Un dispositif coûteux… mais stratégique

Le crédit d’impôt sur les services à la personne permet aujourd’hui à plus de 4,5 millions de foyers de bénéficier d’un remboursement équivalent à 50 % des dépenses engagées pour des services tels que le ménage, la garde d’enfants, l’aide aux personnes âgées, le soutien scolaire, ou encore le jardinage. Ce mécanisme représente la deuxième niche fiscale de l’État, avec un coût de 6,7 milliards d’euros en 2024, derrière le crédit d’impôt recherche.
Dans un contexte de recherche d’économies – le gouvernement ambitionne de réduire les dépenses publiques de 40 milliards d’euros d’ici 2026 – le dispositif est dans la ligne de mire de Bercy. La ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, envisage un recentrage sur certains publics, comme les jeunes parents et les personnes âgées en perte d’autonomie. Des pistes évoquées incluent une baisse du taux de remboursement (de 50 à 40 %), une réduction du plafond annuel de dépenses prises en compte (de 6 000 à 3 000 euros), ou encore une restriction du champ d’activités concernées.

Des effets collatéraux redoutés

Une telle réforme suscite de vives inquiétudes chez les professionnels du secteur des services à la personne. La Fédération des Services à la Personne et de l’Accompagnement à Domicile (Fédésap) alerte sur les conséquences d’un tel recentrage. Avec 3 millions de salariés, un marché de 20 milliards d’euros et une demande croissante liée au vieillissement de la population, le secteur joue un rôle essentiel dans la cohésion sociale et le maintien à domicile.
Frank Nataf, président de la Fédésap, prévient : « Ce secteur est fragile, à faible rentabilité, mais à très forte utilité sociale. Le crédit d’impôt n’est pas un cadeau fiscal, c’est un investissement rentable pour les finances publiques. » En effet, chaque euro injecté génèrerait entre 1,20 et 1,50 € de recettes, via les cotisations sociales, la TVA, et l’impôt sur les sociétés.
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Un risque de retour massif au travail non déclaré

Autre conséquence redoutée : une explosion du travail dissimulé. Sans incitation fiscale, de nombreux ménages pourraient basculer vers des pratiques non déclarées pour des services dont ils ne peuvent ou ne veulent se passer. Certaines études estiment que le taux de travail au noir dans le secteur pourrait grimper à 60 %.
« Les besoins ne disparaîtront pas, ils seront juste couverts autrement, et ce sera au détriment des travailleuses précaires », souligne la Fédésap. Ménage, garde d’enfants, aide aux personnes dépendantes : les emplois concernés sont majoritairement occupés par des femmes peu qualifiées, souvent à temps partiel. Toucher au crédit d’impôt, c’est risquer de les précariser davantage et de faire remonter le chômage.

Retrouvez l'intervention sur RTL du président de le FESP : /div>

Une réforme qui pénaliserait les classes moyennes

Contrairement aux idées reçues, ce ne sont pas les foyers les plus aisés qui seraient les principaux perdants. Près de 40 % des utilisateurs actuels du crédit d’impôt sont non imposables, et 27 % vivent avec moins de 28 000 € bruts par an. Les plus de 80 ans représentent à eux seuls 42 % des bénéficiaires.
« Les classes moyennes, celles qui travaillent, paient des impôts et tiennent le pays debout, commencent à en avoir ras-le-bol », martèle Frank Nataf. « Ce crédit d’impôt, il faut le préserver pour elles. »


Un secteur qui a besoin de visibilité et de stabilité pour continuer à croître

Dans un contexte de transitions démographiques, sociales et écologiques, les Services à la Personne apparaissent comme une réponse concrète aux besoins croissants des familles et des territoires. Mais pour relever les défis à venir, les acteurs du secteur ont besoin de visibilité et de stabilité. Les changements brutaux ou mal concertés, notamment en matière de fiscalité, fragilisent non seulement les entreprises et les emplois, mais aussi la confiance des usagers. C’est pourquoi la FESP appelle à sortir d’une logique budgétaire de court terme, pour engager une politique publique structurante, lisible, et partagée avec l’ensemble des acteurs.
Seul un partenariat clair et durable entre l’État, les collectivités, les professionnels et les citoyens permettra de construire un avenir solide pour ce secteur d’utilité sociale majeure.

Une décision politique sensible

Avec 150 000 femmes contraintes de refuser un emploi chaque année faute de solutions de garde, toute réduction du crédit d’impôt pourrait avoir un effet dissuasif sur l’activité professionnelle. À l’heure où l’on encourage la reprise du travail et l’émancipation économique, cette réforme pourrait produire l’effet inverse.
En résumé, si le gouvernement persiste dans sa volonté de réduire le coût du crédit d’impôt sur les services à la personne, il devra composer avec une équation complexe, mêlant contraintes budgétaires, besoins sociaux croissants, et risques économiques majeurs.