Une loi ambitieuse… mais restée en plan ? 

Votée en février 2005, la loi pour "l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées" avait fait souffler un vent d’espoir. Elle devait enfin garantir l’accessibilité dans les transports, les établissements publics, les écoles, les logements et les lieux de travail. 

Mais deux décennies plus tard, le tableau est loin d’être satisfaisant. Si des progrès ont vu le jour ici et là, l’accessibilité universelle reste hors de portée pour beaucoup. Le plus souvent, ce sont encore les personnes handicapées qui doivent s’adapter à un monde pensé sans elles. 

Une mobilisation nationale pour dire stop 

Du 12 au 15 mai, une caravane citoyenne, partie des quatre coins de l’Hexagone, a convergé vers la capitale. Le 15 mai, place de la République, plusieurs centaines de personnes en fauteuil, avec cannes ou béquilles, mais aussi des proches, des aidants et des militants se sont rassemblés dans une ambiance aussi déterminée que conviviale. Le mot d’ordre : "Liberté, Égalité, Accessibilité". 

Parmi les pancartes, des mots forts, des colères retenues, mais surtout des témoignages bouleversants. Aline, 32 ans, atteinte de myopathie, raconte : "J’habite à 10 minutes du métro, mais je dois prendre 40 minutes de bus parce qu’il y a trop d’escaliers. Et encore, quand il n’est pas bondé ou en panne. C’est usant." 

Pour Pascal Jacob, président de l’association Handidactique, "il est temps de passer de la dérogation permanente à une transformation réelle". La journée s’est voulue un électrochoc citoyen pour secouer un système qui s’enlise. 

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Le métro parisien, symbole d’un retard flagrant 

Difficile de parler accessibilité sans évoquer le métro parisien. En 2025, il reste l’un des réseaux les moins accessibles d’Europe. Sur 303 stations, seules 75 sont partiellement adaptées. Les lignes historiques, parfois centenaires, n’ont pas été modernisées pour accueillir tous les usagers. 

Une situation d’autant plus frappante que Paris s’apprête à accueillir les Jeux olympiques et paralympiques. Mais les visiteurs en situation de handicap  risquent de vite déchanter : ascenseurs hors service, signalétiques absentes, quais inaccessibles… Le vernis olympique ne suffit pas à masquer les défaillances structurelles. Comme le noteLe Monde, les promesses d’accessibilité pour Paris 2024 "sont mises à rude épreuve par la réalité du terrain". 

Écoles et inclusion : un bilan en demi-teinte 

Côté scolarisation, des efforts ont été faits, notamment avec l’augmentation du nombre d’AESH (Accompagnants d’élèves en situation de handicap). Mais dans la pratique, les moyens manquent encore cruellement. Accompagnement insuffisant, locaux inadaptés, manque de formation des enseignants : le quotidien reste compliqué pour bon nombre de familles. 

L’association Petite Mu dresse un bilan sans appel à l’occasion des 20 ans de la loi : retards d’accompagnement, désorganisation, manque de matériel adapté, ruptures dans la scolarisation… Une réalité qui contraste fortement avec les engagements initiaux. 

Les chiffres récents montrent une augmentation du nombre de personnes en situation de handicap accompagnées par des structures médico-sociales. En 2022, 174 000 enfants et adolescents, ainsi que 321 500 adultes, ont bénéficié de ces services. Pour une analyse détaillée, consultez notre article juste ici! 

Des barrières invisibles partout 

Les difficultés ne s’arrêtent pas aux écoles ou aux transports. L’inaccessibilité est partout : dans la rue, dans les démarches administratives, au travail. Hicham, malvoyant, confie : "Prendre un train ou un rendez-vous médical, c’est chaque fois un parcours du combattant. Il faut tout prévoir, anticiper, appeler, vérifier… Quand on ne vous oublie pas, on vous rend responsable du problème." 

Le monde du travail n’échappe pas à cette réalité. Le taux d’emploi des personnes handicapées dépasse à peine les 38 %, bien loin des chiffres de la population générale. Pourtant, les aménagements sont encadrés, et souvent peu coûteux. Mais ils restent perçus comme une contrainte plutôt qu’un droit. 

Une volonté politique en pointillés 

Les discours politiques se veulent rassurants, mais sur le terrain, peu de choses bougent vraiment. En 2025, le Comité interministériel du handicap a annoncé un plan d’investissement de 400 millions d’euros sur trois ans. Un montant jugé largement insuffisant par les associations, qui estiment les besoins à plus de cinq fois cette somme. 

Autre point noir : l’absence de contrôle. Le Collectif Handicaps pointe l’opacité des données, l’absence de sanctions en cas de non-conformité et le manque d’évaluation. APF France handicap résume la situation : "Notre système est construit sur l’exception. Il est temps de basculer vers une véritable inclusion." 

En parallèle des mobilisations citoyennes, des évolutions législatives suscitent des inquiétudes. Récemment, le Sénat a envisagé de mettre fin au principe d'accessibilité généralisée, instauré par la loi de 2005. Cette perspective pourrait compromettre les avancées obtenues en matière d'inclusion. Pour en savoir plus sur cette proposition, consultez notre article Handicap : le Sénat pourrait mettre fin à l'accessibilité généralisée. 

Dernier coup dur pour le secteur : l’instruction budgétaire pour 2025 prévoit un gel de 241 millions d’euros, touchant directement les crédits destinés aux personnes âgées et aux personnes en situation de handicap. Un choix vivement critiqué par les fédérations du secteur médico-social, qui dénoncent une décision incompréhensible face à l’urgence des besoins. Pour en savoir plus sur ce gel budgétaire jugé « inacceptable », consulte notre analyse complète :  Instruction budgétaire 2025 : un gel inacceptable de 241 millions d'euros. 

Et maintenant ? Agir sans attendre 

La mobilisation du 15 mai peut-elle être un tournant ? C’est ce que souhaitent les associations, qui appellent à un plan massif pour relancer l’accessibilité en France. Des objectifs clairs, un calendrier précis, une enveloppe budgétaire solide, mais surtout un engagement politique fort. 

Des villes montrent l’exemple : rénovation des centres-villes, développement de transports adaptés, formation des agents publics. Mais sans impulsion nationale, ces initiatives resteront des îlots dans un océan de retard. 

Vingt ans après l’adoption de la loi de 2005, l’accessibilité reste trop souvent une illusion. Les engagements pris n’ont pas été tenus, et ce sont encore les personnes handicapées qui doivent se battre pour des droits qui devraient être acquis. 

La manifestation du 15 mai rappelle une évidence : il ne s’agit plus d’attendre ou de réformer à la marge. Il est temps d’agir, concrètement, durablement, et collectivement. Construire une société inclusive n’est pas une faveur qu’on accorde, c’est une obligation que l’on doit honorer. 

Pour toutes celles et ceux qu’on a trop longtemps laissés sur le bord du chemin. 

Podcast à découvrir : Tourisme et handicap : où en est la France en 2025 ? 
Dans cet épisode du podcastServez-vous, nous explorons les défis et les avancées en matière d'accessibilité dans le secteur du tourisme pour les personnes en situation de handicap. L'émission aborde le cadre législatif, les obstacles persistants, ainsi que les initiatives et innovations visant à rendre le tourisme plus inclusif en France.