L’arnaque à la fausse annonce d’emploi, en quoi consiste-t-elle ? 

La Toile est le terreau des arnaques en tout genre. Le secteur de l’emploi n’y fait pas exception. Ainsi, en 2016, Pôle Emploi avait recensé et détecté pas moins de 4500 annonces d’emploi frauduleuses pour 5 millions d’annonces publiées sur son site par an. Avec la crise économique, les escrocs s’en donnent à coeur joie pour imaginer des arnaques de plus en plus sophistiquées voire indétectables pour certaines d’entre-elles. Ils n’hésitent pas à jouer sur la détresse morale et psychologique, la situation d’urgence et aussi la crédulité de certains chômeurs pour proposer des offres alléchantes tout à fait crédibles… à quelques particularités près.  

Les techniques des arnaqueurs à l’emploi pour attirer les candidatures

Une bonne arnaque à l’annonce d’emploi doit se montrer des plus alléchantes possibles. Dans le descriptif de l’annonce, l’escroc propose une forte rémunération, un poste qui ne nécessite pas d’expérience particulière et / ou de diplômes, de nombreux avantages sociaux (tickets-restaurants, primes, RTT, voiture de fonction…), peu d’heures de travail.

Les arnaques à l’emploi en ligne les plus connues sont celles qui contiennent les termes travail à domicile, collecteur de loyer et mise sous pli. En règle générale, le travail proposé est très simple et très bien rémunéré (jusqu'à 3000€ nets par mois !). Il s’effectue à domicile et ne demande aucune compétence. Si vous y répondez, vous aurez droit à un discours par mail bien rôdé de la part de l’arnaqueur.

Pour crédibiliser leur fausse offre d’emploi, les arnaqueurs ne vont pas hésiter à usurper le logo d’une société existante, son numéro SIRET ainsi que l’identité d’un(e) responsable de Ressources Humaines ou d’un(e) manager pour envoyer des mails des plus officiels. On peut facilement se faire avoir tant ces emails sont rédigés de façon quasi professionnelle (les formules de politesse, une présentation concise de la société, une mise en valeur du poste…) et presque sans fautes. Certains se permettent même de téléphoner à des heures souvent indues (tôt le matin, tard le soir, le week-end). C’est déjà-là un signe qu’il y a anguille sous roche. En effet, jamais un recruteur ne vous contactera en dehors des horaires de travail, en particulier le week-end.

L’escroc est également très malin. Qu’il passe par mail ou par le biais du téléphone, il vous mettra à l’aise en vantant vos mérites (alors qu’il ne vous connaît pas !) pour le poste recherché puis, ne tardera pas à vous demander au fil de la conversation (de façon très naturelle) de lui envoyer vos coordonnées bancaires, la photocopie de votre carte d’identité (passeport et/ou permis de conduire), votre adresse postale, votre numéro de téléphone ainsi que des documents confidentiels (carte vitale, numéro de sécurité sociale par exemple) afin de constituer un prétendu dossier. Dans les faits, ces informations serviront à usurper votre identité (dans le dessein de dépouiller votre compte en banque et effectuer des opérations frauduleuses) ou à les diffuser sur le Dark Web au plus offrant. Ces arnaques sont visibles (et rapidement identifiées par les sites eux-mêmes) aussi bien sur des plateformes d’emploi en ligne que les e-sites de petites annonces. Dans tous les cas, n’y répondez surtout pas ! 

Les conseils pour identifier une fausse annonce d’emploi

Pour détecter les annonces d’emploi frauduleuses, Pôle emploi et le site Cyber Malveillance donnent quelques conseils à suivre : 

1. Ne jamais au grand jamais donner et envoyer des données personnelles (RIB, carte d’identité, numéro de sécurité sociale, numéros de compte, identifiants de connexion…) à un illustre inconnu. Lors d'un processus lambda de recrutement, un employeur ne demande jamais de fournir autant de documents confidentiels. 

2. N’envoyez pas d’argent à votre futur employeur. C’est une demande qui est parfaitement illégale. Certains demandeurs d’emploi tombent malheureusement dans le panneau. L’arnaque consiste à demander aux candidats de verser une certaine somme d’argent par virement bancaire pour acheter du matériel informatique pour qu’ils puissent entrer en fonction dans les plus brefs délais. Bien entendu, une fois l’argent viré et récupéré, l’escroc ne donne plus jamais aucun signe de vie. Dans la même lignée, ne versez pas d’argent en échange d’un contrat de travail ou pour une formation préalable à l’embauche.

3. Si votre employeur potentiel vous propose de vous régler une certaine somme d’argent alors que vous ne l’avez jamais vu, ni signé aucun contrat travail ni effectué la moindre heure de travail, fuyez, c’est une arnaque. Cette escroquerie consiste à envoyer au candidat une forte somme d’argent par chèque ou par virement (dépassant largement la rétribution négociée avec le prétendu futur employeur) puis à lui demander de renvoyer la différence par virement bancaire (en général) ou par chèque. Au final, le chèque qui a été envoyé par l’employeur-arnaqueur est faux et le virement invalidé. En revanche, la somme que le candidat aura envoyé sera belle et bien débitée de son compte.

4. Ne répondez pas aux offres d’emploi non sollicitées qui arrivent comme un cheveu sur la soupe dans votre boîte mail de personnes totalement inconnues. C’est plus que suspect !

5. Si vous doutez de l'honnêteté de votre futur employeur, si vous jugez son discours trop évasif et fuyant à l’égard de sa société, si vous percevez des failles de votre interlocuteur à décrire l’emploi proposé, interrompez immédiatement les échanges. Au cours d’un entretien d’embauche, l’employeur doit maîtriser son sujet à savoir : le type de profil recherché pour le poste, les valeurs de l’entreprise (humaines, sociales, écologiques…) ses atouts et ses objectifs à moyen et long terme, le secteur d'activité concerné et la concurrence etc.

6. En cas de doute, n’hésitez pas à chercher sur le site internet de l’employeur  ou sur sa page LinkedIn des informations précises sur la société, les dirigeants, les responsables des Ressources humaines et les postes proposés. Si le doute persiste, passez un coup de fil pour être totalement rasséréné.

7. Pôle emploi conseille également d’installer sur l’ordinateur des antivirus et des pare-feu pour éviter toute tentative de malware, d'hameçonnage, d’attaques de cybercriminels.

8. Les annonces d’emploi peu précises sur les contours du poste ou qui contiennent un grand nombre de fautes d’orthographe ou qui demandent de répondre à une adresse mail publique ne sont pas fiables. Une entreprise (moyenne ou grande) vous adressera toujours des messages via son nom de domaine ou d’entreprise. Le site Cyber Malveillance donne comme exemple : XX@pole-emploi.fr et non pole-emploi@XY.com.

9. Ne répondez pas aux annonces d’emploi trop alléchantes et trop attractives qui proposent un salaire mirobolant. En cas de doute, il est recommandé d’en parler à son entourage proche ou à un professionnel de l’emploi comme un conseiller Pôle emploi.

10. Il est conseillé de lire consciencieusement tous les documents qui vous sont envoyés par votre futur employeur et, ne jamais apposer une signature sans savoir à quoi vous vous engagez.

Si vous êtes en situation d’urgence ou de précarité, redoublez de vigilance. Les escrocs n’ont aucune honte à s’engouffrer dans cette brèche et profiter de la situation en abusant les personnes en difficultés qui recherchent tout type d’emplois. 

Que faire en cas d’arnaque à la fausse annonce d’emploi ? 

En premier lieu, si vous repérez une annonce d’emploi frauduleuse, le réflexe à adopter est de la signaler au site concerné. Les équipes prendront les dispositions nécessaires pour investiguer et supprimer l’annonce si la fraude est avérée. Aladom, est à ce titre très vigilant sur les annonces d'emploi et de service qui sont déposées sur son site. 

Par contre, si vous avez entamé des discussions avec l’escroc, échangé des mails, envoyé des données personnelles ou encore de l’argent, le site Cyber Malveillance recommande aux victimes de prendre un certain nombre de dispositions qui sont les suivantes :

1. Il est impératif d’interrompre immédiatement tout contact avec le faux employeur. Toute discussion s’avérera inévitablement infructueuse avec un escroc sans scrupule.

2. Informez sans tarder l’organisme ou les organismes dont vous avez transmis les données personnelles (comme la Sécurité sociale, la Caisse Nationale d’Assurance Maladie, la Mutuelle etc.).

3. Si vous avez transmis vos informations bancaires, appelez votre conseiller pour l’informer de la situation et surtout, surveillez les opérations sur votre compte.

4. Gardez précieusement les preuves de vos échanges avec l’escroc : les mails, les numéros de téléphone, les SMS, les documents envoyés. Ces preuves sont indispensables dans le cadre d’un dépôt de plainte auprès des autorités compétentes.

5. Avec les preuves dont vous disposez, signalez les faits par mail à la plateforme ou au réseau social qui a publié cette fausse offre d’emploi afin qu’elle soit supprimée.

6. Signalez l’arnaque à l’emploi à la plateforme de signalements PHAROS du ministère de l’Intérieur : internet-signalement.gouv.fr.

7. Enfin, déposez plainte auprès du commissariat de police ou de la brigade de gendarmerie le plus proche de votre domicile ou encore, en écrivant au procureur de la République du tribunal judiciaire dont vous dépendez. Ce dépôt de plainte vous aidera dans vos futures démarches en cas d’usurpation d’identité. 
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La dernière arnaque en date 

L’arnaque à l’emploi qui a fait couler beaucoup d’encre et a fait de nombreuses victimes en France hexagonale est très récente. A la fin de l’année 2022, des dizaines de demandeurs d’emploi ont été abusés par une annonce d’emploi publiée sur les réseaux sociaux professionnels et plateformes d’emploi. 

Une escroquerie rondement menée 

On aura rarement vu une escroquerie à l’emploi aussi bien ficelée et organisée. Les escrocs se sont creusés les méninges pour identifier le secteur approprié et appâter les victimes, en majorité de jeunes provinciaux avec peu d’expérience professionnelle.

Parmi les emplois en tension sur le marché du travail, les escrocs se sont tournés vers les métiers porteurs de la Tech, en recherche constante de personnel. En effet, les recruteurs ne cessent de diffuser des annonces d’emploi sur les réseaux sociaux comme sur les job-board. Les fausses annonces peuvent ainsi se mêler sans grande difficulté aux vraies annonces d’emploi. En publiant sur Linkedln et sur Indeed de fausses annonces d’emploi de UX-UI designer, les arnaqueurs ont frappé fort. En effet, ils  n'ont pas hésité à proposer un poste très recherché en CDI, très bien rémunéré (plus de 3000€ par mois) et en télétravail. Les conditions de travail étant idéales car aménageables. Pour rendre la supercherie encore plus crédible, les arnaqueurs n’ont pas hésité à usurper le nom d’une entreprise existante et connue, Kwantic (une agence web spécialisée dans la création et l’optimisation de sites internet et dans le développement d’applications mobiles), son numéro SIRET et les noms de ses dirigeants.

Plusieurs victimes rapportent les mêmes faits, après avoir envoyé leur CV et lettre de motivation, un mail plutôt bateau (se finissant toutefois par gmail et non par le nom de l’entreprise) qui provenait de la fausse société leur a été envoyé notifiant que leur candidature avait été acceptée. Les candidats étaient alors conviés à passer un entretien téléphonique. Les victimes interrogées n’ont émis aucun doute sur l'honnêteté de leur présumé futur employeur. Si les questions posées étaient peu techniques et très généralistes, leur interlocuteur qui s’exprimait avec aisance, semblait globalement maîtriser son secteur d’activité. De plus, il savait mettre en confiance. 

Quelques jours plus tard, des dizaines de candidats ont reçu une réponse positive par mail. Ils étaient également conviés à se présenter au (vrai) siège de la société qui se situe à Paris le 16 décembre pour certains, et au (vrai) siège social situé à Bordeaux le 21 décembre pour d'autres afin d’y rencontrer les équipes, signer leur contrat de travail, finaliser leur embauche et se voir offrir un MacBook Pro neuf. Les frais de déplacement étant pris en charge par la fausse société. Mais avant la rencontre, l’arnaqueur a demandé d’envoyer par retour de mail un justificatif de domicile, un RIB, une attestation de sécurité sociale et une photocopie de la pièce d’identité. Ces informations personnelles sont aujourd’hui en possession du ou des escrocs.

Comme il fallait s’y attendre, après avoir obtenu ce qu’il voulait, la veille de la rencontre entre employeur et futur employé(e), l’escroc a tout annulé arguant par mail ces éléments presque crédibles : "Suite à la perte d’un de nos plus gros client nous devons revoir entièrement notre budget pour l’année 2023. Je suis donc infiniment désolé de devoir vous annoncer l’annulation de notre rencontre, jusqu’à nouvel ordre toutes les embauches sont annulées". Et le coup de grâce : “Vos billets ne peuvent malheureusement pas être remboursés dans ces conditions”.

Indeed a indiqué avoir détecté puis supprimé l’ensemble des annonces, le compte ayant posté la fausse offre d’emploi ainsi que les comptes associés. Mais au final, c’est environ 120 à 130 personnes qui ont postulé et qui se sont fait berner. 

La découverte du pot aux roses par les vrais dirigeants 

Au début du mois de décembre 2022, Stéphane Cathers et Benjamin Queroy, les co-fondateurs de la société Kwantic ont été les premiers à tirer publiquement la sonnette d’alarme. Très rapidement, ils ont tenu à avertir les malheureux candidats ayant répondu à la fausse offre d’emploi, qu’ils avaient été les victimes d’une arnaque, en se saisissant de leurs comptes professionnels Facebook et Likendln. Ils n’ont pas hésité à publier les faux mails envoyés par les escrocs ainsi que la fausse annonce d’emploi pour prévenir des candidats potentiels. C’est suite aux appels répétés de plusieurs candidats lésés par la fausse offre d’emploi qui souhaitaient avoir des informations supplémentaires, que les vrais dirigeants de la société se sont aperçus de la supercherie.

Aujourd’hui, l’affaire est en cours et entre les mains de la police nationale. Stéphane Cathers a quant à lui porté plainte contre X au mois de décembre dernier auprès d’un commissariat de police pour “usurpation de l’identité d’un tiers”. Il recommande d'ailleurs aux autres victimes de faire de même.