Limitation des activités éligibles au crédit ou à la réduction d'impôts

La semaine dernière, nous alertions sur le fait que le député Renaissance Daniel Labaronne avait déposé un amendement visant à plafonner à 1000 € les dépenses de soutien scolaire à domicile ou aux cours à domicile permettant de bénéficier de crédit d'impôt sur les services à la personne. Cet amendement CF1259 a été rejeté.

Mercredi 5 octobre 2022, trois amendements déposés par quatre députés de la NUPES Mme Christine Pires Beaune, M. Christian Baptiste, M. Mickaël Bouloux et M. Philippe Brun ont été adoptés pour réduire le champs d'application des services à la personne. Ce quatuor avait déjà proposé le 9 juillet un amendement visant à rétablir l'impôt de solidarité sur la fortune qui avait été rejetté.

Le premier amendement (CF770) vise à limiter les avantages fiscaux aux dépenses des foyers qui en ont le plus besoin, comme le préconisait le rapport Libault de 2019. Cet amendement vise donc à retenir, comme éligible au Crédit d'Impôts, les services à la personne (définis par décret dans le code du travail) suivants :

  • les activités de service à la personne soumises à agrément;
  • l'entretien de la maison et travaux ménagers.

Les autres activités de service à la personne pourraient être retenues à condition d'être jeune parent ou personne dépendante (handicap ou grand âge). Quant à la maintenance, l'entretien et la vigilance temporaires de la résidence principale et secondaire, elle serait complétement exclue.

Le second amendement (I-CF772) propose de transformer la réduction d’impôt au titre des frais de dépendance et d’hébergement pour les personnes dépendantes accueillies en établissement spécialisé en un crédit d’impôt.  

Le coût de cette dépense fiscale est estimé, pour 2022, à 263 millions d'euros pour plus de 432 000 bénéficiaires.

La réduction d’impôt s’élève à 25 % des dépenses engagées au titre de la dépense et de l’hébergement des seules personnes dépendantes hébergées dans un  établissement spécialisé, à l’exclusion des dépenses de soins, qui sont couvertes par la Sécurité sociale. Ces dépenses sont plafonnées à 10 000 € par an, par bénéficiaire.

Cette réduction d’impôt est cumulable avec le bénéfice d’autres aides, et notamment l’allocation personnalisée en établissement (APA), qui couvre une partie des dépenses de dépendance, l’aide sociale à l’hébergement en établissement (ASH), les aides personnalisées au logement (APL) ou l’allocation de logement sociale (ALS), qui prennent en charge tout ou partie des frais associés à l’hébergement des personnes.

Malgré ces différents dispositifs, le reste à charge des personnes dépendantes reste très important. Le rapport Libault relevait ainsi que « selon l’enquête Care de la DREES, le reste à charge après aides diverses atteint 1 850 € par mois (niveau médian avant aide sociale à l’hébergement) et excède les ressources courantes de la personne âgée dans 75 % des cas ». La même enquête relevait à la fin de l’année 2018 que « 11 % [des résidents déclaraient] devoir mobiliser leur entourage pour payer une partie de ces frais » (Drees, Études et résultats n° 1095).

Le rapport Libault relevait qu’à domicile, le reste à charge restait « maîtrisé » et s’établissait en moyenne à 60 € par mois.

Si la réduction d’impôt instituée par l’article 199 quindecies permet d’apporter une aide nécessaire à certains ménages, ce dispositif reste perfectible.

Ainsi, si le montant maximal théorique de la réduction d’impôt s’élève à 25 % x 10 000 € = 2 500 €, le montant médian par bénéficiaire s’élève à 1 240 €, et le montant moyen, à 1 437 €, principalement du fait de la nature non restituable du dispositif.

Une évaluation réalisée à l’occasion du rapport Guillaume (2011) relevait que « cette dépense présente deux inconvénients :

  • elle est largement anti-redistributive. Ainsi, la dépense bénéficie exclusivement aux quatre déciles supérieurs ;
  • elle est mal ciblée. D’une part, les personnes les plus âgées ont des revenus plus faibles et sont donc sous-représentées parmi les bénéficiaires de la dépense. D’autre part, le plafonnement de la dépense affecte davantage les foyers fiscaux les plus dépendants, qui font face aux dépenses les plus élevées ».

De même, une étude de la Drees (2016) relevait également que du fait de sa nature, cette réduction d’impôt bénéficiait « aux résidents aux ressources les plus élevées ». Elle précisait que « du fait de leurs ressources plus élevées, les personnes bénéficiant de réductions d’impôt ne bénéficient ni de l’ASH ni des aides au logement, ou pour des montants très faibles ». Au total, « le montant des restes à charges est plus élevé pour les bénéficiaires de réductions d’impôts, mais cela représente en moyenne une part moins importante de leurs ressources (90 % contre 150 %) ».

La même étude précisait également que « chaque mois, en moyenne, les résidents ne bénéficiant pas de réduction d’impôt touchent 297 € d’APA, 127 € d’aide au logement et 301 € d’ASH. Leur reste à charge s’élève alors à 1 363 euros pour des ressources atteignant en moyenne 916 € par mois ». 

Cet amendement propose dès lors d'étendre le dispositif aux publics les plus fragiles, dans un objectif de justice sociale et de lutte contre les inégalités, en transformant la réduction d’impôt au titre des frais de dépendance et d’hébergement pour les personnes dépendantes accueillies en établissement spécialisé en un crédit d’impôt.

Pour assurer la neutralité budgétaire d’une telle mesure, il est proposé de restreindre le bénéfice du crédit d’impôt au titre de l’emploi d’un salarié à domicile, pour les dépenses de dépendance uniquement, aux ménages les plus favorisés, le reste à charge étant, pour ces personnes, d’un montant limité.

Le seuil de RFR proposé est fixé à 54 000 euros, borne inférieure du dernier décile. Ce seuil a été déterminé en fonction des données transmises par la direction de la législation fiscale en 2021 au titre de l'année 2019 et permet de largement gager la mesure.

Enfin le troisième amendement (CF763) vise à ce que le bénéficiaire du crédit d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile renseigne les activités de service à la personne au titre desquelles il a engagé des dépenses éligibles pour évaluer l'avantage fiscal en fonction des services éligibles, du niveau de prise en charge et des plafonds en vigueur. L'objectif est de recentrer la dépense fiscale vers les besoins des plus fragiles.

Un autre amendement qui visait à diminuer de moitié le plafond de l'avantage fiscal en passant de 12 000 à 6 000 euros a été rejeté. 

Les risques sur les services à la personne

Les mesures fiscales qui ont été mise en place pour les services à la personne ont permis de faire sortir du travail au noir des activités qui n'étaient auparavant pas souvent déclarées.

Aujourd'hui, une personne qui fait appel à une structure ou à un particulier pour des services à la personne n'a aucun intérêt à ne pas déclarer les prestations car en récupérant 50% des dépenses.

On peut imaginer que si ces amendement venaient à être confirmé, le secteur des services à la personne qui est en pleine expansion connaitrait un coups de frein et qu'une partie non négligeable de l'activité pourrait à nouveau basculer dans le travail au noir.  

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Les activités éligibles aujourd'hui aux  avantages fiscaux

Les 26 activités qui permettent de bénéficier aujourd'hui de réduction ou de crédit d'impôts : 

  • Relevant uniquement de la déclaration
    • Entretien de la maison et travaux ménagers
    • Petits travaux de jardinage (Le plafond annuel des dépenses de petit jardinage ouvrant droit au crédit d'impôt ne peut excéder 5 000 euros)
    • Travaux de petit bricolage (Le plafond annuel des dépenses de petit bricolage ouvrant droit au crédit d'impôt ne peut excéder 500 euros).
    • Garde d’enfants de plus de 3 ans à domicile
    • Soutien scolaire ou cours à domicile
    • Soins d’esthétique à domicile pour les personnes dépendantes
    • Préparation de repas à domicile
    • Livraison de repas à domicile
    • Livraison de courses à domicile
    • Collecte et livraison à domicile de linge repassé
    • Assistance informatique à domicile (Le plafond annuel des dépenses d'assistance informatique ouvrant droit au crédit d'impôt ne peut excéder 3 000 euros)
    • Soins et promenades d’animaux de compagnie pour les personnes dépendantes
    • Maintenance, entretien et vigilance temporaires à domicile
    • Assistance administrative à domicile
    • Accompagnement des enfants de plus de 3 ans dans leurs déplacements
    • Télé-assistance et visio-assistance
    • Interprète en langue des signes
    • Assistance aux personnes ayant besoin d’une aide temporaire à leur domicile
    • Conduite du véhicule des personnes en cas d’invalidité temporaire
    • Accompagnement des personnes présentant une invalidité temporaire
    • Coordination et délivrance des services à la personne
  • Soumises à agrément en mode mandataire et prestataire
    • Garde d’enfants de moins de 3 ans et de moins de 18 ans handicapés à domicile
    • Accompagnement d’enfants de moins de 3 ans et de moins de 18 ans handicapés
  • Soumises à agrément en mode mandataire et à autorisation en mode prestataire
    • Assistance aux personnes âgées et aux personnes handicapées
    • Conduite du véhicule des personnes ayant des difficultés de mobilité
    • Accompagnement des personnes en dehors de leur domicile

Autres amendements sur les services à la personne

Amendement sur le soutien scolaire à distance

L'amendement CF805 déposé par Mme Béatrice Piron, M. Emmanuel Pellerin et M. Charles Rodwell est en discussion. Les contribuables qui engagent des dépenses de services à domicile notamment pour des cours particuliers à domicile bénéficient d’un crédit d’impôt dont le montant s’élève à 50% des dépenses engagées durant l’année. Les services doivent être rendus à la résidence du bénéficiaire en France.

Durant la crise COVID, les cours de soutien scolaire pouvaient être délivrés à distance grâce à des outils numériques.

Cet amendement propose de reconduire ce dispositif car imposer un déplacement physique au professeur peut générer à la fois des inégalités territoriales (il est plus difficile de trouver un professeur spécialisé, en zone rurale qu’en zone urbaine) ; un surcout lié au temps et frais de déplacement, mais aussi n’est pas toujours respectueux de l’environnement si la distance est importante.

Cet amendement a donc pour objectif de pérenniser cette dérogation de distanciel uniquement pour les cours particuliers de soutien scolaire et il permettra une réduction des coûts pour les familles mais aussi pour l’Etat au travers d’une baisse globale du prix de ces prestations.

Amendement pour les parents Solo 

L'amendement CF1228 proposé par Philippe Brun visait à faire passer de 50 à 80 % le montant des dépenses éligibles au crédit d’impôt relatif aux services à la personne pour les personnes seules. 

L'amendement CF706 allait dans le même sens : faire passer de 50 à 80 % le montant des dépenses éligibles au crédit d’impôt relatif aux services à la personne pour les  les familles monoparentales.

Ces 2 amendement ont été rejetés.

Réaction de la FESP

Pour la FESP, le crédit d’impôt Services à la personne est un dispositif essentiel en faveur de la création d’emplois, de la lutte contre le travail non déclaré et de la préservation du pouvoir d’achat des familles !

Lors des discussions sur le Projet de Loi de finances pour 2023 (PLF), en commission des finances le 5 octobre dernier, les députés de la commission ont voté des amendements qui remettaient en cause le principe du crédit d’impôt Services à la personne (SAP) avant que ces amendements soient rejetés en séance publique. La Fédération du service aux particuliers (FESP) s’est mobilisée fortement pour la suppression de ces amendements. La suppression du crédit d’impôt remettrait en cause un dispositif essentiellement social.

En effet, le Crédit d’impôt SAP constitue un dispositif indispensable pour la création d’emplois, permettant de lutter contre le travail non déclaré. Les services à la personne emploient plus de 1,5 million de salariés.

Il répond aux besoins des familles. 4,5 millions de ménages bénéficient de services nécessaires pour concilier vie personnelle et vie professionnelle avec notamment les services liés à la petite enfance, au maintien à domicile et au handicap.

Un récent sondage réalisé par l’IFOP pour la FESP met en évidence les risques pour l’économie en cas de diminution ou de suppression du crédit d’impôt. Ainsi, parmi les bénéficiaires actuels du crédit d’impôt, dans l’hypothèse d’une diminution du dispositif, 49 % réduiraient leur recours à ces services (moins d’horaires, moins de prestation, etc.) et 9 % y renonceraient. En cas de suppression, 31 % auraient recours au travail non déclaré.

Or, le travail non déclaré représente encore 30 % du marché. Les principales raisons sont la simplicité du recours au travail informel, la volonté de l’intervenant à ne pas déclarer ses revenus, l’abaissement des aides fiscales. Le crédit d’impôt représente justement une mesure de renforcement du pouvoir d’achat des familles en leur permettant de ne payer que 50 % du prix réel du service consommé.

La Fédération leader de la branche des entreprises de SAP rappelle qu’1 € investit pas l’État pour la consommation de services à la personne prestés par des entreprises rapporte 1,9 € aux finances publiques.

Pour renforcer encore plus l’emploi dans le secteur, la première Fédération des entreprises, a imaginé et coconstruit avec les pouvoirs publics depuis 2017, l’avance immédiate du crédit d’impôt, en vigueur depuis le 14 juin dernier. La généralisation de cette mesure contribuerait à la création de 150 000 à 200 000 nouveaux emplois et à l’augmentation de 30 % de la croissance des services à la personne.

Une stabilité réglementaire et fiscale est donc indispensable pour soutenir ce secteur en forte croissance.