Le CDD multi-remplacement... pour quoi faire ?
Les règles régissant les CDD sont strictement encadrées. En effet, la conclusion d’un CDD n’est possible que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire (24 mois maximum selon les cas) et seulement dans les cas énumérés par la loi. Ainsi, un employeur n'a pas le droit d’embaucher une personne en CDD pour remplacer plusieurs salariés absents simultanément ou successivement. Dans ces cas précis, les employeurs ont coutume de multiplier le nombre de contrats courts (CDD d’usage, intérim, mission) pour remplacer les salariés absents ou suspendus. Hors, ces dispositifs peuvent s’avérer très onéreux aussi bien pour l’employeur que pour l’assurance chômage. C’est pourquoi le gouvernement a tenu à légiférer pour limiter l’utilisation des contrats courts.
Ainsi, l’article 53 de
la loi du 5 septembre 2018 pour “La liberté de choisir son avenir professionnel” a introduit, à titre expérimental entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2020, la
possibilité pour les entreprises de conclure un seul contrat court (contrat à durée déterminée ou contrat de mission) pour remplacer plusieurs salariés absents, soit simultanément soit successivement.
L’expérimentation a concerné 11 secteurs définis par le décret n°2018-771 du 18 décembre 2019 parmi lesquels, le secteur sanitaire, social et médico-social (comme les Ehpad), la propreté et le nettoyage, la restauration collective, le transport routier, les services à la personne, l’économie sociale et solidaire dans certaines branches (tourisme, radiodiffusion, sport, foyers, soins et services à domicile...), la plasturgie ou encore les industries alimentaires.
Selon
l’exposé sommaire de la loi, l’objectif pour le gouvernement était de permettre l’allongement de la durée des contrats pour les salariés, et tempérer les effets du bonus-malus dans les secteurs à forte intensité de main d’œuvre pour les employeurs. Cette dérogation visait notamment à faciliter l’organisation des services, en palliant l’absence simultanée de deux salariés à mi-temps, ou encore en assurant le remplacement de deux salariés absents successivement (congés d’été par exemple).
Il ressort du bilan de cette expérimentation que les branches et entreprises éligibles au dispositif ne s’en sont pas pleinement saisies, ou très tardivement, notamment en raison du contexte de crise sanitaire. Les retours sont néanmoins positifs s’agissant du secteur sanitaire et médico-social, caractérisé par la nécessité d’assurer une continuité des soins. Une telle mesure est susceptible de favoriser des durées d’emploi plus longues au bénéfice des salariés en contrat court, et de limiter le recours au temps partiel. Par ailleurs, cette mesure est de nature à réduire les coûts de gestion des entreprises produits par la recherche de salariés à embaucher pour remplacer les salariés absents, ainsi que le volume de contrats courts signés.
L’expérimentation prévue par la loi du 5 septembre 2018 s’est achevée au 31 décembre 2020, sans qu’il ait été possible d’en analyser pleinement les effets, souligne le rapport d'évaluation rédigé par le gouvernement.
Le sujet est donc naturellement revenu dans le cadre de l'article 6 de la loi n° 2022-1598 du 21 décembre 2022 portant “Mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein-emploi”. Ainsi, à titre dérogatoire et expérimental,
à compter du 14 avril 2023 et ce pour une durée de 2 ans, la loi renouvelle la possibilité de conclure avec un salarié un seul CDD pour remplacer plusieurs salariés absents, dans certains secteurs d’activité définis par le décret du 13 avril 2023.
Le ministère du travail répond aux interrogations des secteurs concernés par l’expérimentation en 2023
Le décret du 13 avril 2023 fixe la liste des secteurs déjà éligibles au CDD multi-remplacement mais élargit aussi le nombre de branches professionnelles y ayant droit comme : les établissements de santé et médico-sociaux des caisses d'assurance maladie ; les commerces de détail non alimentaires ; les commerces de gros de l'habillement, de la mercerie, de la chaussure et du jouet ; les prestataires de services dans le domaine du secteur tertiaire ; le commerce de détail de l'habillement et des articles textiles…
Pour clarifier ce dispositif tant pour les employeurs que pour les employés, le ministère du Travail du Plein Emploi et de l’Insertion a mis en ligne une
Foire Aux Questions qui balaie : les conditions de mise en oeuvre du CDD / CTT multi-remplacement, les modalités du contrat de travail, la rémunération du salarié signataire, la durée et le temps de travail, les termes du contrat ou encore la protection sociale.
Plusieurs points sont à retenir. La durée maximale des CDD ou CTT multi-remplacement est de 18 mois. Ces contrats expérimentaux pourront être conclus jusqu’au 13 avril 2025. Toutefois, dans le cas où un CDD “remplacement multiple” aura été conclu avant le 13 avril 2025, il pourra continuer à produire ses effets au-delà de cette date.
On notera que les
contrats multi-remplacement bénéficient d’une certaine souplesse. Outre l’obligation d’inscrire dans le contrat du salarié remplaçant le nom de chacune des personnes remplacées ainsi que la qualification professionnelle, il est possible d’inclure un avenant au contrat pour que le salarié assume de nouvelles responsabilités en cas de remplacement imprévu d’un autre salarié. Cette disposition n’est valable que dans l’hypothèse où le contrat initial n’a été conclu que pour le remplacement d’un salarié absent.
L’ajout d’une nouvelle période de remplacement augmentera la durée contractuelle (régime temps partiel ou temps plein dans le respect des règles de droit commun applicables au régime concerné).
Aucun texte ne limite le nombre de personnes susceptibles d’être remplacées dans le cadre du CDD multi-remplacements. Le contrat doit toutefois être conclu dans le respect des règles relatives aux durées maximales de travail, légales et conventionnelles et au nombre maximum de renouvellements du contrat. Le ministère du Travail précise qu’il n’est pas possible de recourir aux heures complémentaires pour augmenter le temps de travail initial.
Par ailleurs, aucune disposition n’oblige l’employeur à affecter le salarié à des missions de remplacements se situant dans un même secteur géographique ou dans un même lieu de travail. La condition sine qua non est que le salarié puisse se déplacer et se rendre sur plusieurs sites. Autre flexibilité, l’article 6 de la loi n° 2022-1598 du 21 décembre 2022 n’impose pas que les remplacements se limitent à des postes identiques. Il en revient de la responsabilité de l’employeur au regard de la qualification de la personne remplaçante et des contraintes et caractéristiques des postes à pourvoir.
La limite de cette mesure réside dans le fait que les
CDD multi-remplacements répondent à des besoins ponctuels. Ils n’ont pas pour objectif de combler l’accroissement temporaire d’activité ou de “pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise” selon l'article L. 122-1 du Code du travail. Hors, de nombreux métiers rencontrent des difficultés de recrutement, à l’image des infirmiers, des puéricultrices, des agents de services hospitaliers, des aides à domicile, des aides ménagères, des spécialistes de l’appareillage médical, des carrossiers automobiles, des plombiers… C’est ce que révèle une enquête récente menée par Pôle Emploi (
“Besoins en main d’oeuvre des entreprises”- avril 2023). Les CDD multi-remplacements ne pourraient-ils pas combler en partie un manque de plus en plus inquiétant de personnel dans les métiers en tension et faire découvrir des professions ?
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