đ Un empire de la santĂ© en ligne⊠un peu trop exclusif
Doctolib a su moderniser le domaine de la santĂ© en mettant a disposition une solution technologique rĂ©pondant aux attentes des français. On a pu voir les bĂ©nĂ©fices lors de la crise du Covid, avec la possibilitĂ© de trouiver des rendez-vous en quelques clics pour la vaccination.Â
Mais, selon lâAutoritĂ© de la concurrence, Doctolib a mis en place deux types de pratiques anticoncurrentielles :
- Des clauses dâexclusivitĂ© dans ses contrats, interdisant aux professionnels de santĂ© de recourir Ă dâautres plateformes. Autrement dit : si vous Ă©tiez sur Doctolib, pas question dâaller tester la concurrence.
- Des ventes liĂ©es : pour utiliser lâoutil de tĂ©lĂ©consultation âDoctolib TĂ©lĂ©consultationâ, il fallait dâabord souscrire Ă âDoctolib Patientâ, la solution de prise de rendez-vous. RĂ©sultat : les praticiens devaient payer deux services, mĂȘme sâils nâen avaient besoin que dâun.
DâaprĂšs des documents internes saisis par lâAutoritĂ© de la concurrence, Doctolib assumait une stratĂ©gie claire : âĂȘtre une interface obligatoire et stratĂ©gique entre le mĂ©decin et son patient afin de les verrouiller tous les deuxâ.
MalgrĂ© les alertes de sa propre direction juridique sur le caractĂšre illĂ©gal de ces clauses, la direction de Doctolib aurait dĂ©cidĂ© de âstratĂ©giquement les garderâ.
Doctolib va faire appel de la dĂ©cision de lâAutoritĂ© de la concurrence
Doctolib a anoncĂ© faire appel de la dĂ©cision qui fait suite Ă la procĂ©dure entamĂ©e en 2019 par Cegedim, un concurrent historique du secteur du logiciel de gestion pour les soignants et indique que cette dĂ©cision prĂ©sente une lecture erronĂ©e de l'activitĂ©, et du secteur de Doctolib qui nâest en aucun cas en position dominante.Â
Doctolib est un acteur rĂ©cent dans le secteur des logiciels pour les soignants (3 fois plus petit que ses concurrents europĂ©ens) et nâĂ©quipe aujourdâhui que 30 % des soignants français (10 % en 2019 au moment de la plainte).
Doctolib a bousculé un marché endormi et verrouillé depuis 30 ans avec comme seul et unique objectif depuis le premier jour de développer des solutions fiables, sécurisées et sans engagement, qui facilitent la pratique quotidienne des soignants et contribuent à rendre les patients en meilleure santé.
La dĂ©cision se fonde Ă©tonnamment sur lâacquisition par Doctolib dâune petite start-up (Mon Docteur) en 2018, qui Ă©quipait 2 % des soignants au moment du rachat. Cette opĂ©ration de croissance externe visant Ă regrouper deux PME pour innover plus rapidement est dâune banalitĂ© absolue dans la vie dâune entreprise.
En outre, la dĂ©cision remet en cause le lien entre la tĂ©lĂ©consultation et le reste du logiciel Doctolib, alors que la dĂ©connecter aboutirait Ă des difficultĂ©s consĂ©quentes pour le suivi des patients et lâactivitĂ© quotidienne des soignants. Câest cette connexion qui permet lâaccĂšs au dossier patient, le partage d'ordonnance et la facturation.
Elle sâappuie enfin sur lâexistence passĂ©e dâune clause dâexclusivitĂ© il y a 11 ans, qui Ă©tait prĂ©sente seulement pour prĂ©venir un mauvais usage de notre logiciel par les soignants.
Doctolib est confiant et aborde sereinement la suite de la procédure, qui permettra
dâobtenir une dĂ©cision juste en appel.
đ Le rachat de MonDocteur : âkiller le produitâ
LâAutoritĂ© est revenue sur le rachat du concurrent MonDocteur en 2018, une opĂ©ration qui nâavait pas Ă©tĂ© notifiĂ©e Ă lâĂ©poque.
Selon des Ă©lĂ©ments internes, Doctolib considĂ©rait MonDocteur comme son âconcurrent #1â et voyait dans cette acquisition un moyen de ârĂ©duire la pression sur les prixâ et âaugmenter [ses] tarifs de 10 Ă 20 %â.
Dans un document interne, on peut lire noir sur blanc : âla crĂ©ation de valeur nâest pas lâajout de lâactif [MonDocteur] mais sa disparition en tant que concurrentâ.
Autrement dit : une acquisition pour éliminer la concurrence, pas pour innover.
LâAutoritĂ© y voit une acquisition prĂ©datrice, une premiĂšre en France depuis lâarrĂȘt Towercast de la Cour de justice de lâUnion europĂ©enne (mars 2023), qui permet de sanctionner ce type de rachat mĂȘme lorsquâil ne franchit pas les seuils habituels de notification.
âïž Une sanction historique (et un rappel Ă lâordre)
Résultat :
- 4 615 000 ⏠dâamende pour pratiques dâexclusivitĂ© et ventes liĂ©es,
- 50 000 ⏠pour lâacquisition de MonDocteur, soit 4,665 millions dâeuros au total,
- et lâobligation pour Doctolib de publier un rĂ©sumĂ© de la dĂ©cision dans Le Quotidien du MĂ©decin.
LâAutoritĂ© rappelle que ces pratiques ont eu âpour effet, au moins potentiel, dâĂ©vincer les concurrents sur les marchĂ©s concernĂ©sâ.
Un message clair envoyĂ© Ă tous les acteurs du numĂ©rique en santĂ© : la domination nâautorise pas tout.
đ©ș Et maintenant ?
Doctolib reste de trÚs loin le leader du marché, avec plus de 80 % des professionnels de santé utilisant sa solution et des millions de patients chaque mois.
Mais cette dĂ©cision pourrait rouvrir le jeu de la concurrence et encourager le dĂ©veloppement de plateformes alternatives â une bonne nouvelle pour les professionnels comme pour les patients.