Ce qui a été voté par les députés 

Voici la liste des amendements qui ont été adoptés pour le moment : 

  • Amendement n°I-3458 déposé par Mme Christine Pirès Beaune : modification des plafonds des dépenses éligibles au crédit d'impôts sur les services à la personne : 
    • Abaissement du plafond annuel de 12000 à 10000 € pour économiser 110 millions d'euros,
    • Abaissement du plafond de la première année de 15 000 € à 13 000 €
    • Pour chaque enfant à charge ou membre du foyer de plus de 65 ans, la majoration de 1 500 € demeurerait inchangée. Toutefois le plafond de 15 000 € (18 000 € la première année) de cumul de ces majorations serait également abaissé à 13 000 € (16 000 € la première année). 
    • Remplacement du plafond à 2000 € pour le bricolage (plafond actuel de 500€), l'assistance informatique (plafond actuel de 3000 €) et le jardinage (plafond actuel de 5000 €). 
  • Amendement n°I-3456 (Rect) : cet amendement précise que la notion d’ensemble de services incluant des activités effectuées à la résidence s’entend de services fournis au contribuable par un même salarié, association, entreprise ou organisme. Il prévoit par ailleurs que les services éligibles fournis à l’extérieur du domicile, lorsqu’ils sont compris dans un ensemble de services incluant des activités effectuées à la résidence, n’ouvrent droit au crédit d’impôt que lorsque le montant annuel des dépenses engagées au titre des services éligibles fournis à l’extérieur du domicile n’excède pas, pour chaque ensemble de services, le montant annuel des dépenses engagées au titre des services éligibles fournis au domicile.

🎯 Recentrer le dispositif : la proposition de Romain Daubié

Le député Romain Daubié (MoDem) a ouvert le débat concernant le budget 2026 en proposant de réserver le Cisap aux activités véritablement sociales, comme la garde d’enfants ou l’accompagnement des personnes âgées ou handicapées, et d’en exclure d’autres, comme le coaching sportif.
S’appuyant sur le rapport de la Cour des comptes de mars 2024, il a plaidé pour une meilleure utilisation de l’argent public et une évaluation des effets réels du dispositif, dont le coût pour l’État avoisine 7 milliards d’euros par an.

« Nous devons réduire les dépenses sans toucher aux aides véritablement utiles », a-t-il résumé.

🛡️ Un dispositif jugé efficace contre le travail au noir

Le rapporteur général Philippe Juvin (LR) a exprimé un avis défavorable, rappelant que le crédit d’impôt avait permis de faire reculer le travail dissimulé de 50 % à 20 % lors de sa création et qu’il constituait un soutien à l’emploi et à la protection sociale des travailleurs du secteur.
Même prudence du côté du gouvernement : la ministre Amélie de Montchalin a reconnu la complexité du dispositif mais a défendu son rôle économique et social. « Je ne veux pas jouer aux fléchettes pour décider quelles activités sont éligibles. La priorité, c’est de rendre le dispositif plus lisible », a-t-elle déclaré.

Cependant pour certains députés les avantages fiscaux pour les services à la personne sont des cadeaux faits aux riches et les prestations de services à la personne devraient être réalisées par des fonctionnaires : 


💬 Opposition de gauche : « un système injuste et ubérisé »

Les députés Élisa Martin et Danielle Simonnet (LFI) ont, eux, dénoncé une dérive libérale du dispositif.
Pour Élisa Martin, il est incohérent de refuser d’aider davantage les personnes âgées en Ehpad tout en finançant le jardinage ou le coaching à domicile.
Danielle Simonnet a pour sa part mis en garde contre les plateformes d’intermédiation, accusées d’exploiter de faux indépendants sans droits sociaux :

« Ces plateformes instaurent un rapport de subordination sans contrat ni cotisations sociales. Il est anormal que notre crédit d’impôt cautionne de telles pratiques. »

⚖️ Le débat sur l’“ubérisation” du secteur

Ce sujet a cristallisé les échanges. Le rapporteur Philippe Juvin a reconnu les dérives possibles, tout en soulignant que restreindre l’accès au Cisap pour les autoentrepreneurs pourrait conduire à une hausse du chômage et du travail non déclaré.
La ministre a, elle, rappelé la difficulté de tracer la frontière entre indépendance réelle et subordination déguisée.

💸 Faut-il parler de “niche fiscale” ?

La députée Claire Lejeune (LFI) a relancé le débat en qualifiant le Cisap de « niche fiscale maintenue par procrastination et mauvaise foi », soulignant que les 10 % des ménages les plus aisés captent 50 % des avantages.
Elle a défendu un amendement visant à restreindre le crédit d’impôt aux seules personnes dépendantes et à exclure le gardiennage, mais celui-ci a été rejeté (77 voix pour, 236 contre).

« Le respect de la loi ne se subventionne pas », a-t-elle insisté, jugeant absurde de “payer” les citoyens pour ne pas employer au noir.

Lors des débats sur le taux et le plafond des avantages sur les services à la personne, Amélie de Montchalin a pu donner des informations sur les bénéficiaires du crédit d'impôts :
"Examinons les montants moyens de dépenses. Dans le premier décile –⁠ les 10 % les moins aisés de la population –, 125 000 personnes ont en moyenne une dépense de crédit d’impôt qui coûte à l’État 961 euros –⁠ il faut la doubler pour avoir la dépense effective. Dans le deuxième décile, cette dépense s’élève à 830 euros, et dans le troisième, à 900 euros. Entre le premier et le neuvième décile, la dépense moyenne fluctue entre 830 et 1 000 euros. C’est intéressant car cela montre que la pratique effective de dépense de crédit d’impôt est homogène pour 90 % des Français. Dans le dernier décile, la moyenne est de 1 700 euros –⁠ nous sommes loin des 12 000 euros que j’ai pu entendre. Deuxièmement, il n’est jamais mentionné que 50 % du total des dépenses –⁠ 14 milliards d’euros, puisque le crédit d’impôt s’élève à 7 milliards – émanent de personnes qui ont plus de 70 ans. Cela veut dire que les personnes qui consomment le plus de crédits d’impôt sont les personnes âgées. C’est aussi intéressant, parce que cela montre que, contrairement à ce qu’on peut entendre, ce ne sont pas des soins de confort, utilisés à outrance par les plus aisés.
Je suis défavorable à tous les amendements, à l’exception de l’amendement no 3458, sous réserve de l’adoption du sous-amendement no 3819 –⁠ amendement sous-amendé au sujet duquel je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée. En effet, celui-ci propose une réduction du plafond total de 12 000 à 10 000 euros, applicable dès la première année, ce qui éviterait de baisser le taux, comme le propose M. Maurel. Baisser en même temps le plafond et le taux, c’est trop.
Je précise que les bonifications du plafond pour les ménages qui ont des enfants ne sont pas changées : il s’agit bien de 1 500 euros de plus par enfant à charge. De plus, je me demande pourquoi une bonification de 1 500 euros est accordée sur le seul critère de l’âge, à 65 ans. Cela ne figure pas dans votre amendement. Il me paraîtrait plus juste que cette bonification soit liée à une situation de handicap ou de dépendance.
Enfin, je tiens à rappeler que ces propositions ne tendent pas à modifier le plafond de 20 000 euros pour les personnes invalides. C’est très important : si nous voulons cibler efficacement nos dépenses fiscales, il faut qu’elles soient très lisibles, avec un plafond à 10 000 euros pour tout le monde et à 20 000 euros pour les personnes invalides. Cette proposition de rationalisation modérée explique que je m’en remette à votre sagesse : nous devons être prudents, afin d’éviter d’inquiéter nos concitoyens qui ont besoin de ces dispositifs et ne doivent pas en conclure que, ce soir, nous avons mis en danger une niche fiscale importante".

Retrouvez cette intervention d'Amélie de Montchalin.  

🧩 La position du gouvernement : simplifier, pas supprimer

Amélie de Montchalin a reconnu que le Cisap nécessitait une simplification et un meilleur encadrement, notamment à travers la fusion des sous-plafonds (bricolage, jardinage, assistance informatique).
Elle a également évoqué les risques de fraude et la mise en place d’un contrôle renforcé par la DGFIP sur les activités déclarées.

📉 Une mesure populaire mais coûteuse

Malgré les critiques, la majorité des députés, y compris ceux du Rassemblement national, ont défendu un dispositif jugé indispensable à l’emploi et au pouvoir d’achat.
Le député RN Philippe Lottiaux a rappelé que le Cisap concernait 1,2 million de salariés, contribuant à formaliser un secteur autrefois dominé par le travail non déclaré.

« Ne remettons pas en cause une mesure simple et utile : nous y perdrions bien plus que ce que nous pourrions y gagner », a-t-il plaidé.

Transformer les services à la personne en service public 

Lors des débats, Eric Coquerel indiquait : "Je trouve pour ma part assez bizarre que l’État dépense 7 milliards d’euros pour subventionner des emplois privés, qui concernent, selon les renseignements que m’a fournis la ministre, 400 000 personnes –⁠ souvent peu qualifiées et peu formées. Pourquoi ne pas transformer ce service au public en un service public qui répondrait aux besoins des gens selon leurs moyens ? Pour 7 milliards, on pourrait embaucher 167 000 fonctionnaires, voire davantage si on considère que les personnes ayant recours à ces services paient en fonction de leurs moyens.

Choisir d’avoir recours à un corps de fonctionnaires pour remplir ces besoins essentiels est bien sûr un autre choix de société, mais le débat mérite d’être ouvert. (Mêmes mouvements.) Pour l’instant, au motif qu’il faut lutter contre le travail au noir, non seulement l’État supporte une dépense fiscale de 7 milliards d’euros –⁠ j’ignore s’il est gagnant par rapport à ce qu’il perdrait avec du travail dissimulé non fiscalisé –, mais en plus, il entretient de cette manière des gens qui sont peu formés et qui ont peu de droits, moins en tout cas que des salariés normaux. Il y a là une vraie question de société : que fait-on de ces 7 milliards ?"

Ce a quoi Jean-Paul Mattei a répondu : "Permettez-moi un témoignage en tant que maire d’une commune rurale. Dans ces communes, on n’a pas forcément tous les services publics d’aide à la personne. Je puis vous assurer que ces emplois sont utiles et que les relations humaines tissées entre les employés et les employeurs sont souvent très fortes. Si l’on casse tout cela au nom d’une certaine justice fiscale, on ne va pas forcément dans le bon sens. Tous ces emplois d’aide à la personne sont extraordinairement utiles pour les personnes seules.

Il ne faut pas se contenter d’une vision fiscale de ce crédit d’impôt, mais voir les services que cela rend. Les remplacer par des milliers de fonctionnaires, monsieur Coquerel, n’est pas nécessairement la solution, surtout dans la ruralité. On n’aura pas les moyens et dès lors, comment fera-t-on ? Ce sont des emplois utiles, respectés, et les relations entre l’employeur et l’employé vont bien au-delà d’une relation entre affreux riche et pauvre employé."


Le secteur a du mal à attirer et à recruter. Il n'est pas sûr qu'en remplaçant des millions de salariés à domicile par 170 000 fonctionnaires, on puisse régler les problèmes.


🪞Un débat symptomatique

Ces échanges illustrent la tension entre logique sociale et logique budgétaire : faut-il préserver un outil d’emploi et de formalisation du travail, ou le recentrer sur les besoins essentiels ?
Entre la lutte contre la fraude, la simplification fiscale et la justice sociale, le crédit d’impôt pour l’emploi à domicile reste un symbole des dilemmes français en matière de politique publique.