Etat des lieux des métiers sous tension en France
La crise sanitaire n’explique pas tout
La pénurie de main-d'œuvre qui touche plusieurs secteurs en France ne date pas d’hier. Une étude de la DARES (Direction de l’Animation de la Recherche des Études et des Statistiques) réalisée en 2019 montre que les tensions dans le milieu professionnel avaient déjà atteint leur plus haut niveau dès 2011. L’enquête précise également que la crise sanitaire a fortement aggravé ce phénomène. Pour protéger leur santé mentale, bénéficier d’une vie de famille épanouie, privilégier le bien-être en entreprise, de nombreuses personnes ont fait le choix de démissionner pour entamer une reconversion professionnelle à mille lieux de leur dernier poste.
D’après l’enquête Besoin en main d'œuvre menée par Pôle Emploi en avril 2022, les intentions d’embauche n’ont jamais été aussi élevées. Les entreprises et établissements ont prévu cette année de recruter un peu plus de 3 millions de personnes (soit une augmentation de 12% par rapport à 2021) sachant que 71% de ces embauches sont en CDI et contrat de 6 mois ou plus. L’étude souligne que les recrutements sont en très forte hausse dans la plupart des secteurs avec en tête : le transport et l'entreposage (+31% par rapport à 2021), l’industrie (+24% par rapport à 2021), l’hébergement & la restauration (+23% par rapport à 2021), les services aux particuliers (+11% par rapport à 2021).
Quelle que soit la taille de l’établissement, 58% des recrutements sont jugés "difficiles” par les entreprises (+ 13% par rapport à 2021). En cause ? Les entreprises interrogées pointent en toute première position le nombre insuffisant de candidats à 86%, suivi du profil inadéquat des candidats à 71%. Les conditions de travail (33%) et le déficit d’image de l’entreprise (23%) arrivent à la suite mais loin derrière.
L’étude souligne qu’en 5 ans, le taux de difficulté de recrutement s’est particulièrement accentué pour les métiers d’infirmiers, cadres infirmiers et puéricultrices (+ 53% entre 2017 et 2022), d’éducateurs spécialisés (+ 41%) et de conducteurs de transport en commun sur route (+ 39%).
Les méthodes en vogue pour remédier aux difficultés de recrutement
Aujourd’hui, les entreprises ne manquent pas d’imagination et d’inventivité pour recruter de nouveaux collaborateurs à travers des campagnes de communication ciblées, d’une présence remarquée sur les réseaux sociaux, de vidéos de présentation de la société tantôt humoristiques tantôt chantées, de témoignages filmés de salariés, d’un site web plus attractif présentant les atouts et les différentes actions de la société, d’une journée d’immersion en entreprise. Le but recherché est de valoriser un secteur, un métier, une société.
Sans revoir leurs critères à la baisse, les entreprises recrutent aujourd'hui différemment. Le nombre d’années d’expérience professionnelle et les diplômes ne sont plus les seuls et uniques critères d’embauche. La motivation, la personnalité et la capacité d’adaptation sont également et surtout pris en compte. De même, les entreprises sont désormais prêtes à former en interne les nouveaux collaborateurs afin qu’ils puissent être opérationnels et performants dans les plus brefs délais.
Les entreprises ont aussi compris qu’en faisant appel à leur propre vivier pour recruter, était une solution à moindre coût pour recruter. Jadis, utilisée de façon très informelle par une petite poignée d'entreprises, le système de cooptation se positionne depuis peu comme un moyen de recrutement supplémentaire pour trouver des collaborateurs qualifiés ou du moins de de qualité.
La cooptation à la rescousse
Le principe de la cooptation
La cooptation n’est pas un phénomène nouveau. Le bouche-à-oreille a toujours existé dans les entreprises (en particulier de petite taille). En cas de création de postes ou de postes vacants, avant de se tourner vers les professionnels de la recherche d'emplois en ligne comme Aladom, il n’est pas rare que l’équipe dirigeante ou des Ressources humaines se tourne en premier lieu vers ses propres salariés. La nouveauté est qu’aujourd’hui, toutes les sociétés (peu importe la taille et le secteur) qui rencontrent de grosses difficultés de recrutement, n’hésitent plus à se tourner vers le système de cooptation.
Il ne faut pas confondre cooptation et piston. Contrairement à la cooptation, le pistonné ne requiert pas d'avoir de compétences professionnelles particulières. Celui qui est pistonné a déjà un poste qui l’attend. Il n’a aucun entretien d’embauche à passer, aucun CV ni lettre de motivation à envoyer, aucune période d’essai à effectuer. Les relations étroites qu’il entretient avec le “pistonneur”, généralement un haut cadre, un responsable de secteur ou un président de société suffisent. Le pistonnage est un procédé qui est souvent très mal perçu par les autres collaborateurs. Charge toutefois au pistonné de faire ses preuves sur le terrain.
A l’inverse, la cooptation est un système plus encadré, essentiellement basé sur les compétences, la capacité d'adaptation, l’aisance relationnelle, le nombre d’années d’expérience dans un domaine déterminé ou encore, l’efficacité du futur embauché.
Aussi appelée parrainage ou recrutement participatif, la cooptation est un processus de recrutement alternatif qui permet aux salariés, autrement dit les coopteurs, de recommander aux Ressources humaines, manager ou PDG, une personne (le coopté) de leur réseau personnel ou professionnel dès lors qu’un poste est à pourvoir dans la société dans laquelle ils travaillent.
Les coopteurs sont considérés comme étant les forces vives de la société, les plus à même d’attirer de nouveaux profils issus de leur entourage proche (ami, membre de la famille, ancien collègue…). Les coopteurs sont également les mieux placés pour parler avec force de conviction des atouts de la société (et de ses faiblesses) dans laquelle ils travaillent ainsi que des contours du poste recherché. Le tout, dans une ambiance conviviale et bon enfant. On peut parler de pré-entretien d’embauche avant le jour J !
Cooptation et prime
Le processus de cooptation dépend de chaque société et de la taille de celle-ci. Ainsi, dans les petites et moyennes entreprises, le bouche-à-oreille et les réunions d’équipes feront généralement office d’appel à candidatures et à coopter. Dans les entreprises de plus grande taille, la cooptation sera plus formalisée et organisée par le département des Ressources humaines chargé d’informer les salariés des postes ouverts à cooptation (via une campagne de communication par mail, newsletter, site interne en ligne de la société, réseaux sociaux…).
Quand un salarié recommande une personne de son réseau, il est tenu de suivre la procédure de cooptation prévue et propre à chaque entreprise. Il en va de même pour le coopté.
Pour inciter les salariés à présenter des personnes de qualité correspondant au poste recherché, une prime de cooptation peut être proposée. Les conditions de versement et le montant de cette prime exceptionnelle dépendent de chaque société. Elle peut aller de 200€ à 4000€ voire plus.
La prime de cooptation peut être versée en une seule fois à la signature du contrat de travail ou à la fin de la période d’essai (qui peut varier de 3 mois à 6 mois) ou en plusieurs fois, à chaque étape du processus de recrutement.
Prenons l’exemple de la RATP. Comme dans bon nombre de secteurs, la RATP peine à embaucher. Pour pouvoir recruter 1500 conducteurs de bus, la régie autonome des transports parisiens a mis en place cet été, une opération de cooptation de grande envergure fortement médiatisée baptisée “Parrainons gagnant”. Le principe est simple, quand un collaborateur de la RATP propose un candidat de son réseau qui est embauché, il reçoit une prime de 150€. Si le coopté est toujours en poste un an après, le coopteur reçoit 150€ supplémentaires.
La prime n’a aucun caractère obligatoire. Certaines sociétés proposent à la place d’une rémunération, des chèques-cadeaux ou des cadeaux.
Les avantages de la cooptation
Pour le recruteur
Un gain de temps et d’argent certain ! En passant par la cooptation, le recruteur n’a plus besoin de s’adresser à des cabinets de recrutement, des agences d'intérim ou encore, de diffuser des offres d’emploi sur les plateformes dédiées, d’utiliser des CVthèques, d’écumer les réseaux sociaux de candidats potentiels etc. En plus d’avoir un coût, ces méthodes classiques de recrutement prennent énormément de temps.
Entre la recherche du candidat idéal, le tri des candidatures, l’analyse et le classement des CV (comme des lettres de motivation) reçus puis les entretiens à faire passer, de nombreuses semaines peuvent passer. Il s’agit de sourcing. Avec la cooptation, cette longue phase est considérablement réduite et facilité puisque les coopteurs présentent certes, peu de candidats mais avec des profils correspondants aux postes recherchés.
Pour le coopteur
Les salariés qui proposent des candidats ne le font pas au hasard, pour toucher une prime ou être bien vu. Ils le font de manière réfléchie. Ils ne recommandent que les meilleurs profils ! Après tout, en cas d’embauche de leur candidat coopté, c’est leur réputation et leur crédibilité qui est en jeu. Ainsi, les candidatures des cooptés sont qualitatives. Les coopteurs qui connaissent parfaitement bien l’ADN de leur société présentent en général des personnes qui ont des valeurs communes avec l'entreprise et partagent la même vision. Mais aussi, le profil des personnes cooptées peut être atypique (en termes d’étude, d’expérience de vie et professionnelle) et apporter un vrai plus à la société qui n’aurait jamais pensé à se tourner vers ce type de candidature.
Le coopteur est pleinement impliqué dans le processus de recrutement de sa société. Il s’en trouve valorisé parce qu’il aura participé à l’embauche d’un nouveau talent ou collaborateur.
N’oublions pas, si le coopté est engagé, le coopteur touchera une prime.
Pour le coopté
C’est tout bénéfice pour le coopté ! Il a accès à un marché caché de l’emploi. En effet, le coopteur (qui l’a bien ciblé en amont) lui propose un poste en direct, le renseigne de façon la plus exhaustive possible sur l’entreprise et l'emploi à pourvoir, lui donne même les clés pour faire mouche lors du futur entretien d’embauche. Mais encore, le coopté a la chance d’avoir une solide recommandation de la part du coopteur qui, en fonction du type de cooptation établi dans la société, peut appuyer sa candidature en vantant ses mérites ainsi que ses compétences.
Le coopté une fois en place est comme à la maison ! Dans la mesure où il a coché toutes les cases, son intégration au sein de la société s’en trouve facilité grâce à son mentor qui sera toujours là pour le guider, le conseiller et l’aider. Le coopté, en plus d’apporter de la fraîcheur à un service, contribuera à maintenir une bonne ambiance. En effet, le coopteur choisira toujours parmi les membres de son réseau une personne avec laquelle il s’entend bien, partage des valeurs et des points communs. Cela renforcera les liens entre collaborateurs, facilitera le processus d’intégration du coopté et valorisera la marque employeur.
Les inconvénients de la cooptation
La cooptation peut mal se passer. Nul n’est à l'abri de faire des erreurs de casting. Le coopteur peut s’être trompé sur son coopté et s’en mordre les doigts par la suite. C’est un risque pris par le coopteur ! Par exemple, il réalise au cours de la période d’essai (ou peu après) que la personne qu’il a cooptée est un tire au flanc, beau parleur, insensible à l’esprit d’équipe et dénuée de toute conscience professionnelle. De même, la personne cooptée peut sentir une trop forte pression exercée par le coopteur (qui en attend beaucoup) ou son manager (qui en attend encore plus car chaudement recommandé). Incapable de travailler serienement, le coopté se voit contraint de quitter son poste plus vite que prévu.
Dans les deux cas, la situation du coopteur est mise à mal (même s’il n’est pas directement responsable) puisque c’est lui qui aura recommandé une personne incompétente ou démissionnaire. Ce faux-pas peut jouer de façon défavorable sur son avenir professionnel dans sa société.
A l’inverse, la personne cooptée peut s’estimer à jamais redevable de son coopteur. Cette attitude loyale à l’extrême peut l’empêcher de rompre la période d’essai ou de démissionner. Conséquence ? Le coopté peut s’abîmer pendant des années dans un poste qui ne lui correspond pas.
Mal utilisée, la cooptation a ses limites. L’abus de cooptation peut annihiler la diversité dans une entreprise. Les coopteurs recommandent en général leur clone, des personnes qui partagent la même culture entrepreneuriale. Cette vision similaire voire robotique qui ne laisse pas de place à la diversité est nuisible à la créativité de l’entreprise, à sa capacité d’innovation et à son développement.
Enfin, des garde-fous doivent être posés par l’entreprise pour que la course à la prime ne soit pas la seule et unique motivation pour présenter un candidat. Si le coopteur n’est animé que par l'appât du gain, la cooptation peut se retourner contre le coopteur en terme de crédibilité, de confiance et d’avancement.