Maintenant que le
gouvernement Lecornu est en place, et sous réserve qu'il ne soit pas renversé par les motions de censure déposées à l'assemblée nationale, les députés doivent avancer sur le budget 2026. Dans un contexte de vieillissement accéléré de la population et de tensions sur le financement du système de santé, le gouvernement met l’accent sur trois priorités :
- adapter notre système de santé pour garantir l’accès aux soins partout sur le territoire,
- répondre au défi du grand âge en renforçant les moyens consacrés aux EHPAD et à l’accompagnement à domicile,
- et soutenir les familles et les travailleurs du lien, piliers des services à la personne.
Bercy vient de présenter son
projet de loi de finance 2026 : PLF 2026, PLFSS 2026 et PJL lutte contre les fraudes sociales et fiscales. Le texte assume une logique d’“effort partagé” : responsabilisation des acteurs, mesures d’efficience dans la dépense, et investissements ciblés pour préparer la France au virage démographique qui s’annonce.
Mardi 14 octobre 2025, la commission des finances a auditionné Roland Lescure, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique ainsi qu'Amélie de Montchalin, ministre de l’action et des comptes publics sur le projet de loi de finances pour 2026.
Voici les principales mesures du PLFSS 2026 concernant les services à la personne, les maisons de retraite (EHPAD) et la santé :
🧑⚕️ Santé
Le PLFSS 2026 vise à contenir le déficit de la Sécurité sociale tout en adaptant le système de santé :
- ONDAM (objectif national des dépenses d’assurance maladie) en hausse de 4,3 Md€ (+1,6 %).
- Hausse des franchises médicales :
- médicaments : 2 € par boîte,
- actes paramédicaux : 2 €,
- transports sanitaires : 8 €,
- participation forfaitaire sur les actes médicaux : 4 €.
- ➜ Ces mesures devraient générer 2,3 Md€ d’économies.
- ➜ Les publics fragiles (femmes enceintes, enfants, bénéficiaires de la C2S…) sont exonérés.
- Investissement hospitalier : 2,3 Md€ consacrés à la modernisation des infrastructures hospitalières en 2026.
- Santé mentale : 65 M€ pour la stratégie nationale (repérage, soins de proximité, coordination).
- Soins palliatifs : 100 M€ pour développer l’offre, notamment à domicile.
- Innovation et accès aux soins :
- création du statut de praticien territorial de médecine ambulatoire pour lutter contre les déserts médicaux,
- mise en place de 5 000 “Maisons France Santé” d’ici 2027,
- généralisation de l’usage du Dossier Médical Partagé.
🏠 Maisons de retraite (EHPAD) et autonomie
Le texte consacre un axe fort au vieillissement et à la perte d’autonomie :
- Poursuite de la stratégie 2030 d’adaptation au vieillissement :
- 25 000 places supplémentaires de soins infirmiers à domicile,
- Transformation de 500 EHPAD en centres de ressources territoriaux,
- Recrutement de 50 000 professionnels en EHPAD, dont 4 500 dès 2026 (250 M€),
- Doublement des équipes Alzheimer à domicile.
- Réforme du financement des EHPAD : poursuite de l’expérimentation dans 23 départements pour égaliser le soutien public et réduire les déficits.
- Investissement de 100 M€ dans l’habitat intermédiaire (résidences autonomie, habitats inclusifs, etc.) pour créer 10 000 nouvelles places.
- Soutien financier renforcé aux départements :
- +0,3 Md€ pour maintenir la compensation de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et de la prestation de compensation du handicap (PCH).
- Fin des situations de double financement entre APA et indemnités d’assurance.
👩🤝👨 Services à la personne
Le texte ne cite pas directement le secteur “services à la personne”, mais plusieurs mesures le concernent indirectement :
- Renforcement des services d’autonomie à domicile : financement accru via les départements et la CNSA.
- Soutien à la prévention de la perte d’autonomie et à la coordination des soins à domicile dans le cadre des résidences autonomie.
- Le développement des emplois dans le secteur du grand âge et de la santé à domicile (infirmiers, aides à domicile, auxiliaires de vie) s’inscrit dans la trajectoire 2030 de 200 000 bénéficiaires supplémentaires d’un accompagnement public.
En résumé, le PLFSS 2026 :
- Renforce la santé publique et la prévention tout en maîtrisant les dépenses.
- Accentue la politique du “virage domiciliaire” et l’investissement dans les EHPAD.
- Soutient financièrement les départements pour le maintien à domicile et l’autonomie.
- Prépare la société au vieillissement en finançant massivement les structures intermédiaires et les métiers du soin.
Reste à savoir si le budget pourra aller jusqu'au bout, sachant que Sébastien Lecornu s'est engagé à ce qu'il soit adopté sans avoir recour au 49.3.
Commentaire sur les amendements proposés au Crédit d’impôt SAP : entre équité et contraintes budgétaires
La discussion autour des amendements déposés en commission des finances concernant le Crédit d’impôt pour les Services à la Personne (SAP) révèle des tensions persistantes entre la volonté de cibler davantage les aides vers les ménages les plus modestes et la nécessité de préserver l’équilibre budgétaire. Plusieurs propositions, portées par différents groupes politiques, illustrent cette dynamique complexe.
D’un côté, l’idée d’une dégressivité du crédit d’impôt en fonction des revenus (PS, LFI) semble répondre à un impératif de justice sociale, en recentrant le dispositif sur ceux qui en ont le plus besoin. Cette approche, si elle était adoptée, permettrait de mieux adapter l’aide aux réalités économiques des bénéficiaires, tout en limitant les effets d’aubaine pour les ménages les plus aisés. Cependant, elle soulève la question de son impact sur l’attractivité des services à la personne pour les classes moyennes, qui pourraient se retrouver pénalisées par une réduction progressive de l’avantage fiscal.
La majoration de 50% à 80% pour les familles monoparentales (PS), bien qu’écartée pour des raisons budgétaires, aurait pu constituer une avancée significative pour ces foyers souvent confrontés à des charges supplémentaires. Son rejet met en lumière les arbitrages difficiles entre soutien aux publics vulnérables et maîtrise des dépenses publiques.
Les propositions visant à réduire le taux du crédit d’impôt (de 50% à 40% ou 45% selon les amendements) ou à abaisser les plafonds (notamment de 12 000 € à 1 500 € pour LFI) interrogent quant à elles sur l’avenir du secteur. Une baisse des incitations fiscales pourrait en effet fragiliser un écosystème déjà sous tension, notamment pour les activités hors aide à domicile et petite enfance, qui jouent un rôle clé dans l’emploi local et la qualité de vie des ménages.
Enfin, la limitation du crédit d’impôt aux seuls salaires chargés dans le cadre des activités mandataires (PS) ou la suppression de l’éligibilité de certaines activités (LFI) risquent de complexifier encore un dispositif déjà critiqué pour sa lourdeur administrative. Ces mesures, si elles visent à rationaliser les dépenses, pourraient aussi réduire l’accès à des services essentiels pour de nombreux Français.
Ces débats rappellent que la réforme du Crédit d’impôt SAP ne peut se contenter d’une logique purement comptable. Elle doit aussi intégrer une réflexion sur l’équilibre entre équité, efficacité économique et accessibilité des services. Une concertation élargie avec les acteurs du secteur et les bénéficiaires serait sans doute nécessaire pour trouver un compromis durable, qui préserve à la fois la solidarité et la viabilité du modèle.
La FNATH a pris connaissance des dispositions du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026. Si ce PLFSS comporte quelques mesures intéressantes, la FNATH fait le constat d’une série de mesures qui porte une atteinte manifeste aux droits des assurés sociaux, aux pensionnés à la retraite ou à l’invalidité, aux personnes malades, en situation de handicap, et aux accidentés du travail ou qui souffrent d’une maladie professionnelle.
La FNATH dénonce comme inacceptables :
- Le maintien pour l’année 2026 à leur niveau de 2025 des seuils de revenus qui conditionnent l’application des taux réduits ou nuls de CSG et d’autres contributions liées dues sur certains revenus de remplacement (pensions de retraite, pensions d’invalidité et allocations chômage).
- La création d’une nouvelle contribution des organismes complémentaires au titre de l’année 2026 au taux de 2,05 % assis sur l’ensemble des cotisations de leurs adhérents qui sera, au final, à la charge des assurés par une augmentation du montant des cotisations.
- L’imposition des titres-restaurant pour les dépenses alimentaires, chèques-vacances pour les activités de loisirs, chèques cadeaux ou autres avantages sociaux et culturels financés par les CSE (billets de théâtre, de musées ou de concert) aux prélèvements sociaux.
- La fin de l’exonération de cotisations sociales salariales en faveur des apprentis.
- L’extension du champ des participations forfaitaires et franchises sur les actes et consultations effectués par les chirurgiens-dentistes et les dispositifs médicaux.
- La limitation de la durée de prescription des arrêts de travail pour maladie, la durée d’indemnisation des arrêts de travail en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle et la suppression de l’obligation de visite de reprise pour un retour de congé maternité.
- La limitation de la durée d’indemnisation des arrêts de travail des assurés ne relevant pas du dispositif de l’affection longue durée.
- La réduction du montant de l’allocation personnalisée d’autonomie et de la prestation de compensation du handicap pour la victime d'un accident de la circulation.
- La diminution de la dotation de la branche AT-MP pour financer le FIVA qui passe de 465 millions d'euros au titre de l'année 2025 à 387 millions d’euros pour 2026.
Comble de cynisme, alors que la Commission d’évaluation a évalué en 2024 le montant de la sous-déclaration des AT-MP, sur la base des données scientifiques et épidémiologiques les plus récentes, dans une fourchette comprise entre 2 milliards et 3,8 milliards d’euros, le PLFSS pour 2026 limite le montant du versement annuel de branche AT/MP au titre de la sous-déclaration au profit de la branche maladie à 1,6 milliards d’euros ! Alors que la branche maladie supporte un déficit historique, le Gouvernement persiste à épargner les entreprises de leur contribution sans même la fixer au minimum de la fourchette basse de l’évaluation.
A ce stade, la FNATH ne peut que s’opposer à ce PLFSS pour 2026 qui doit être qualifié de « PLFSS d’agression sociale » et même plus de régression sociale.