Des EHPAD publics en déficit chronique
La situation financière des EHPAD publics est désormais critique. Selon la Fédération hospitalière de France (FHF), 85 % des établissements étaient déficitaires en 2023. En Occitanie, ce chiffre atteint même 90 %, avec une perte moyenne par place ayant grimpé de 3 226 euros en 2022 à 3 850 euros en 2023. À l’échelle nationale, la facture globale des déficits s’élève à près de 2 milliards d’euros cumulés depuis 2022.
Cette crise dépasse les tableaux Excel : elle se manifeste dans le quotidien des résidents, dans la surcharge de travail des soignants et dans la baisse globale de la qualité de l'accompagnement. Chaque ligne de déficit est une nuit sans sommeil pour une aide-soignante, un repas moins équilibré pour une résidente, ou un soin retardé faute de personnel.
La baisse de fréquentation des EHPAD aggrave leur situation financière. En Île-de-France, le taux d'occupation moyen est tombé à 85,1 % au premier trimestre 2023, bien en dessous du seuil de rentabilité de 95 %. Cette tendance met en péril la viabilité économique de nombreux établissements.
Un modèle économique à bout de souffle
Les racines du problème sont multiples. L’inflation pèse lourdement sur les charges de fonctionnement, tandis que les revalorisations salariales, pourtant essentielles pour fidéliser le personnel, n’ont pas été compensées par des hausses équivalentes des dotations. Le tarif hébergement reste souvent figé, ne permettant pas d’absorber les surcoûts.
La Cour des comptes, dans un rapport publié fin 2023, a pointé les faiblesses structurelles du secteur : dépendance au financement public, inadéquation entre les besoins et les ressources, et gouvernance parfois rigide. La pandémie de Covid-19, loin d’être un épiphénomène, a agi comme un révélateur brutal de ces fragilités.
En 2023, 66 % de l’ensemble des EHPAD, tous statuts confondus, étaient déficitaires, contre 27 % en 2020. Une tendance qui inquiète jusqu’au Sénat, qui a récemment publié un rapport d’alerte intitulé« Il est urgent d’agir ».
Des réponses politiques timides
Face à la dégradation continue du secteur, les propositions affluent… mais peinent à convaincre. La FHF a demandé une revalorisation de 5 % du forfait soins financé par la Sécurité sociale, ainsi qu’un alignement des forfaits dépendance et hébergement. Une enveloppe de 650 millions d’euros a bien été allouée aux EHPAD en 2024, mais elle apparaît dérisoire face aux besoins exprimés.
Le Sénat a proposé 18 mesures, allant de la création d’une deuxième journée de solidarité à l’instauration d’une assurance dépendance obligatoire. Mais dans les coulisses, certains professionnels dénoncent un manque de courage politique. « On saupoudre là où il faudrait reconstruire », commente une directrice d’EHPAD en Bretagne.
Dans un appel commun, 18 fédérations ont même interpellé le gouvernement pour éponger les déficits des établissements publics, sans quoi, affirment-elles, « c’est tout le modèle du grand âge qui s’effondre ».
Face à la complexité croissante du système, il est essentiel de comprendre les démarches d'admission en EHPAD. Un guide détaillé sur les étapes d'admission peut aider les familles à naviguer dans ce processus souvent opaque. Retrouvez un guide aborde les critères d'admission, le choix de l'établissement, le dépôt du dossier et la préparation à l'admission.
Des établissements qui résistent et innovent
Heureusement, certains établissements refusent de se laisser submerger. À Guingamp, l’EHPAD de Kersalic a repensé entièrement son fonctionnement : espaces de vie ouverts, jardin partagé, présence d’animaux domestiques, soins repensés autour de l’autonomie. Résultat ? Moins de médicaments, plus de rires et une amélioration notable du bien-être des résidents.
D'autres structures expérimentent des approches participatives, comme en Seine-Saint-Denis, où un programme pilote vise à faire des résidents de véritables acteurs de leur lieu de vie. Une recherche-action surl’EHPAD de demainmise sur l’inclusion, la citoyenneté et la co-construction avec les familles, les soignants et les habitants du quartier.
À l’heure où les modèles classiques montrent leurs limites, ces établissements tracent des pistes pour un avenir plus humain et durable.
Certains EHPAD se distinguent par l'obtention de certifications et labels attestant de la qualité de leurs services. Ces distinctions, telles que la certification AFNOR ou le label Qualicert, garantissent un niveau élevé de soins et d'accompagnement pour les résidents.
En conclusion : restaurer le lien entre dignité et vieillesse
La situation des EHPAD publics en France ne peut plus être ignorée. Derrière chaque budget déséquilibré, il y a des parcours de vie, des proches inquiets, et des soignants épuisés. L’urgence n’est pas seulement économique : elle est éthique, sociale, et profondément politique.
Réformer le financement, repenser les modèles d’accompagnement, investir massivement dans le secteur… Ce sont là des conditions minimales pour enrayer une chute annoncée. Et surtout, pour que le mot "vieillir" ne rime pas avec abandon.
Redonner aux EHPAD publics les moyens de leur mission, c’est affirmer un choix de société : celui de respecter nos aînés jusqu’au bout.
Pour aller plus loin : écouter notre podcast
Envie d’explorer des pistes concrètes pour réinventer les EHPAD ? Dans notre épisode de podcast« Changer l’EHPAD de demain et créer une vie de quartier », Antoine Gérard partage l’ambition de Bistrot Bertha, un projet innovant qui transforme les établissements en lieux de vie chaleureux, ouverts sur leur environnement. Une belle illustration de ce que pourrait (et devrait) être l’EHPAD de demain.
⮕ Écouter l’épisode sur Aladom