Quel accompagnement propose-t-on aujourd’hui aux personnes en situation de handicap dans les centres spécialisés ? Quels repères ont ces résidents ? Quels sont les moyens humains ? Que ressentent les personnels du soin et de l’accompagnement ?
Tourné en fin d’année 2021 et début d’année 2022, le documentaire « Personne », de Lorraine Reinsberger et Eva Carrette, témoigne des difficultés de tous les acteurs travaillant dans ces établissements spécialisés, qu’ils occupent des fonctions de direction, ou qu’ils soient kinésithérapeutes, éducateurs spécialisés, ou infirmiers. D’une façon générale, ils estiment qu’on ne leur donne pas les moyens de bien faire leur métier. Beaucoup se sentent également déclassés.
Le film donne aussi la parole aux parents, et aussi, chose rare, aux personnes handicapées. Une voix précieuse, que l’on aimerait entendre plus, tout comme on devrait pouvoir les côtoyer plus souvent (condition essentielle pour une société plus inclusive, où elles auraient aussi une meilleure accessibilité à tous les lieux).
Etablissements pour personnes handicapées : un turn-over trop important
Au fil des interviews, revient toujours la même problématique : ces centres spécialisés et foyers de vie (ici les structures Hapogys, Apajh Gironde, et ARIMOC) manquent de personnel, et connaissent un incessant turn-over, qui les contraignent à faire appel à des remplaçants intérimaires.
Tout le monde en souffre, professionnels comme résidents. « On en a marre de ne pas voir les mêmes gens tout le temps », résume l’un d’eux. Pourtant, les repères, les liens et la confiance sont essentiels pour ces personnes présentant une paralysie cérébrale ou un polyhandicap.
Un soignant évoque aussi l’importance de « la connaissance fine de la personne que l’on accompagne ». Les gestes ne s’improvisent pas, lorsqu’il s’agit d’aider une personne en particulier à manger, d’utiliser les sangles ou d’autre matériel adapté bien spécifique, mais le directeur de l’Archipel Aliénor reconnaît qu’il est difficile de demander à ces remplaçants à peine arrivés d'avoir « une très haute technicité ».
Le manque de personnel inquiète aussi les parents des résidents, victimes collatérales de la situation. Ils vivent parfois dans la crainte de voir le foyer fermer - ligne droite vers la désocialisation de la personne handicapée, avec effet boule de neige sur sa famille (à qui il revient la charge de s’en occuper).
Conférence sur les métiers de l'accompagnement social et médico-social : les métiers du handicap revalorisés
Le documentaire a été tourné quelques semaines avant la conférence sur les métiers du social et du médico-social, en février dernier. Une séquence, en début de film, montre professionnels et personnes en fauteuil roulant en train de manifester pour réclamer une meilleure considération, et une augmentation de salaire équivalente à celle des personnels du secteur sanitaire et des Ehpad (revalorisés de 183 euros nets mensuels dans le cadre du Ségur). Depuis, la conférence sur les métiers de l'accompagnement social et médico social les a entendus, et leur revalorisation doit être effective à partir du 1 er avril.
Reste que bon nombre d’entre eux, épuisés, parfois en burn-out, ont déjà démissionné ces derniers mois, pour partir travailler dans des établissements où le salaire était meilleur.
Ceux qui sont restés parlent de leur métier avec conviction. Générosité, humanité, sentiment d’être utile, de donner de sa personne sont récurrents. « Accompagner des personnes cérébro-lésées, qui ont eu un traumatisme crânien ou un AVC, c’est quelque chose qui peut paraître difficile… Ce sont des personnes qui ont eu une vie autonome… Ils nous renvoient à quelque chose d’énorme : dépasser les obstacles, les accidents de la vie », témoigne une éducatrice spécialisée de l’ARIMOC, (Action Réseau Innovation pour les personnes en difficulté MOtrice Cérébrale et cognitive) qui raconte un métier « qui prend aux tripes ».
Personnes handicapées : l'Unapei dénonce une atteinte à leurs droits fondamentaux
12 millions de personnes sont porteuses d’un handicap en France. À leurs côtés, ce sont 8 millions d’aidants familiaux, et des milliers de professionnels qui les accompagnent.
L’Unapei, association de défense des droits des personnes en situation de handicap intellectuel et cognitif, alerte depuis plusieurs mois sur la crise sans précédent que traverse le secteur du handicap.
Elle dénonce les graves atteintes aux droits fondamentaux des personnes en situation de handicap (ruptures d’accompagnement dues aux arrêts de services, les problèmes de sécurité, restrictions des activités essentielles à leur vie quotidienne, etc.). Elle pointe du doigt la privation de soins et d’activités essentielles, et milite pour un accompagnement « digne et de qualité adapté aux besoins et aux attentes de chacun ».
« Dans certains départements, nos associations manquent tellement de professionnels qu’elles ne peuvent plus assurer les actes les plus quotidiens et essentiels à la vie : toilettes ou aide aux repas. Les familles ont dû prendre le relai parce que certaines associations ont été contraintes d’interrompre des services... Un véritable retour en arrière de 60 ans pour notre pays, » déplore l’association.
De nombreux postes vacants dans les métiers au service du handicap
Aujourd’hui encore, de nombreux postes sont toujours vacants dans les centres où le film a été tourné : accompagnant éducatif et social, professionnel de l’accompagnement, psychologue, médecin coordonnateur, aide-soignant, AS ou AES, psychomotricien...
Pour parer à l’urgence, le gouvernement vient de lancer une campagne de recrutement dans les métiers du soin et de l’accompagnement.
Aladom.fr, plateforme spécialisée dans le recrutement dans le secteur de l’aide à la personne, propose chaque jour des milliers de postes dans les métiers du handicap dans toute la France.
« Personne » réalisé et produit par l’agence audiovisuelle Real Factory, est un documentaire de Lorraine Reinsberger et Eva Carrette, tourné avec la participation des associations Hapogys, Apajh (Association pour adultes et jeunes handicapés) Gironde, Arimoc (Action réseau innovation pour les personnes en difficulté motrice cérébrale et cognitive) et le soutien de Paralysie Cérébrale France. Il est visible gratuitement sur le site Vimeo.
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