Une réforme nécessaire pour un système de santé en crise 

La profession d'infirmière est au cœur du système de santé français, jouant un rôle essentiel dans la prise en charge des patients. Pourtant, elle souffre depuis plusieurs années d'un manque de reconnaissance, de conditions de travail dégradées et d'un cadre législatif ne répondant plus aux réalités du terrain. Face à ces enjeux, une proposition de loi visant à moderniser la profession a été adoptée en première lecture à l'Assemblée nationale dans la nuit du 10 & 11 mars 2025. Cette réforme ambitieuse entend redéfinir le rôle des infirmières et infirmiers en leur conférant de nouvelles compétences, notamment en matière de consultation et de prescription. 

Un contexte marqué par des défis majeurs 

Le secteur de la santé en France traverse une crise sans précédent, marquée par des urgences saturées, une pénurie de professionnels et des violences accrues envers le personnel soignant. 

Selon la DREES (Direction de la Recherche, des Études, de l'Évaluation et des Statistiques), la France métropolitaine et dans les DROM, hors Mayotte, comptait en 2021 environ 500 300 infirmiers salariés déclarés en 2021, plus 98 600 en exercicant en libéral.Cependant, en 2022, une étude de l'Ordre National des Infirmiers estime que 30 % des infirmiers souhaitent quitter la profession d'ici cinq ans, principalement en raison de conditions de travail dégradées et d'une surcharge administrative croissante. 

Parallèlement, les actes de violences envers les soignants ont augmenté de 27 % en 2023, selon l'Observatoire annuel de la sécurité des médecins, publié en 2023 par le Conseil national de l’Ordre des médecins, en collaboration avec Ipsos. Face à cette situation critique, une modernisation de la profession infirmière apparaît indispensable. 

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Les principales mesures de la proposition de loi 

La proposition de loi adoptée en mars 2025 introduit plusieurs mesures destinées à valoriser et renforcer le rôle des infirmiers : 

  1. Instauration de la consultation infirmière et reconnaissance du diagnostic infirmier

    L'un des changements majeurs concerne la reconnaissance de la consultation infirmière et du diagnostic infirmier. Cette mesure permettra aux soignants de réaliser des consultations et d'établir des diagnostics spécifiques à leur champ de compétences, renforçant ainsi leur autonomie.

    Selon une estimation du Ministère de la Santé, cette mesure pourrait désamorcer jusqu'à 15 % des consultations médicales classiques, en déléguant certains actes aux infirmiers et en réduisant ainsi la pression sur les médecins.

  2. Droit de prescription pour certains actes

    Les infirmiers pourront également prescrire certains dispositifs médicaux et médicaments selon des protocoles précédemment définis.

    Actuellement, seuls les infirmiers en pratique avancée (IPA) disposent de ce droit. Il représente seulement 2 329 infirmiers diplômés en tant qu'IPA en 2024. L'extension du droit de prescription à une plus large part des infirmiers pourrait accélérer l'accès aux soins pour des millions de patients, notamment en milieu rural.

  3. Extension des compétences des infirmiers en pratique avancée (IPA)

    Le texte facilite l'évolution des infirmiers vers la pratique avancée en leur attribuant de nouvelles responsabilités : le service départemental de protection maternelle et infantile (PMI) coordonné par un médecin, la santé scolaire ("au sein d’une équipe pluriprofessionnelle"), ou encore l’assistance d’un médecin référent dans un service départemental de l’aide sociale à l’enfance ou un établissement d’accueil du jeune enfant.

    Les députés ont ajouté une procédure de reprise d'activité pour les IPA ayant interrompu leur activité pendant une certaine durée (qui sera définie par décret). Le gouvernement devra remettre au Parlement un rapport évaluant la formation des IPA.

  4. Renforcement des soins relationnels

    Un autre aspect clé de la réforme est la reconnaissance des soins relationnels, élément fondamental du bien-être des patients. Cette mesure valorise l'accompagnement psychologique et humain dans la prise en charge. 

Impact et réactions des acteurs sur secteur 

Cette réforme devrait avoir un impact positif sur l'organisation du système de santé en : 

  • Améliorant l'accès aux soins : en permettant aux infirmiers d'assurer certaines consultations et prescriptions, les délais pour voir un professionnel de santé pourraient être réduits.
  • Désencombrant les services médicaux : en allégeant la charge des médecins, ceux-ci pourront se concentrer sur des pathologies plus complexes.
  • Valorisant le métier d'infirmier : en reconnaissant pleinement leur expertise et en leur offrant de nouvelles perspectives d'évolution. Cela pourrait aussi avoir un impact sur le recrutement : Selon le baromètre de l’opérateur de compétence OPCO Santé publié en décembre 2022, plus de 14 652 postes restaient à pourvoir.
L'adoption de cette proposition de loi a été largement saluée par les acteurs du secteur de la santé. L'Ordre National des Infirmiers a exprimé sa satisfaction, soulignant que le texte entérine plusieurs mesures proposées par l'institution pour valoriser la profession et améliorer la prise en charge des patients. La présidente de l'Ordre, Sylvaine Mazière Tauran, a déclaré : "L’adoption hier en première lecture de la proposition de loi sur la profession d’infirmier marque une première étape dans l’évolution de la profession et l’amélioration de la prise en charge des patients. Nous comptons désormais sur les sénateurs pour adopter ce texte rapidement. L’Ordre National des Infirmiers réaffirme sa volonté de voir cette loi s’appliquer pleinement et anticipe déjà les textes réglementaires qu’il souhaite voir entrer en vigueur d’ici le 31 janvier 2026."

Perspectives et prochaines étapes 

Après son adoption en première lecture, la proposition de loi doit être examinée par le Sénat. De nombreux professionnels espèrent une validation rapide et une mise en application effective des mesures prévues. 

La proposition de loi sur la profession infirmière représente une réforme majeure et nécessaire pour adapter le système de santé aux réalités du terrain. En reconnaissant de nouvelles compétences aux infirmiers, en améliorant leurs conditions de travail et en facilitant l'accès aux soins, cette loi pourrait transformer durablement la prise en charge des patients en France. 

Cette modernisation de la profession sera-t-elle suffisante pour pallier la crise du système de santé ? L'avenir nous le dira, mais une chose est sûre : les infirmiers et infirmières sont plus que jamais au cœur de l'évolution de notre modèle sanitaire.