – MIEUX LUTTER CONTRE LES FRAUDES A L’INTERNATIONAL
- Lutter contre la fraude à la résidence sociale et fiscale
- Mesure 22 : Accéder au fichier PNR sur les données de voyage pour mieux repérer la fraude à la résidence sociale et fiscale
- Mesure 23 : Harmoniser à 9 mois par an la condition de résidence en France pour l'accès aux prestations sociales (hors pensions)
- Renforcer la position de l'administration fiscale vis-à-vis des multinationales en matière de contrôle des prix de transfert
- Mesure 24 : Responsabiliser les entreprises dans la documentation de leur politique de prix de transfert
- Mesure 25 : Étendre la durée de prescription en cas de cession des actifs incorporels les plus difficilement valorisables
- S’armer de nouveaux outils contre la fraude et l’évasion fiscale internationales
- Mesure 26 : Utiliser le renseignement pour détecter la fraude fiscale grave, notamment internationale, et identifier les intermédiaires qui l’organisent
- Mesure 27 : Adopter une stratégie nationale en matière d'échanges internationaux pour promouvoir la lutte contre l'opacité de détention patrimoniale au plan international
- AXE 4 – AGIR PLUS COLLECTIVEMENT POUR ÊTRE PLUS EFFICACES
- Renforcer la capacité de judiciarisation des fraudes aux finances publiques
- Mesure 28 : Transformer le Service d’Enquêtes Judiciaires des Finances en Office National Anti-Fraude aux finances publiques (ONAF) avec des compétences étendues
- Approfondir les coopérations institutionnelles en matière de lutte contre la fraude
- Mesure 29 : Améliorer le partage d’informations entre services de lutte contre les fraudes
- Mesure 30 : Repenser la coopération opérationnelle entre la DGFiP, la DGDDI et les URSSAF dans de nouveaux partenariats d’ici 2024
- Mesure 31 : Renforcer la coopération entre l’assurance maladie et les complémentaires santé
- Mesure 32 : Mieux lutter contre le travail illégal dans le domaine agricole
- AXE 5 – APPROFONDIR LA RELATION DE CONFIANCE POUR LES USAGERS DE BONNE FOI
- Placer la relation de confiance au cœur des relations avec les entreprises
- Mesure 33 : Renforcer l’accompagnement des entreprises en matière fiscale
- Inciter à la régularisation fiscale et sociale
- Mesure 34 : Régulariser équitablement les erreurs commises en matière fiscale
- Mesure 35 : Déployer un guichet de régularisation des dettes sociales pour les micro-entrepreneurs
Les objectifs de lutte contre les fraudes sociales
Voici les objectifs fixé pour la lutte contre les fraudes :
- En matière de fraude fiscale
- + 3 Md€ de recettes de TVA supplémentaires d'ici 2027 par rapport à 2022 grâce à la facturation électronique
- + 25 % de contrôles fiscaux sur les particuliers, principalement les plus fortunés
- Atteindre 50 % des contrôles fiscaux des particuliers issus du datamining d’ici 2027
- 100 000 dossiers de personnes physiques traités dans les pôles nationaux de contrôle à distance (contrôles sur pièces et incitation à la régularisation) à partir du datamining d’ici 2027 ;
- Évaluer d'ici 2025 la fraude fiscale évitée grâce à la mise en place de dispositifs préventifs (pré-remplissage, rescrits, régularisation, blocage a priori de versements indus, ...) afin de fixer un objectif chiffré annuel
- Renforcer le contrôle des plus grandes entreprises, notamment de leurs prix de transfert, et élargir la relation de confiance d’ici 2027 en nouant 160 partenariats avec les grandes entreprises et les entreprises de taille intermédiaires et en faisant bénéficier 8 500 PME d’un accompagnement fiscal en région
- En matière de fraude douanière
- 100 filières criminelles démantelées ou entravées par an à horizon 2025
- 9 500 contentieux à enjeux en matière de lutte contre la fraude par an à horizon 2025
- 32 500 infractions relevées par an sur les envois de fret express et postal à l’horizon 2025
- Scanner 100% des colis postaux venant de pays non-européens à partir de 2025
- S’agissant de Tracfin
- 1 000 signalements annuels en matière de lutte contre les fraudes sur la durée du quinquennat
- 1,5 Md€ de flux et opérations suspectes signalées chaque année, sur la durée du quinquennat, dans les notes et analyses de Tracfin en matière de lutte contre les fraudes
- En matière de fraude aux cotisations sociales
- 5 Md€ de redressements par les URSSAF d’ici 2027
- Dont 300 M€ au titre du travail détaché illégal
- Dont 200 M€ de régularisations des cotisations des micro-entrepreneurs
- En matière de fraude aux prestations sociales
- Atteindre 500 M€ de fraudes détectées et évitées dès 2024 par l’assurance maladie
- Détecter et stopper 700 M€ supplémentaires de fraude aux prestations CAF et retraites sur le quinquennat, dont 100 M€ au titre de la fraude à la résidence
- Généraliser l’évaluation de la fraude aux prestations, en mobilisant toutes les branches de sécurité sociale
L’extrême communication qui est faite actuellement sur le plan de la lutte contre la fraude sociale est très choquante car elle ignore l’autre volet, celui du non-recours aux prestations sociales pour des raisons multiples très bien analysées.
Quelle attention budgétaire, dans ce plan, est apportée à l’accompagnement des personnes vouées à s’inscrire dans le dispositif France Travail et pour faire valoir leur accès aux aides auxquelles elles ont droit ?
Quelles sont les dispositions financières qui sont prévues pour satisfaire cet engagement à lutter contre le non-recours aux prestations sociales ?
Où en est le projet de versement à la source pour éviter justement ces « trous » dans la perception des aides indispensables au pouvoir de vivre et à la dignité des plus démunis ?
Les PEP n’oublient pas que la pauvreté frappe durement les enfants de ces familles oubliées de l’action sociale. Elles réclament une meilleure équité dans le traitement de la productivité des finances publiques : moyens humains et financiers pour l’accompagnement des personnes qui doit contrebalancer les contrôles sur les plus pauvres annoncés à grand renfort de communication du ministre du Budget.