Une maladie en progression constante
En France, près d’1,2 million de personnes vivent avec la maladie d’Alzheimer ou une pathologie apparentée. Ce chiffre pourrait doubler d’ici 2050 avec le vieillissement de la population. Face à cette urgence sanitaire et sociale, les chercheurs multiplient les pistes de prévention. Si l’âge et la génétique demeurent des facteurs de risque incontournables, l’hygiène de vie, et en particulier l’alimentation, apparaissent comme des leviers sur lesquels chacun peut agir.
« Bien manger ne guérit pas Alzheimer, mais peut contribuer à ralentir son évolution et à préserver plus longtemps les capacités cognitives », rappelle la Fondation Vaincre Alzheimer dans son communiqué.
Régimes méditerranéen et MIND : des alliés du cerveau
Parmi les habitudes alimentaires les plus étudiées, le régime méditerranéen occupe une place de choix. Riche en fruits, légumes, légumineuses, céréales complètes, huile d’olive, poissons et pauvre en viandes rouges, il est déjà reconnu pour ses effets bénéfiques sur le cœur. Désormais, son intérêt dans la prévention de la démence est largement documenté.
Une étude récente publiée par l’Université Harvard montre que le régime méditerranéen pourrait même compenser le risque génétique lié au gène APOE4, considéré comme l’un des principaux facteurs de prédisposition à Alzheimer (Harvard Gazette). Autrement dit, bien manger pourrait réduire le risque, même pour les personnes génétiquement prédisposées.
Le régime MIND, qui combine le modèle méditerranéen et le régime DASH (Dietary Approaches to Stop Hypertension), a lui aussi montré des résultats impressionnants. Selon une étude relayée par EatingWell, les personnes adhérant à ce régime réduisent leur risque de développer une démence de 20 à 25 %. Plus l’adoption de ce régime est précoce et durable, plus les bénéfices semblent importants.
Pour Marianne, 62 ans, dont la mère est décédée d’Alzheimer, l’annonce d’un risque génétique a été un choc. « J’ai toujours eu peur de développer la maladie. Quand j’ai appris que l’alimentation pouvait réellement jouer un rôle, je me suis mise au régime méditerranéen. Aujourd’hui, j’ai perdu du poids, je me sens mieux, mais surtout, j’ai l’impression de reprendre le contrôle sur ma santé cérébrale », confie-t-elle dans un article cité par EatingWell.
Le microbiote intestinal, nouvel acteur clé
Au-delà des aliments eux-mêmes, le rôle du microbiote intestinal est désormais scruté de près. L’axe « intestin-cerveau » n’est plus une hypothèse, mais une certitude scientifique : les bactéries intestinales influencent directement l’inflammation et le fonctionnement cérébral. Des déséquilibres du microbiote seraient associés à une accélération du déclin cognitif.
Lors des Journées Francophones de Nutrition 2024, plusieurs chercheurs ont confirmé ce lien entre alimentation, microbiote et Alzheimer (Univadis). Probiotiques, fibres alimentaires, diversité des végétaux consommés : autant de leviers pour nourrir un microbiote protecteur.
À l’inverse, certains produits semblent accélérer le déclin cognitif. Fast-food, charcuteries industrielles, plats préparés… les aliments ultra-transformés sont pointés du doigt par de nombreuses études. Une enquête relayée par France Alzheimer recommande d’en limiter la consommation au maximum. Leur forte teneur en sucres, sels, graisses saturées et additifs entretient l’inflammation chronique, facteur de risque pour le cerveau.
Pour la Fondation Vaincre Alzheimer, il est urgent d’agir sur ces comportements alimentaires, notamment par l’éducation nutritionnelle et l’information des familles.
Nutrition et inégalités sociales
L’alimentation saine reste parfois un luxe. Aux États-Unis, des chercheurs ont étudié l’impact du programme SNAP (coupons alimentaires). Résultat : les bénéficiaires qui ont pu améliorer la qualité de leur alimentation ont vu leur déclin cognitif ralentir de deux à trois ans en moyenne (AAIC). Un exemple qui rappelle l’importance des politiques publiques dans la lutte contre Alzheimer.
En France, la Fondation Vaincre Alzheimer plaide pour un meilleur accompagnement des personnes âgées et de leurs proches afin que la prévention par l’alimentation ne soit pas réservée aux plus favorisés.
Jean-Pierre, 70 ans, participe à un programme expérimental de suivi nutritionnel. « On a tendance à penser qu’à mon âge, il est trop tard pour changer. Mais en remplaçant progressivement les plats préparés par des légumes frais, en réduisant les sucres, j’ai vu la différence sur ma mémoire et mon énergie. Ce n’est pas un miracle, mais c’est une vraie amélioration du quotidien », raconte-t-il.
L’accompagnement passe aussi par l’aide culinaire : sur Aladom, de nombreux services proposent une cuisine adaptée aux personnes âgées, alliant équilibre nutritionnel et plaisir
Vers une nouvelle ère de prévention
Les recherches se multiplient et convergent : mieux manger protège le cerveau. Mais la prévention nutritionnelle n’est pas encore suffisamment intégrée aux politiques de santé publique. La Fondation Vaincre Alzheimer insiste sur la nécessité de campagnes d’information claires et d’un soutien accru à la recherche.
« La nutrition est une clé que nous avons entre les mains, mais elle reste trop souvent sous-estimée », conclut la fondation.
L’alimentation n’est évidemment pas la solution unique à Alzheimer. Mais elle constitue un levier majeur, accessible à tous, pour retarder l’apparition des symptômes, ralentir leur progression et améliorer la qualité de vie des patients et de leurs proches. Dans un contexte où aucun traitement curatif n’existe encore, chaque repas devient une opportunité d’agir.
Du régime méditerranéen au rôle du microbiote, en passant par la lutte contre les aliments ultra-transformés, l’alimentation se révèle être un puissant allié dans la lutte contre Alzheimer. Une conviction désormais partagée par la recherche scientifique et les acteurs associatifs, qui appellent à transformer nos habitudes pour protéger non seulement notre cœur… mais aussi notre mémoire.