Où va-t-on vivre quand on sera un senior à l’horizon 2030-2050 ? Cela dépendra bien sûr de l’état d’autonomie et de dépendance de chacun, de ses envies, de ce qui est possible ou pas en termes d’aménagement de son habitat historique, du tissu social et du réseau d’aidants et de services d’aides à la personne disponibles. Mais ce qui semble à peu près certain, c’est que les choix seront plus variés qu’aujourd’hui, et que les seniors de demain, « élevés dans un contexte de consumérisme où le citoyen veut faire valoir ses droits », n’accepteront pas pour eux ce qu’ils ont vu pour les générations qui les ont précédées.
Le paysage français de l’habitat pour personnes âgées est aujourd’hui encore très linéaire, rappelle l’étude, intitulée "Quand les baby-boomers auront 85 ans : projections pour une offre d'habitat adapté à l'horizon 2030-2050".
- soit on vit chez soi, dans son lieu de vie « historique » ;
- soit on vit en Ehpad, quand on est très dépendant (et qu’on n’a pas d’autres choix) ;
- soit on vit dans un habitat groupé non médicalisé, souvent nommé « habitat intermédiaire » (résidences autonomie, résidences services seniors et plus récemment l’habitat « inclusif » (appelé « Habitat API » depuis le rapport de Denis Piveteau et Jacques Wolfrom sur le sujet).
Le vieillissement de la population, et notamment la très forte augmentation des 75-84 ans d’ici à 2030 (ils vont passer de 4,1 millions en 2020 à 6,1 millions en 2030, soit une croissance de +49 % en 10 ans) va changer la donne.
C’est à partir de 2030, que les baby-boomers nés à partir de 1946 vont commencer à être en situation de perte d’autonomie (les situations de perte d’autonomie intervenant en moyenne à l’âge de 84 ans).
C’est alors que commencera le véritable « défi de la dépendance ».
On n’y est pas encore : pour l’instant, les personnes de plus de 85 ans ne sont pas si nombreuses, et elles ne vont augmenter que de +7,5 % sur la décennie 2020-2030, soit une quasi-stagnation.
En revanche, entre 2030 et 2040, leur progression sera de +58 % ! D’où la question : où vivront ces personnes en situation non pas de dépendance, mais en perte d’autonomie (ou du moins en risque de perte d’autonomie) ?
La tendance est à plus de mobilité. Beaucoup de retraités vendent leur maison en péri-urbain ou semi-rural pour louer un appartement en cœur de ville, souligne l’étude. Les résidences services connaissent de plus en plus de succès auprès des personnes de plus de 80 ans. Autant de signes forts« d’une tendance à privilégier l’usage à la propriété » et « de la capacité à voir le « chez soi » ailleurs que dans son domicile historique. »
Les trois principes de l'étude "Quand les baby-boomers auront 85 ans"
Trois principes découlent de l’étude :
Principe 1 : Que puisque « Vieillir à domicile » est le souhait de la majorité des Français, il faut que les politiques publiques rendent cela possible.
Principe 2 : Que le maintien à domicile n’est pas forcément dans le domicile « historique » : le « chez-soi » peut être un autre chez soi, au sein d’habitats alternatifs.
Principe 3 : Que l’Ehpad est, et restera indispensable pour une partie de la population âgée, très dépendante, mais qu’il doit évoluer.
Principe 1 : vieillir à domicile
Pour les personnes autonomes, l'adaptation des logements est préconisée, avec la massification du dispositif MaPrimeAdapt' qui doit être lancé en 2024. Il sera aussi indispensable que les villes adaptent leur urbanisme aux personnes âgées sans voiture.
Un « déploiement massif de l'offre d'aide à domicile » est préconisé, qui doit passer par des décisions radicales (...) en matière de tarification des services d'aide et de soins à domicile ou en matière d'attractivité des métiers face à la pénurie constatée actuellement », notamment au niveau des aides aux personnes âgées et des auxiliaires de vie .
Principe 2 : le développement de l’habitat alternatif
Pour les personnes modérément dépendantes, les autrices préconisent un développement massif de « l'habitat alternatif » (résidences services seniors, résidences autonomie, habitat intergénérationnel, habitat partagé) : 200 000 à 300 000 places d'ici 2050. Selon les autrices, cela peut être une solution pour les territoires avec un faible niveau de vie, ou pour les endroits peu peuplés, aujourd’hui des personnes qui n'en ont pas besoin sont placées en Ehpad, faute d’alternative.
La répartition entre habitat inclusif et RA ou RSS ne peut, quant à elle, pas être spécifiée à l’échelle nationale. Le choix entre l’une ou l’autre option devra se faire territoire par territoire, selon les besoins et les spécificités de chaque bassin de vie.
Pour les Résidences Services Seniors (RSS), la dynamique est déjà largement entamée.
« Le principal défi des RSS, qui ciblent plutôt les classes moyennes et supérieures, réside aujourd’hui dans la construction d’un modèle à vocation sociale pour s’adresser à un public plus large et répondre aux attentes et demandes d’une partie des élus locaux. »
L’Habitat API ou inclusif doit être facilité et encouragé, souligne l’étude, car il répond à une demande croissante de formules « à taille humaine » et il peut s’implanter facilement sur des territoires moins denses en population âgée. « Cependant, il n’aura jamais la capacité de couvrir les besoins massifs de demain en matière d’accompagnement de la dépendance puisque chaque projet propose généralement 8 à 16 places. »
Les Résidences Autonomie (R-A), enfin, qui proposent un « autre chez soi » adapté, confortable et sécurisé aux personnes âgées plus modestes, celles qui n’ont pas les ressources suffisantes pour louer un appartement dans une résidence services seniors notamment ont « un véritable avenir », souligne l’étude qui déplore néanmoins leur bâti ancien, et un niveau de service trop faible pour séduire les nouvelles générations de personnes âgées.
Principe 3 : faire évoluer l’Ehpad
De nouvelles places en Ehpad seront nécessaires à partir de 2030 (60 000 places supplémentaires d’ici 2050) pour accueillir le nombre croissant de plus de 85 ans. L’étude préconise plus d’ouverture : une ouverture aux personnes de l’extérieur (cantine, consultations gériatriques…), et un déploiement de leurs services sur le territoire au-delà de ses murs, jusqu’au domicile des personnes âgées (portage de repas, astreintes d’infirmier de nuit à domicile, télésurveillance…).
Pour aller plus loin :
Voir l'étude :"Quand les baby-boomers auront 85 ans : projections pour une offre d'habitat adapté à l'horizon 2030-2050"