Des Ehpad pour tous avec le label GreyPRIDE Bienvenue

Depuis longtemps, la sexualité des seniors est complètement niée, mise au rebut, invisibilisée. C’est un sujet tabou. Personne n'en parle et / ou ne veut en parler. Le phénomène est encore plus prégnant dans les Ehpad où elle peut parfois même être interdite. A croire qu’à partir d’un certain âge, le désir disparaît totalement…

Pour Libération, Francis Carrier, le président et fondateur de l’association GreyPRIDE (qui titre son nom de la marche des fiertés lesbienne, gay, bi et trans - la Gay pride) explique : “C’est un univers caché, et dans ce contexte, les vieux résidents gays ne disent rien de leur vie. Plus généralement, quand il se passe quelque chose, on va dire que les résidents perdent la tête, qu’ils ou qu’elles sont désinhibés. Les soignants en ont peur, les familles n’en veulent pas. Avec l’âge, la sexualité peut évidemment changer, prendre d’autres formes, mais elle est vitale. La nier, c’est enfermer le vieux dans une case, où sa vie est absente.” Fort de ce constat, Francis Carrier a décidé de créer une association qui poursuit plusieurs desseins : lutter contre l’invisibilité, retrouver des liens de solidarité et travailler pour créer un environnement dans lequel les seniors se sentent accueillis en tant qu’individu avec ses désirs, son orientation sexuelle et son identité de genre. Telle est la raison d’être du collectif GreyPRIDE. 

Créée en 2016,  GreyPRIDE n’est pas une association comme les autres, tout comme son fondateur Francis Carrier. Cet ingénieur informaticien à la retraite,  co-fondateur du Conseil national autoproclamé de la vieillesse et auteur du livre “Vieillir comme je suis : l’invisibilité des vieux LGBTQI+” (aux éditions Rue de Seine - sorti en avril 2023), a un long passé de militantisme. Figure emblématique de la lutte contre le sida et des droits LGBT+, ce toulousain engagé s’est toujours mobilisé pour défendre les droits des minorités. Ainsi, Francis Carrier a souhaité faire de l’association GreyPRIDE la croisée de plusieurs luttes : lutte contre l’âgisme, lutte contre le VIH, lutte pour le respect de la sexualité et de l'identité des personnes âgées. Bien vieillir c’est pouvoir faire respecter son identité, son altérité, son histoire et pouvoir s’exprimer sur ses désirs affectifs et sexuels.

GreyPRIDE ambitionne avant tout de lutter contre l’invisibilité, retrouver des liens de solidarité et créer un environnement dans lequel tous les seniors sont accueillis (dans les structures d'aide et d'accueil des personnes âgées) avec bienveillance. C’est dans cette optique qu’a été créé le label GreyPRIDE Bienvenue à destination des maisons de retraite.

Pour cap retraite, Francis Carrier estime que le label est une forme de révolution culturelle car l’idée est d’imposer le respect de l’identité des vieux lorsque l’on parle de bientraitance. “Si l’on cherche à maintenir le désir de vivre, on doit considérer tout individu dans son intégrité et dans ses différences. Quel que soit son âge, toute personne doit pouvoir raconter quelles sont ses aspirations, ses ardeurs, ses pulsions, son histoire… sans s’en cacher ou devoir les oublier. Après tout, ces besoins sont inscrits en nous, de notre naissance jusqu’à notre mort et n’ont pas de limite d’âge. Notre démarche est simple : pour retrouver l’intégrité des vieux et des vieilles, nous ne devons plus nous limiter aux besoins physiologiques (manger, dormir et soigner) pour affirmer une bonne prise en charge des seniors. Les aînés ont des aspirations et besoins d’appartenances qui maintiennent leurs désirs de vivre, de se projeter pour continuer à avoir une estime d’eux-mêmes positive.” précise t-il. 

Lancée en novembre 2021 et conçue à destination des maisons de retraite, des Ehpad et des structures d’aide à domicile, la labellisation GreyPRIDE Bienvenue est un ensemble. Elle comprend : une charte d'engagement, la nomination de référents au sein des établissements et la mise en place d’outils d’animation spécifiques pour les salariés, les résidents et leurs familles ; un plan de formation et une évaluation pour que progressivement, la vie affective et sexuelle ne soit plus une zone de silence et de maltraitante, mais au contraire un élément indispensable de la qualité de vie des personnes accueillies, comme l’explique le collectif sur son site. Cette démarche est déployée avec l'aide de TLC Conseil, un organisme de formation, auquel l’association GreyPRIDE a délégué la mission de former des salariés de ce secteur.

Selon l’association, les salariés des Ehapd, les appartements autonomie et les aides à domicile, se doivent d'être formés à la diversité et à la prise en compte des besoins affectifs et sexuels des personnes âgées.

Le groupe de pilotage en charge de la construction de cette nouvelle démarche est constitué de directeurs d'Ehpad, de gériatres et d'organismes d'aides à domicile dans l'attente d'outils pour améliorer la situation de leurs pensionnaires et aider les soignants comme les aidants dans cet accompagnement.

En retour, l’association GreyPRIDE propose d'être un centre de ressource à travers une hotline et des médiations pour les situations les plus délicates. Des rencontres annuelles des établissements labellisés permettront d’échanger sur les bonnes pratiques et les difficultés rencontrées.

Francis Carrier est conscient que “ce n’est pas un label qui va tout changer (...) mais au moins, on met les pieds dans le plat. La situation, aujourd’hui, se caractérise par un certain immobilisme et beaucoup de fatalisme. On reste sur l’idée que la vieillesse est un moment difficile à passer et que l’on ne peut pas faire grand-chose pour améliorer les conditions de vie. En plus, on a délégué le pouvoir au monde médical et maintenant au secteur à but lucratif, qui a ses propres intérêts.” déclare t-il pour Libération. 

Il y a un peu moins d’une semaine, l’Ehpad Annie Girardot dans le 13ème arrondissement de Paris et, l’Ehpad Harmonie à Boissy-Saint-Léger (Val-de-Marne) ont été les premiers établissements pour seniors à recevoir ce label unique en France. Ces labellisations ont été obtenues après un an de formation par l’association GreyPRIDE auprès des résidents et du personnel des établissements. L’association ne compte, bien sûr, pas en rester là. "Nous démarrons dans 2 Ehpad parisiens et nous déploierons cette démarche auprès de tous les établissements et structures d'aide à domicile qui souhaiteront s'inscrire dans cette révolution du respect de l'intégrité des vieux / vieilles" précise le collectif sur son site.

Selon  Sylvain Guyot, président de l’association GreyPRIDE, plusieurs villes de province à l’image d’Annemasse, Saint-Brieuc, La Rochelle, Nantes, Port-Vendres ou Angoulême, ont manifesté leur intérêt auprès du collectif GreyPRIDE pour obtenir la labellisation. Au total, c’est une dizaine d'établissements qui ont pris contact avec l’association.

Dans 20 minutes, on en apprend un plus sur le parcours de labellisation, les ateliers et animations organisés pour sensibiliser les résidents d’Ehpad. Ainsi, les deux référentes de l’Ehpad Annie Girardot ont suivi 4 jours de formation en avril 2022 contre 2 jours pour le reste du personnel. En parallèle, l’association est intervenue auprès des résidents avec deux sensibilisations la première année, en projetant par exemple un documentaire ou en organisant un jeu. Et tout au long de l’année, le personnel est invité à utiliser des outils indiqués par l’association, pour faire passer le message aux résidents et résidentes. “On s’est engagés dans cette démarche pour faire de l’Ehpad Annie Girardot un foyer véritablement chaleureux et inclusif”, a tenu à préciser pour 20 minutes Franck Oudrhiri, le directeur de l’Ehpad Annie Girardot. 

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