Les principaux motifs d’interruption
Bien que le nombre d'inscrits augmente, la rétention des formations chute. L’étude identifie plusieurs aspects qui expliquent les abandons de parcours en santé, pouvant être réunis en cinq axes principaux :
1. Écart entre idéal et réalité
Les étudiants entament leur formation avec une vision idéalisée du métier, empreinte de vocation et de sens. Ils imaginent un avenir où leur engagement se traduit par la reconnaissance et l’accomplissement personnel. Cependant, dès le début de leur cursus, ils se heurtent à une réalité plus exigeante. Les horaires décalés, la charge de travail intense et les conditions parfois difficiles sur le terrain (notamment lors des stages) viennent déstabiliser leur idéal initial. Cette dissonance entre le rêve et la réalité professionnelle est souvent la première source de découragement et peut entraîner une remise en question profonde de leur choix de carrière.
2. Difficultés d’apprentissage et de méthodes
Un autre aspect crucial réside dans les difficultés pédagogiques. L’enseignement dispensé est souvent jugé trop théorique et éloigné des exigences pratiques du métier. Les étudiants se retrouvent confrontés à un volume important de connaissances à assimiler, parfois perçu comme du « bourrage de crâne ». Des formations certifiantes pourtant indispensables, tel le DEAES. Cette densité d’informations, combinée à des méthodes d’enseignement qui ne tiennent pas suffisamment compte des différences individuelles (notamment en termes de profils et d’expériences antérieures), engendre un sentiment d’inadéquation et de stress. Certains apprenants, notamment ceux en reconversion ou moins à l’aise avec les méthodes académiques, se sentent submergés et perdent confiance en leur capacité à réussir.
3. Expériences de stage déstabilisantes
Les stages représentent un moment charnière dans le parcours de formation. Ils permettent aux étudiants de confronter la théorie à la pratique, mais ils constituent également une phase où la pression est particulièrement intense. Dès les premiers contacts avec le milieu professionnel, les apprenants sont souvent exposés à des exigences de compétences et de responsabilités qui peuvent paraître disproportionnées. Le manque de soutien des tuteurs, les attentes irréalistes et, dans certains cas, des comportements dévalorisants ou humiliants de la part des professionnels en poste accentuent le sentiment d’impuissance et de découragement. Les témoignages recueillis soulignent ainsi que l’expérience de stage, quand elle est négative, est l’un des déclencheurs les plus déterminants de l’interruption de la formation.
4. Manque de soutien social et personnel
Au-delà des aspects académiques et professionnels, l’environnement personnel des étudiants joue un rôle non négligeable. Ceux qui n’ont pas un soutien familial solide ou qui vivent loin de leurs proches ressentent un isolement aggravé par les contraintes de la formation. La difficulté à concilier vie personnelle et engagements scolaires est particulièrement éprouvante pour les étudiants ayant des obligations familiales, notamment pour les parents. Ce manque de soutien affectif et logistique contribue à la fatigue mentale et renforce le sentiment de solitude, souvent cité par ceux qui interrompent leur parcours.
5. Impact des conditions de travail dans les établissements de santé
Enfin, l’étude met en évidence l’influence des conditions de travail réelles sur la motivation des étudiants. Dans les établissements de santé, la surcharge de travail, le manque de personnel et les tensions inhérentes aux environnements de soins (avec des conditions matérielles parfois précaires) impactent directement les apprenants lorsqu’ils sont en stage. Ces facteurs structurels, qui dépassent souvent le cadre de la formation elle-même, participent à la dévalorisation de l’expérience professionnelle et peuvent inciter les étudiants à renoncer à leur cursus.
Recommandations pour prévenir les interruptions de parcours
Face à ces constats, l’étude propose plusieurs recommandations visant à améliorer le suivi des étudiants et à réduire le taux d’interruption :
1. Renforcer le tutorat et l’accompagnement en stage
L’un des leviers les plus efficaces identifié par l’étude est le renforcement du tutorat. Former des tuteurs bienveillants et expérimentés qui accompagnent les stagiaires de manière personnalisée peut grandement contribuer à atténuer le stress et la pression ressentis lors des stages. Un encadrement attentif permettrait non seulement d’améliorer l’apprentissage des gestes pratiques, mais également de soutenir moralement les étudiants confrontés aux difficultés du terrain.
2. Valoriser les expériences positives en milieu de stage
Créer un environnement de stage respectueux et valorisant est essentiel pour fidéliser les futurs professionnels. Dans des structures comme les EHPAD ou autres établissements de soins, instaurer une culture de reconnaissance et d’entraide peut transformer une expérience potentiellement négative en une opportunité d’apprentissage et de développement personnel.
3. Réaménager les conditions de formation
Il est nécessaire de repenser l’organisation des cursus pour rendre l’apprentissage plus progressif et adapté aux besoins de chacun. La mise en place d’horaires plus flexibles, ainsi que des dispositifs spécifiques pour accompagner les étudiants avec des obligations familiales, contribuerait à réduire la charge mentale et à améliorer l’équilibre entre vie personnelle et formation.
4. Sensibiliser les futurs étudiants à la réalité du métier
Une préparation réaliste avant l’entrée en formation pourrait aider à ajuster les attentes des étudiants. Des programmes de sensibilisation, incluant des témoignages de professionnels et des visites sur le terrain, permettraient de mieux informer les futurs apprenants sur la réalité du métier et de réduire le choc entre l’idéal et la réalité.
5. Valoriser et encourager la motivation
La vocation de servir autrui demeure le moteur principal de nombreux étudiants. Il est donc important de mettre en place des actions visant à renforcer cette motivation intrinsèque. Des dispositifs de reconnaissance, des retours positifs et des moments de partage entre pairs peuvent contribuer à maintenir l’engagement des apprenants, même face aux difficultés, afin de les aider à s'investir pleinement dans leur futur métier.
En résumé...
L’étude, menée par le Gérontopôle des Pays de la Loire, offre une vision globale et nuancée des raisons pour lesquelles de nombreux étudiants interrompent leur parcours dans les formations en santé. Il apparaît clairement que cette interruption résulte d’un ensemble de facteurs interdépendants : la déception face à la réalité du métier, les difficultés pédagogiques, les expériences de stage parfois traumatisantes, l’isolement social et les conditions de travail souvent éprouvantes sur le terrain.
Pour répondre à ces défis, il est impératif d’agir à plusieurs niveaux. Renforcer le tutorat, adapter les modalités d’enseignement et de stage, offrir un soutien spécifique aux étudiants en difficulté et sensibiliser les futurs professionnels aux réalités du métier sont autant de pistes qui pourraient contribuer à réduire le taux d’interruption. En investissant dans ces leviers, non seulement on améliore la qualité de la formation, mais on assure également un avenir plus serein et prometteur pour le secteur de la santé.
Ce rapport souligne ainsi la nécessité d’une prise de conscience collective et d’un engagement coordonné entre les acteurs de la formation, les établissements de santé et les pouvoirs publics. L’enjeu est majeur : il s’agit de préparer une génération de professionnels capables de répondre aux défis actuels et futurs du système de santé, tout en préservant leur bien-être et leur motivation à exercer ce métier passionnant.
Source : Gérontopôle des Pays de la Loire, étude complète