Un projet de loi « très opérationnel » qui change de visage au Sénat
Sur le papier, le texte vise à renforcer la lutte contre les fraudes : partage de documents entre administrations (DGFiP, CPAM,
CAF), vigilance accrue sur le
travail dissimulé, et espoir de récupérer jusqu’à 1,5 milliard d’euros, selon sa rapporteure LR Frédérique Puissat.
Un chiffre à mettre en perspective avec l’estimation du HCFiPS : 13 milliards d’euros de fraude sociale, dont seulement 2,9 milliards réellement identifiés.
Mais tout bascule lorsque la commission des affaires sociales, dominée par la droite, ajoute des mesures qui font immédiatement polémique.
La droite muscle le texte… et choque la gauche
Les sénateurs LR et centristes introduisent notamment :
- ❌ Suspension du tiers payant pour les assurés soupçonnés d’avoir fraudé
- 🔍 Accès élargi aux données sensibles (compagnies aériennes, opérateurs téléphoniques) pour France Travail et la Sécurité sociale
- 🚫 Suspension jusqu’à 3 mois des allocations chômage sur simple « indices sérieux » de fraude
- ⚠️ Suspension jusqu’à 2 mois des autres prestations sociales dans les mêmes conditions
Pour Frédérique Puissat, ces outils sont indispensables : fichier partagé, consultation des données, usage des adresses IP… « On a répondu aux administrations avec le souci de brasser large », se félicite-t-elle.
« 100 % de la rigueur sur 3 % du problème » : la gauche fulmine
Du côté de la gauche sénatoriale, c’est l’explosion.
La sénatrice communiste Silvana Silvani dénonce un texte « dénaturé », obsédé par la fraude sociale, pourtant bien moindre comparée à la fraude fiscale.
Les chiffres qu'elle avance :
💸 Fraude sociale : 2 à 15 milliards selon les sources
💰 Fraude fiscale : 80 à 100 milliards
« Stigmatisation des plus précaires », « flicage », « vieilles lunes »… Les critiques fusent. Pour le socialiste Jean-Luc Fichet, « il est plus facile de viser les bénéficiaires du RSA que les fraudeurs organisés du côté des entreprises ».
La rapporteure LR balaie ces accusations, parlant de discours « misérabilistes ». Et assume : oui, le texte touchera aussi les
allocataires du RSA… comme les entreprises fraudeuses. L’objectif, dit-elle, est simple : restaurer l’acceptabilité de l’impôt.
Une adoption quasi-certaine… et déjà confirmée
Les articles les plus contestés étaient examinés ce jeudi soir. Sans surprise : ils ont été adoptés.
Voici ce qui change concrètement :
- Article 27 : France Travail peut saisir directement les sommes indues et suspendre les futures allocations en cas de fraude.
- Article 28 : accès aux données sensibles + suspension jusqu’à 3 mois des allocations chômage sur indices sérieux.
- Article 29 : suspension jusqu’à 2 mois des prestations sociales sur indices sérieux.
Autrement dit : des sanctions rapides, sur la base de soupçons, avant même la preuve formelle de fraude.