Quel est le pourcentage d’offres d’emploi abandonnées faute de candidat ? 

Dans les deux dernières études menées par Pôle Emploi sur le devenir des offres déposées sur son site internet portant sur un échantillon d’établissements ayant déposé une offre pour des contrats d’une durée supérieure ou égale à un mois (intitulées Offres pourvues et abandons de recrutement en 2021 et Offres pourvues et abandons de recrutement en 2022), l’organisme met à mal l’idée selon laquelle de nombreuses offres d’emploi ne sont pas pourvues. 

Des chiffres à relativiser en 2021

L’étude de Pôle Emploi menée en 2021 soulignait que la grande majorité des offres d’emploi proposées, soit 85.9%, étaient pourvues contre 89,4% en 2018. Plus de huit offres déposées sur dix ont donc été pourvues. En données chiffrées, on estime entre 255 000 et 390 000, les abandons de recrutement faute de candidats, dont 60% concerneraient des emplois durables (CDI ou contrats de plus de six mois). Ces chiffres sont en légère hausse par rapport à l’étude menée en 2018 par Pôle Emploi (210 000 à 350 000) mais, ils sont à mettre en parallèle aux 9 millions de recrutements de plus d’un mois effectués chaque année et aux 28 millions de Français en emploi.

Dans la plupart des cas, ces recrutements ont donné satisfaction même s’ils se sont concrétisés globalement avec plus de difficultés qu’en 2018.  En effet, l’étude relève que 68% des employeurs ont été confrontés à des difficultés de recrutement en 2021 (contexte post-Covid) contre 57% en 2018. Pôle Emploi ne le nie pas. Les difficultés de recrutement sont une réalité et sont le résultat de plusieurs facteurs.

L’étude Pôle Emploi de 2021 révèle que les postes les plus difficiles à pourvoir sont les postes d’ouvriers, a fortiori s’il s’agit de postes d’ouvriers qualifiés (79% des employeurs en difficulté dans ce cas) mais aussi les postes en CDI pour lesquels 71% des établissements ont rencontré des difficultés. Les établissements le plus souvent confrontés à des difficultés sont les établissements appartenant aux secteurs de l’agriculture et de la construction avec respectivement 73% et 75% des recruteurs concernés contre 66% dans le secteur des services. La majorité des établissements estiment qu’une grande part de leurs difficultés à recruter sont liées aux candidatures, soit parce qu’elles sont insuffisantes, soit parce que les candidats ne leur conviennent pas. Au total, 9 établissements sur 10 se disent en difficultés pour l’une ou l’autre de ces raisons. Cependant, comme en 2018, les trois quarts des recruteurs reconnaissent également que les conditions de travail du poste proposé (rémunération peu attractive, pénibilité du travail, déficit d’image…) peuvent décourager les candidats potentiels. Le caractère très concurrentiel dans certains secteurs complique aussi la tâche de près de la moitié des recruteurs. En revanche, si les employeurs sont moins nombreux à être confrontés à des difficultés liées aux procédures internes de leur entreprise (deux sur cinq en 2021 contre deux sur trois en 2018), il faut ajouter aux difficultés “traditionnelles” de recrutement, l’impact non négligeable de la crise sanitaire qui s’est avérée être un frein pour au moins la moitié des recruteurs. Presque tous les établissements en difficulté évoquent les problèmes liés aux candidatures (inadéquates ou insuffisantes voire inexistantes).

Le délai moyen de recrutement constaté est resté stable par rapport à 2018 (45 jours). Les autres offres n’ont pas abouti à un recrutement pour diverses raisons. Ainsi, 3% des offres ont été annulées suite à la disparition du besoin ou pour restriction budgétaire, 5.1% des offres faisaient l’objet d’un recrutement toujours en cours et 6% des offres ont été abandonnées faute de trouver un candidat (contre 4.9% en 2018).

L’étude précise que les postes concernés sont en partie des postes pour une courte durée, qui n’auraient pas conduit à une création d’emploi à temps complet sur l’année. En supposant que l’ensemble des offres abandonnées faute de candidats aient donné lieu à une embauche pour un emploi sur la durée prévue du contrat, on obtient un total de 180 000 à 273 000 postes supplémentaires (en équivalent temps plein). L’estimation de 2018 était comprise entre 145 000 et 240 000. Cependant, l’abandon de recrutement par une entreprise peut susciter une opportunité d’emploi pour une autre entreprise. En effet, l’abandon d’un recrutement par une entreprise donnée faute de candidats ne fait pas disparaître pour autant le besoin économique, et il se peut qu’un concurrent puisse y répondre (s’il parvient à recruter), créant ainsi de l’emploi. Dans une telle situation, plutôt qu’une suppression d’une opportunité d’emploi, on pourrait assister à un déplacement de l’emploi entre entreprises. A l’inverse, il est possible que la perspective de difficultés de recrutement conduise certains employeurs à renoncer à initier des démarches de recrutement.

En 2021, Stéphane Ducatez, l’ex “Monsieur statistiques” de Pôle emploi (Directeur général adjoint en charge du réseau de Pôle emploi depuis 2022) résumait ainsi les choses : “Le nombre d’offres non pourvues est extrêmement modeste et a un impact marginal sur l’économie (...) si l’on raisonne en équivalent temps plein (ETP), cette fourchette n’est plus que de 180 000 à 273 000 postes.”
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Des chiffres stables en 2022

En 2022, l’enquête de Pôle Emploi constate peu de changement par rapport à l’année précédente. Ainsi, plus de huit offres déposées sur dix ont été pourvues, soit 83,4% en 2022 contre 85,9% en 2021. Les annulations liées à la disparition du besoin ou au manque de budget représentent 2.9% contre 3% en 2021. 7.5% des recrutements sont toujours en cours contre 5.1% en 2021. Enfin, la part des offres abandonnées faute de candidats adéquats a légèrement augmenté. Elle est passée à 6.2% contre 6% en 2021. On estime en 2022, entre 308 000 et 470 000, les abandons de recrutement faute de candidats. Il n’en reste pas moins que, même si le taux d’offres abandonnées reste faible, il augmente d’année en année.

Plusieurs motifs peuvent ainsi expliquer qu’une offre ne soit pas pourvue explicite l’étude. Dans 2.9% des cas, l’annulation du recrutement est due à une disparition du besoin (soit parce que l’établissement a mis en place une organisation rendant inutile le recrutement, soit parce que certains projets ne se sont pas concrétisés) ou encore au manque de budget alloué. Les abandons de recrutement faute de candidats représentent 6.2% de l’ensemble des offres. Dans la majorité des cas, les employeurs ayant renoncé à leurs recrutements faute de candidats ont bien reçu des candidatures mais plus des deux tiers d’entre eux déclarent qu’elles étaient en petit nombre (soit cinq candidatures au maximum) contre un peu plus de la moitié de l’ensemble des employeurs. Lorsqu’ils ont pu recevoir au moins une candidature, près des deux tiers des employeurs mentionnent un manque de motivation des candidats (65%), devant le manque d’expérience (59%), l’insuffisance de la formation (57%), le manque de compétences avancés (49%) et le manque de savoir être (32%).

Dans le cadre du remplacement d’un salarié, qu’il ait quitté momentanément ou définitivement l’entreprise, le risque d’abandons faute de candidats est faible (moins de 4%). En revanche, en cas de mise en place d’une nouvelle activité qui demande de définir entièrement le poste, la tâche peut se révéler plus compliquée à mettre en œuvre puisque dans ce cas le risque d’abandon est presque multiplié par deux (7% d’abandons dans ce cas). Par ailleurs, les employeurs ayant abandonné leur projet étaient plus nombreux à avoir des attentes en matière d’expérience, de formation ou de diplôme et finalement moins nombreux que la moyenne concernant la motivation, la disponibilité ou encore le savoir être. 

Des métiers en tension, causes et conséquences  

Aujourd'hui, moins de 10% des offres se soldent par un échec de recrutement. Ce faible pourcentage est certes rassurant mais, les difficultés de recrutement qui touchent plusieurs secteurs d’activités sont réelles. Cette tendance négative qui s’est renforcée depuis la période post-Covid est  susceptible d’entraîner au fil des années une augmentation notable du taux d’abandons de recrutement faute de candidats. 

Les principaux secteurs d’activités ayant actuellement du mal à recruter 

Que l’offre ait été pourvue ou non, près de deux établissements sur trois concernés (63%) déclarent avoir rencontré des difficultés à recruter, en légère baisse par rapport à 2021 (68%). Comme en 2021, les postes les plus difficiles à pourvoir sont les postes d’ouvriers, d’ouvriers qualifiés (70% des employeurs en difficulté dans ce cas) mais aussi les postes en CDI pour lesquels 65% des établissements ont rencontré des difficultés. La majorité des établissements estiment qu’une grande part de leurs difficultés à recruter sont liées aux candidatures, soit parce qu’elles sont insuffisantes, soit parce que les candidats ne leur conviennent pas. Au total, neuf établissements sur dix se disent en difficulté pour l’une ou l’autre de ces raisons. Par rapport à 2021, les impressions et les difficultés sont les mêmes.

Comme en 2021, les trois quarts des recruteurs déclarent également que les conditions de travail proposées peuvent être un frein dans leur recrutement que ce soit en termes de rémunération (pas assez attractive), de pénibilité du travail ou encore d’image (parfois négative du métier ou de la branche). Toutes ces raisons peuvent décourager les candidats potentiels qui sont alors moins nombreux à postuler et moins motivés lorsqu’ils se présentent. Par ailleurs, le caractère très concurrentiel dans certains secteurs complique aussi la tâche de près de la moitié des recruteurs. Enfin, comme en 2021, deux employeurs sur cinq sont confrontés à des difficultés liées aux procédures internes de leur entreprise.

Ces difficultés sont par ailleurs plus ou moins contraignantes selon le secteur d’activité du recruteur. Les établissements de l’industrie et la construction sont les plus concernés par les difficultés de recrutement (deux recruteurs sur trois dans la construction et jusqu’à 68% dans l’industrie). Dans ces secteurs, les difficultés sont diverses, cependant la nécessité de maîtriser une technicité parfois très pointue pour exercer le poste est assez spécifique aux domaines de la construction et de l’industrie, problème auquel deux employeurs sur cinq sont confrontés, quand ils sont presque deux fois moins nombreux parmi les recruteurs agricoles. Les recruteurs agricoles rencontrent quant à eux en général moins de difficultés dans leurs recrutements (59% d’entre eux). Néanmoins, les problèmes liés à la nature du poste sont prépondérants dans ce secteur. La moitié des établissements agricoles reconnaissent ainsi que la difficulté du travail et la pénibilité de celui-ci peuvent décourager les candidats lorsqu’ils ne sont que un sur cinq dans le commerce. De même, le déficit d’image dont peut souffrir le métier, l’entreprise ou le secteur tout entier sont plus souvent problématiques dans le domaine de l’agriculture (45% contre 21% dans le commerce). De plus, les établissements agricoles implantés principalement en zones rurales parfois reculées sont aussi les plus nombreux à évoquer la difficulté d’accès au lieu de travail comme frein dans leur recrutement là où les recruteurs du commerce se sentent deux fois moins concernés. Un quart des recruteurs agricoles sont aussi conscients que la nature parfois précaire des contrats proposés dans un secteur fortement saisonnier s’avère être problématique contre seulement 10% des recruteurs de l’industrie ou de la construction. En revanche, les recruteurs agricoles sont ceux qui se disent les moins impactés par la concurrence en termes de recrutement, soit 38% des recruteurs de ce secteur contre 47% dans les services. Dans ce dernier secteur, les établissements ne rencontrent pas plus de difficultés à recruter que dans la moyenne mais elles sont plus particulièrement liées à une rémunération peu attractive (42% des employeurs du service contre 20% dans la construction) ou encore à des problèmes liés à aux horaires plus importants et/ou parfois décalés (35% contre 7% dans la construction).

Avant d’entamer une procédure de recrutement, il est souvent difficile pour l’employeur d’estimer la durée que peut demander une telle procédure et nombreux sont ceux à avoir sous-estimé les délais nécessaires à l’aboutissement de leur recrutement. Ainsi, 34% des employeurs ayant pourvu leur offre ou ayant un recrutement toujours en cours, s’attendaient à des délais de recrutement moins longs. Ils considèrent dans leur grande majorité (89% d’entre eux) que les problèmes de candidatures (inappropriées ou inexistantes) en sont la cause principale. Pour 27% d’entre eux, le contexte économique est aussi responsable. Parmi ces employeurs ayant sous-estimé leurs délais pour recruter, près des trois quarts (73%) admettent que ces délais sont néanmoins nécessaires pour trouver le bon candidat. Un quart considère en revanche que ces délais sont trop importants et qu’ils ont besoin de recruter plus rapidement. Dans ce dernier cas, une majorité des employeurs (56%) ne remet pas en question leurs recrutements à venir dont ils ne peuvent se passer, mais certains se disent néanmoins découragés et se sentent moins enclins à recruter à l’avenir. Au total, sur l’ensemble des employeurs, 34% envisagent la possibilité de renoncer à un prochain recrutement si celui-ci leur semble trop compliqué (selon le type de poste à pourvoir) et 8% sont catégoriques : quel que soit leur besoin, ils ne recruteront plus et s’organiseront autrement. Si des délais de recrutement importants sont globalement acceptés par les recruteurs, leur allongement peut néanmoins dans certains cas conduire à l’abandon du recrutement.

En 2022, les délais de recrutement sont toutefois restés stables par rapport à 2021.  La moitié des employeurs ayant trouvé un candidat ont mis au moins 47 jours à y parvenir, soit deux jours de plus qu’en 2022. Il faut compter plus de 3 mois pour que les trois quarts des employeurs trouvent un candidat (soit 12 jours de plus qu’en 2021). En cas de difficultés à recruter, le délai médian s’allonge et atteint alors 59 jours (soit 4 jours de plus qu’en 2021). Des délais longs ne sont cependant pas toujours signe de difficultés : certains recruteurs estiment en effet qu’ils ont besoin d’un certain temps pour mener à bien cette mission et dans ce cas, certains délais peuvent s’avérer être incompressibles.

Quelles solutions ? 

Pour Le Télégramme, Catherine Poux, directrice des services aux entreprises à Pôle emploi déclarait : “Dans nos échanges avec les entreprises, on voit bien que sur les conditions de travail, les rémunérations, les compétences disponibles, l’approche des jeunes au travail, ça bouge. Il y a des choses qui se passent”. Ainsi, les deux tiers des employeurs disent avoir élargi leur recherche à des profils différents (moins expérimentés ou moins formés), un tiers a augmenté la rémunération proposée et un tiers a proposé de meilleures conditions de travail.

Mais s’il y a peu d’offres non pourvues, c’est aussi “parce que tous les acteurs se mobilisent” poursuit Catherine Poux comme par exemple : l’information du recruteur dès le dépôt de son offre sur le site de Pôle emploi sur le bon positionnement de celle-ci par rapport au marché de l’emploi, l’immersion professionnelle pour permettre aux entreprises d’initier un recrutement, le dispositif AFPR (Action de Formation Préalable au Recrutement) - POEI (Préparation Opérationnelle à l’Emploi Individuelle) qui permet de faciliter le recrutement de candidats opérationnels etc.

Catherine Poux met aussi en avant l’action des 5500 conseillers entreprises de Pôle emploi, qui rappellent systématiquement une entreprise dont l’offre n’est pas satisfaite 30 jours après sa publication. “Cette reprise de contact permet de reformuler l’offre et d’élargir le profil de recrutement. Ce côté proactif est extrêmement important”. En 2022, 1.4 millions d’offres ont fait l’objet d’un rappel.

Le gouvernement a aussi décidé, à l’automne 2022, de mettre en place un plan de 1.4 milliard d’euros de “réduction des tensions de recrutement” pour réorienter les chômeurs de longue durée vers des formations et des mises en situation professionnelle vers les métiers les plus demandés, les secteurs en pénurie de main d'œuvre.

Ce plan prévoit une aide à l’embauche de 8000€ pour toutes les entreprises qui recrutent un demandeur d’emploi de longue durée en contrat de professionnalisation. Une aide exceptionnelle de 1000€ est versée aux demandeurs d’emploi de longue durée qui bénéficient d’une proposition d’emploi dans une entreprise et sont formés dans le cadre d’une préparation opérationnelle à l’emploi.