Sarah Saldmann et les Grandes Gueules : Un Engagement Médiatique

En 2016, François Ruffin et Gilles Perret avait lancé le docu-enquête satyrique Merci Patron ! 8 années plus ils lancent un troisième film ensemble, après J’VEUX DU SOLEIL sur les Gilets jaunes et  DEBOUT LES FEMMES…
Le documentaire est né d'une rencontre avec Sarah Saldmann, avocate et chroniqueuse. L'avocate, bien connue pour ses interventions franches et percutantes dans l'émission Les Grandes Gueules sur RMC, s’est également engagée à parler des conditions de travail des salariés à domicile. Elle a abordé ces questions dans un débat passionné où elle n’hésite jamais à pointer les incohérences du système et à défendre des réformes pour ces métiers. Son intervention a contribué à attirer l’attention médiatique sur "Au boulot !", renforçant ainsi la portée du film.
Sur le plateau des Grandes Gueules, Sarah Saldmann s’était emporté en dsiant que " Le Smic, c’est déjà pas mal ", et le député François Ruffin lui avait alors proposé : " Je vous demande d’essayer de vivre, madame Saldmann, pendant trois mois, avec 1 300 €. - Admettons, mais une semaine, ça sera déjà pas mal. ".

Il en est sorti une comédie documentaire, avec des rires et des larmes, qui met à l’honneur ceux qui font tourner le pays. 

Les portraits du documentaire

Voici les portraits présentés dans "Au boluot" : 

  • Louisa Hareb, auxiliaire de vie à Saint Etienne. Louisa est auxiliaire de vie depuis une vingtaine d’années. Usée par le travail, elle continue néanmoins ce métier qu’elle qualifie comme  le plus beau du monde " et  qui donne chaque jour un sens à sa vie
  • Amine Boubaker, prestataire La Poste à Lyon. À 24 ans, Amine est diplômé d’un BEP mécanicien automobile mais épris de liberté, il a décidé de suivre une autre voie. Il exerce le métier de chauffeur livreur depuis 3  ans. Il espère passer le permis poids lourd prochainement pour pouvoir rouler sur de  plus longues distances.
  • Pierre Corrue, directeur Ked Makaya Elfie et Jessy Magnier, salariés. Jessy Magnier et Ked Makaya Elfie sont ouvriers dans une PME familiale consacrée au conditionnement de poissons fumés. Pierre Corrue dirige cette PME familiale  qui regroupe une cinquantaine de salariés. Peu de débouchés en dehors de l’agroalimentaire dans la région.
  • Enès Morel et Haroon Safi, travaillant dans un restaurant à Amiens. Enès est arrivée un soir au restaurant, le patron lui a proposé de rejoindre l’équipe. Elle a débuté comme serveuse, aujourd’hui elle est responsable de salle. Réfugié afghan, Haroon a traversé le Moyen-Orient et l’Europe avant d’atterrir à Amiens. Il s’est formé en LP, a travaillé dans un restaurant avant de trouver cet emploi de cuisinier
  • Sylvain Dupuis, charpentier de formation à Abbeville. Sylvain a exercé ce métier pendant une vingtaine d’années. Un accident du travail l’a d’abord empêché de poursuivre son métier puis il connaît l’isolement lorsque sa femme le quitte. Il trouve alors refuge auprès du Secours Populaire d’Abbeville, pour lequel il travaille bénévolement presque quotidiennement depuis plusieurs années.
  • Mohammed Bouteldha et Illies Azougagh, intérimaires à Grigny. A 20 ans, Mohamed et Illies ont suivi un cursus classique pour arriver jusqu’au bac. Malgré leurs notes correctes, Parcoursup ne leur a trouvé aucune suite pour leurs études. Enfants des quartiers de Grigny, de parents travaillant sur les marchés et agent d’entretien, ils ont déjà effectué plusieurs formations courtes et multiplient les missions d’intérim depuis leur bac. Avec la formation de poseur de fibre, ils espèrent décrocher un contrat fixe et pouvoir ainsi regarder vers le futur.
  • Nathalie Ricordeau, femme de chambre à Bléré. Pendant une vingtaine d’années, Nathalie a subi l’usure du travail. Son corps souffre de multiples scolioses, elle est aujourd’hui en situation de handicap et en incapacité de poursuivre son travail. Licenciée à 45 ans, elle est restée longtemps éloignée de l’emploi, joignant les deux bouts entre sa pension d’invalidité et la solidarité pour subvenir aux besoins de sa famille. Embauchée depuis 1 an dans la Boite d’A Coté, Nathalie revit enfin.
  • Nicolas Richard, réparateur en électroménager à Bléré. Curieux et voyageur, Nicolas a changé plusieurs fois de vie au cours de ses jeunes années. Marin pompier, puis restaurateur, un AVC l’a éloigné du travail. Grâce au dispositif 0 chômeur, il a pu retrouver une activité qui lui plaît et pour laquelle il a passé un diplôme de réparation en électroménager.

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Les conditions de travail : entre précarité et dédication

Les salariés à domicile, qu’il s’agisse d’aides ménagères, d’auxiliaires de vie ou de gardes d’enfants, font face à des conditions de travail souvent exigeantes. En France, ces métiers, en majorité occupés par des femmes, souffrent encore d’un manque de reconnaissance, tant financière qu'institutionnelle. Leur rémunération est souvent modeste, et la flexibilité demandée est parfois excessive, avec des horaires morcelés et une absence de stabilité qui compliquent la conciliation vie professionnelle et vie personnelle.
"Au boulot !" met en lumière ces réalités en montrant des personnages confrontés à des horaires fluctuants, à la solitude et parfois même à la précarité. Le film rappelle que ces travailleurs sont souvent isolés, sans collègues ou soutien sur place, avec des tâches exigeant une grande implication émotionnelle et physique. Le manque de reconnaissance et de droits sociaux, notamment en matière de santé et de protection contre les accidents du travail, est aussi un problème majeur pour ces métiers.
Le documentaire met en avant :
  • un marché du travail se précarise pour les jeunes. En 2019, parmi les moins de 25 ans, plus de 50 % des jeunes exercent leur activité en CDD, interim, contrat aidé ou apprentissage. Au début des années 80, c’était moins de 20 %. Presque une personne pauvre sur deux a moins de 30 ans (soit un niveau de vie inférieur à 60 % du niveau médian = 1102 euros en 2019).
  • Des femmes plus souvent en CDD. Les femmes sont moins fréquemment en CDI (55 % contre 61%). Les femmes occupent plus souvent que les hommes des emplois peu ou pas qualifiés (22 % sont des employées ou ouvrières non qualifiées contre 13 % des hommes), elles sont aussi moins souvent cadres (19 % des femmes contre 24 % des hommes) – même si la part des femmes parmi les cadres a doublé ces 40 dernières années.
  • Des temps partiels subis. Les ménages pauvres connaissent le temps partiel pour 33,6 % d’entre eux en 2019 (contre 22,2 % en 1996). Pour l’ensemble de la population, le taux est de 16,6 %. Un temps partiel sur deux est involontaire.
  • La santé au travail. En 2005 70 % des salariés du privé déclaraient avoir eu une visite avec un médecin ou une infirmière du travail au cours des 12 derniers mois. Ils ne sont plus que 39 % en 2019.
  • L’explosion des inaptitudes. Les « inaptitudes » ne sont pas comptées, ni chiffrées officiellement. Le rapport d’octobre 2023 de François Ruffin les évalue à plus de 100 000. C’est le plus grand plan social en France. Après un accident ou une maladie, revenir au travail est plus difficile. Sans poste adapté, sans disposition prise par l’employeur, l’état de santé s’aggrave : ça se termine en déclaration d’inaptitude. Derrière, c’est le licenciement, le chômage. Les pré-retraites n’existent plus, les droits au chômage sont restreints : ne reste plus que le maigre RSA pour vivre. Les salariés, âgés et peu qualifiés, sont surreprésentés au sein des inaptes. En 2012, 43 320 inscriptions à Pôle emploi se faisaient pour cette raison, aujourd’hui il y en a désormais 101 192 : soit une hausse de 134%.
  • Un besoin de tenir jusqu’à la retraite. En 2019, 37 % des actifs déclarent leur travail « insoutenable » : ils ne se sentent pas capables de tenir jusqu’à la retraite. L’intensité du travail et la faible autonomie accentuent ce sentiment, plus prononcé en France que dans les autres pays d’Euro.

Une représentation humaine et juste des salariés au SMIC

Le film n’omet pas de présenter l’aspect profondément humain de ces métiers. Les relations qui se nouent entre les employés et les personnes chez qui ils interviennent sont souvent fortes et empreintes de confiance. Ces liens sont montrés dans "Au boulot !" comme une forme de récompense immatérielle pour les salariés, qui se sentent utiles et indispensables, malgré la pénibilité et le manque de soutien.
Cette dimension humaine est ce qui fait la richesse et la force du film, car elle permet au public de se rapprocher des réalités de ces travailleurs et de leurs contributions souvent ignorées. La dignité, la compassion et la patience dont ils font preuve au quotidien deviennent les véritables héros du film.
À travers "Au boulot !", les réalisateurs interpellent non seulement le grand public mais aussi les décideurs politiques. Alors que la population vieillit et que la demande pour ces services croît, il devient impératif de repenser les conditions de travail des salariés à domicile. Une revalorisation de leurs salaires, une amélioration de leur protection sociale, et une régularisation de leurs horaires de travail seraient des premières étapes vers la reconnaissance de ces métiers essentiels.
"Au boulot !" est un film qui fait résonner les voix de ceux que l’on n’entend que trop rarement, tout en invitant chacun à prendre conscience de la réalité de ces métiers. Grâce à l’engagement de personnalités médiatiques comme Sarah Saldmann, cette prise de conscience prend une ampleur supplémentaire et invite à une réflexion plus large sur la justice sociale.