Les chiffres clés sur la prise médicamenteuse en Ehpad

En 2016, dans une fiche-repère de l’Anesm (Agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux) intitulée “Risques liés à la prise des médicaments”, on y apprend qu’en France, les accidents médicamenteux iatrogènes sont responsables d’une hospitalisation sur 10, soit 143 915 hospitalisations par an. Ces accidents sont dus aux effets secondaires et/ou indésirables connus des médicaments ou à des erreurs humaines comme : un médicament mal pris ou mal prescrit ou encore, une ordonnance mal lue.

Les personnes âgées sont particulièrement concernées puisque, selon la Haute Autorité de Santé (HAS), les accidents iatrogènes sont deux fois plus fréquents après 65 ans. Ils ont également des conséquences plus graves. Ainsi, chez les octogénaires, 20 % des accidents iatrogènes conduiraient à une hospitalisation.

Selon l’enquête PAQUID Ehpad réalisée en 2005, 56% des résidents consommaient plus de 4 médicaments par jour. Mais selon les Ehpad, le nombre de médicaments prescrits est très variable. En effet, pour 11,7% des Ehpad, 33% des patients consomment plus de 10 médicaments, et au moins 5% des résidents consomment 15 molécules pour un peu plus de 12% des Ehpad. Les principales classes médicamenteuses prescrites en Ehpad sont les antidépresseurs (32%), les anxiolytiques (27%), les hypnotiques (22%), les neuroleptiques (15%) et les régulateurs de l’humeur (3%).

D’après une analyse de données issues de l’expérimentation de réintégration des médicaments dans le forfait de soins des Ehpad sans Pharmacie à Usage Intérieur (PUI) en Région Aquitaine en 2012 et en Limousin, 85% des résidents sont polymédiqués, un excès de traitement concerne 25% des résidents et la prescription inutile concerne 70% d’entre eux. 

La prise médicamenteuse en Ehpad nécessite donc une vigilance particulièrement importante, souligne la fiche-repère de l’Anesm, dans la mesure où environ 700 000 personnes âgées vivent en établissement (avec une moyenne d’âge de 85 ans).

Le plan d’actions de l'ARS Île-de-France 

Les faits sont là. Par manque de personnel, de temps, de formation ou de moyen dans beaucoup d’Ehpad, la prise en charge médicamenteuse est à améliorer. Depuis 2017, l'ARS Île-de-France a déployé un programme d’accompagnement à l’amélioration de la Prise en Charge Médicamenteuse (PECM) chez les résidents d’Ehpad afin d'éviter l'iatrogénie.

L'ARS Île-de-France précise sur son site que le plan d’actions a été construit par un groupe de travail qui implique des professionnels des Ehpad. Il s’adresse à tous les établissements quel que soit leur statut (public, privé, associatif), qu’ils soient approvisionnés par une pharmacie d’officine ou par une Pharmacie à Usage Intérieur (PUI), et quelle que soit leur capacité d’accueil. Il répond à 5 priorités et à une priorité transversale qui sont les suivantes :

  1. Mettre en place une gouvernance en matière de PECM ;
  2. Auto-évaluer le processus de la PECM ;
  3. Mettre en place une culture de gestion des risques médicamenteux ;
  4. Améliorer la pertinence des prescriptions ;
  5. Sécuriser l’administration ;
La priorité transversale consiste à impliquer le résident et ses aidants aux réflexions portées.

Ce programme d’accompagnement a été conçu sur plusieurs années pour faire profiter un maximum d’établissements franciliens volontaires. Ainsi, entre 2017 et 2020, plus de 200 EHPAD volontaires ont pu en bénéficier. Après une pause liée à la crise sanitaire de COVID-19, un appel à candidature a été lancé en 2022 pour une nouvelle campagne. Parmi les 150 Ehpad qui se sont portés candidats, 74 répartis sur l’ensemble du territoire francilien ont été retenus pour un accompagnement et un suivi pendant 9 mois au travers de formations assurées par l’ARS, Adopale (un cabinet de conseil en santé spécialisé dans l’accompagnement des acteurs du système de santé), l’OMéDIT (Observatoires des Médicaments, Dispositifs médicaux et Innovations Thérapeutiques) Île-de-France et la Staraqs (STructure d'Appui Régionale à la Qualité des Soins et à la sécurité des patients).

Chaque EHPAD a pu définir ses objectifs et s’appuyer sur une boîte à outils mise à disposition par l’ARS sur son site internet. 
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Le bilan et les avancées constatées

Selon les chiffres avancés par l’ARS, le programme d’accompagnement a été extrêmement bénéfique. En effet, après seulement 9 mois d’accompagnement, l’ARS relève que la mise en place d'une gouvernance de la prise en charge médicamenteuse (avec identification d’un référent, organisation d’un comité…) dans les Ehpad est passée de 51% à 87% ; la mise en oeuvre d’une charte pour faciliter la déclaration des événements indésirables médicamenteux et leur analyse est passée de 17% à 64% ; 89% des Ehpad ont diffusé une liste préférentielle des médicaments auprès des prescripteurs pour améliorer la pertinence des prescriptions contre 46% auparavant ; 81% des Ehpad ont réalisé un auto-diagnostic de leur circuit du médicament avec l’outil InterDiag médicaments en Ehpad V2 proposé par l’ANAP contre 33%. Enfin, 60% des Ehpad ont diffusé auprès des équipes la procédure d’administration des médicaments pour les résidents présentant des troubles de la déglutition (contre 29%) et 60% déclarent avoir adapté des traitements à la suite de l’utilisation de la procédure.

Le bilan est très positif. L’ARS avance que 100% des EHPAD interrogés ont déclaré être satisfaits ou très satisfaits de l’accompagnement. Pour eux, les points forts de l’accompagnement sont le suivi régulier sous format d’un tableau d’indicateurs à différents temps T prédéfinis (72%), la diffusion d’outils opérationnels et personnalisables (68%), l’accès à des formations thématiques (56%) ainsi qu’un point téléphonique de suivi (56%).

Suite à ce plan, 64% des EHPAD déclarent vouloir maintenir la démarche à long terme et 32% déclarent probablement la poursuivre. Le plan d’actions d’amélioration de la prise en charge médicamenteuse en EHPAD d’Île-de-France est désormais déployé au niveau national par l’Agence Nationale d’Appui à la Performance des établissements de santé et médico-sociaux (ANAP).