Depuis l’affaire Orpea, un vent de vigilance souffle sur les établissements pour personnes âgées. Pour répondre aux inquiétudes légitimes des familles et rétablir la confiance dans le secteur du grand âge, les Agences Régionales de Santé (ARS) ont lancé un vaste plan de contrôles dans les EHPAD. Deux ans plus tard, l’heure est au bilan. Et surprise : si tout n’est pas rose, l’hécatombe redoutée n’a pas eu lieu

Des inspections ciblées… et massives 

Entre 2022 et 2024, plus de 5 000 établissements ont été contrôlés dans le cadre d’un plan national piloté par les ARS. Ces inspections, menées en coordination avec les conseils départementaux, ont ciblé à la fois la qualité des soins, la gestion administrative et financière, et les conditions de vie des résidents. 

Certaines régions comme l’Occitanie ou la Nouvelle-Aquitaine ont publié leurs résultats. En PACA, plus de 900 établissements ont été passés au crible. En Meurthe-et-Moselle, sur 83 structures, seules 4 ont fait l’objet d’une procédure d’alerte. 

Le verdict ? Un secteur fragilisé, souvent à bout de souffle, mais globalement loin de la caricature noire véhiculée ces derniers mois.

Peu de cas critiques, mais des fragilités réelles 

Premier enseignement :la majorité des EHPAD remplissent leurs missions sans dérive majeure. Les situations critiques restent l’exception. En revanche, les inspecteurs ont pointé des failles récurrentes : manque d’encadrement médical, difficultés de recrutement, vétusté des locaux, défauts de traçabilité dans les soins… Autant de signaux faibles qui, sans être alarmants individuellement, esquissent une fragilité systémique. 

Et surtout,le facteur humain est au cœur de tous les constats. Ce sont les professionnels — soignants, aides à domicile, directeurs d’établissements — qui, par leur engagement, permettent au système de tenir debout. Malgré des conditions parfois limites, ils assurent une prise en charge digne et bienveillante des résidents. Mais pour combien de temps encore ? 

La crise du recrutement pèse lourd 

L’un des freins majeurs identifiés par les ARS reste lapénurie de personnel qualifié. Dans de nombreux établissements, le nombre de soignants est insuffisant, les arrêts de travail se multiplient, et le recours aux intérimaires devient la norme. Une réalité connue, mais dont les effets concrets sur la qualité d’accompagnement sont désormais documentés. 

Certains EHPAD peinent à respecter les taux d’encadrement recommandés, ce qui pèse sur la sécurité, l’animation, et la capacité à individualiser les soins. Une directrice d’établissement du Lot témoigne :« Notre quotidien est très compliqué. Nous faisons de notre mieux, mais l’équation humaine est de plus en plus difficile à tenir. » 

Vers une nouvelle gouvernance du secteur ? 

Ces bilans ne se contentent pas de pointer les faiblesses : ils ouvrent aussi la voie àune refonte structurelledu modèle. Plusieurs ARS évoquent un nécessaire renforcement de l’accompagnement médico-social, une meilleure coordination entre acteurs, et un pilotage plus resserré sur les indicateurs de qualité. 

Autrement dit,le temps du contrôle ponctuel laisse place à une culture de l’évaluation continue. Avec un enjeu fort : transformer ces diagnostics en leviers d’amélioration concrets. Car ce qui est en jeu, ce n’est pas seulement l’image des EHPAD, maisla dignité d’une génération entière.

L’évolution de la réglementation et des pratiques en EHPAD était au cœur des discussions lors des Assises Nationales des EHPAD 2024, un événement déjà majeur pour l'avenir du secteur.

Et pour les familles, qu’est-ce que ça change ? 

Si vous êtes à la recherche d’un EHPAD pour un proche, vous vous demandez sûrement :"Comment savoir si un établissement est fiable ?" 

Le bon réflexe : consulter les rapports d’inspection (souvent accessibles via les sites des ARS), poser des questions sur les effectifs, observer les interactions entre le personnel et les résidents lors des visites, et ne pas hésiter à solliciter plusieurs avis. 

Bonne nouvelle :ces contrôles renforcés devraient inciter les établissements à plus de transparence, à soigner leur communication… et à se recentrer sur l’essentiel : la qualité de vie des personnes âgées.

Cette dynamique de contrôle reflète un intérêt croissant pour la transparence et la qualité des établissements, comme le montrait notre article sur le top 10 des articles Ehpad les plus consultés sur Aladom en 2023.

Ce que révèle vraiment ce bilan 

Non, tous les EHPAD ne se valent pas. Et non, la situation n’est pas catastrophique partout. Ce que révèle ce bilan national, c’est surtout uneurgence silencieuse: celle d’un système qui tient encore debout grâce à la vocation de ses professionnels, mais qui tangue dangereusement sur ses bases. 

Il faudra plus que des contrôles pour relever le défi du vieillissement démographique : revalorisation des métiers, révision des modèles de financement, intégration des technologies utiles, nouveaux formats d’hébergement... et surtout, un regard plus digne et plus juste porté sur nos aînés.

Pour aller plus loin sur la question du contrôle des EHPAD et de leur bon fonctionnement, découvrez notre article sur qui doit contrôler les EHPAD ?