L'essor des salariés seniors dans le secteur de l'aide à domicile

Le vieillissement de la population française est un défi de taille pour l’ensemble du système socio-économique. Avec l’allongement de l’espérance de vie et la baisse du taux de natalité, la population active diminue progressivement, tandis que la part des seniors augmente. Cette dynamique oblige les pouvoirs publics à repenser les politiques d’emploi et à "encourager" le maintien en activité des plus âgés.

Mais aussi, dans un entretien accordé à la Fepem (Fédération des Particuliers Employeurs de France) Michaël Christophe, délégué aux affaires publiques de la Fepem, souligne que la majorité des Français en activité devront travailler plus longtemps dans les années à venir. Cela s'explique principalement par l'allongement de la durée de cotisation imposée par les réformes précédentes, ce qui augmente automatiquement le taux d'emploi des seniors en France. Dans le même temps, l'âge de début de carrière continue de reculer, ce qui conduit mathématiquement à un âge de départ à la retraite plus tardif. De plus, le passage à la retraite entraîne souvent une diminution des revenus. Les travailleurs qui n'ont pas cotisé tous leurs trimestres sont alors confrontés à un choix difficile : partir plus tôt avec une pension réduite ou prolonger leur activité quelques mois, voire quelques années, pour maintenir leur niveau de vie.

Ainsi, de plus en plus de seniors choisissent de reprendre une activité à temps partiel après avoir liquidé leurs droits, afin de cumuler un revenu d'activité avec leur pension de retraite. Environ 500 000 retraités adoptent déjà cette démarche, dont près d’un quart sont employés au domicile de particuliers.

Le Baromètre de l'emploi à domicile indique qu’en France, la proportion des actifs âgés de 55 ans ou plus a doublé entre 1990 et 2021, passant de 9% à 18%. Parallèlement, le taux d’emploi des 55-64 ans a considérablement augmenté depuis les années 2000, en réponse aux diverses réformes des régimes de retraite. Ce taux varie cependant avec l'âge : en 2021, il atteint 75% chez les 55-59 ans, mais chute à 36% pour les 60-64 ans. Au-delà, dans la tranche des 65-69 ans, seulement 9% des individus sont encore en emploi, les deux tiers étant déjà à la retraite à 63 ans.

L’étude souligne que le taux d’emploi des seniors varie également selon les secteurs d’activité et les métiers. Les métiers de l’emploi à domicile font partie du top 10 de ceux qui concentrent la plus grande part de seniors, aux côtés des dirigeants d’entreprises, des agriculteurs ou encore des médecins. Ainsi, 36% des salariés des particuliers employeurs sont âgés de 55 ans ou plus, alors que les seniors ne représentent que 16% de la population salariée. En outre, les métiers de l’emploi à domicile figurent parmi ceux dans lesquels le poids des seniors progresse le plus. Le poids des salariés âgés de 55 ans et plus est particulièrement élevé parmi les assistants de vie (46%) alors qu’il est plus faible parmi les gardes d’enfants à domicile (20%), les assistants maternels (32%) et les employés familiaux (30%).

Le nombre élevé de salariés seniors dans le secteur de l’emploi à domicile s’explique principalement par le fait que l’exercice de cette activité dans ce secteur se déroule fréquemment en deuxième partie de carrière, avec un âge moyen d’entrée dans la profession plus élevé que dans la plupart des autres secteurs d’activité (38 ans pour les salariés à domicile hors assistants maternels et 34 ans pour les assistants maternels ).

Le délégué aux affaires publiques de la Fepem, Michaël Christophe analyse : "Notre secteur est souvent un secteur d’activité de complément. Les salariés commencent dans ce domaine, continuent ailleurs, ou à l’inverse se reconvertissent en fin de carrière dans ces métiers. Souvent, ce n’est pas leur seule activité. C’est pourquoi nous préférons parler de "cumul activité-retraite”. Il s’agit souvent de personnes qui ont besoin de compléter leur pension. Mais ce sont aussi des métiers où le lien humain est très important : les employeurs insistent souvent pour retenir la personne qui garde leurs enfants ou leurs parents.” 

Le Baromètre souligne dans son étude que 2 types de dispositifs permettent aux retraités français de cumuler leur pension de retraite avec une activité professionnelle. Ces mécanismes, instaurés par les pouvoirs publics, visent à répondre à plusieurs besoins : pallier une baisse de pouvoir d'achat, notamment pour les petites retraites ou pour maintenir un niveau de vie après la retraite ; apporter un soutien financier à ses proches, souvent à ses enfants ou petits-enfants ; et enfin, rompre l'isolement en conservant un lien social et intellectuel avec le monde du travail. Les principaux dispositifs qui permettent cela sont :

1. La retraite progressive qui permet de réduire son activité professionnelle tout en percevant une partie de la retraite. Seule une minorité y a recourt (près de 24 000 personnes en 2020).

2. Le cumul emploi-retraite qui a été instauré pour encourager les seniors à rester actifs. Il permet aux retraités de cumuler les revenus issus de leur pension avec ceux d’une activité professionnelle. Pour beaucoup de seniors, cela représente une opportunité de pallier une pension de retraite insuffisante et de conserver un niveau de vie correct. Ce mécanisme a également l’avantage de réduire la pression sur le système de retraites en permettant aux seniors de prolonger leur activité.  Dans le secteur des particuliers employeurs, ce dispositif est particulièrement prisé, car il offre une grande flexibilité en matière d'organisation du travail.

Selon les données du Baromètre de l’emploi à domicile, le cumul emploi-retraite est actuellement le dispositif le plus couramment utilisé par les retraités. Près de 495 000 personnes âgées de 55 ans ou plus déclarent exercer une activité professionnelle tout en percevant leur pension de retraite. Cependant, il reste relativement marginal puisqu'il concerne seulement 3% des retraités de cette tranche d'âge. Malgré cela, ce mécanisme connaît une croissance importante en France, tout comme dans de nombreux autres pays européens. L’absence d’ouverture de nouveaux droits à la retraite grâce aux cotisations versées dans le cadre de la reprise d'activité est avancée comme étant un frein majeur au développement de ce dispositif. 

L’emploi des seniors dans le secteur des particuliers employeurs est une tendance qui devrait continuer à croître. Avec un besoin croissant de services à la personne, il est probable que de plus en plus de retraités soient tentés de prolonger leur activité dans ce domaine. Pour répondre à cette demande, les pouvoirs publics et les acteurs du secteur devront très certainement continuer à mettre en place des dispositifs adaptés, notamment en matière de formation et d’accompagnement.

Il est clair que, dans les années à venir, l’emploi des seniors jouera un rôle central en France. Pour les seniors, eux-mêmes travailler au domicile d’un particulier employeur est souvent une opportunité de rester actifs, de maintenir des liens sociaux et pour un certain nombre, de s’assurer une sécurité financière complémentaire. À l’heure où les défis liés au vieillissement se font de plus en plus pressants, les initiatives pour favoriser l’insertion des seniors sur le marché du travail méritent-elles vraiment d’être renforcées ? Car après tout, les seniors n'ont-ils pas le droit de se reposer et vivre une retraite paisible ? 

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