L'ascension du groupe Réside Etudes 

Réside Etudes est le leader des résidences étudiantes en France, hébergeant près de 26 000 étudiants, et occupant la deuxième place dans le secteur des résidences seniors, avec environ 32 000 lots. Le groupe s’est d'abord lancé en 1989 dans le développement des résidences étudiantes avant de diversifier ses activités dans l’hôtellerie d’affaires et, il y a une quinzaine d’années, dans le secteur des résidences seniors. Réside Etudes construit et commercialise des projets immobiliers, à la fois auprès de particuliers et d’investisseurs institutionnels, tout en assurant la gestion des résidences dotées de services.

Pendant longtemps, les profits générés par les résidences étudiantes et hôtelières compensaient les pertes du secteur des résidences seniors, qui met plus de temps à devenir rentable. Philippe Nicolet, président et actionnaire majoritaire à 75%, a déclaré au Monde que : "Le secteur de l’hébergement de nos aînés demande du temps pour être rentable." La crise sanitaire de 2020 a par ailleurs exacerbé les difficultés financières du groupe, le contraignant à souscrire d'importants emprunts, notamment des Prêts Garantis par l’Etat (PGE), ce qui a lourdement impacté la santé financière de Réside Etudes​.




Décembre 2023 : entrée en procédure de sauvegarde de plusieurs entités du groupe Réside Etudes

Placée sous procédure de sauvegarde, la société Réside Etudes peine à se remettre de l’impact de la crise sanitaire liée au Covid-19, qui a provoqué une chute de 40% de l'activité dans sa branche seniors. Avec un chiffre d'affaires de 500 millions d'euros et une dette s'élevant à 400 millions d'euros, le groupe est contraint de réagir rapidement. Il doit envisager des cessions d’actifs significatives et renégocier son plan de financement afin d’éviter une dégradation plus grave de sa situation financière. Faute de trouver des solutions adéquates, l’entreprise pourrait se voir contrainte de se vendre au plus offrant, sans garantie de préserver son intégrité structurelle​.

Le 5 décembre 2023, le groupe Réside Etudes a annoncé dans un communiqué de presse les faits suivants : à compter du 4 décembre 2023, le Tribunal de Commerce de Paris a placé sous le bénéfice de la sauvegarde les neuf entités du groupe Réside Etudes à savoir : Reside Etudes Investissement, Reside Etudes Exploitation, Reside Etudes Gestion, l’YSER, Résidences Services Gestion, Reside Etudes Apparthotel, Réside Etudes Seniors, RE Franchise Chessy et Relais SPA Val d’Europe.

En guise d’explications, il est indiqué que : "La tension sur les marchés a conduit les investisseurs financiers à resserrer les conditions de maturité, de taux et de renouvellement des opérations en cours, ce qui était susceptible de mettre en péril le groupe à brève échéance."

La procédure de sauvegarde s'adresse aux entreprises rencontrant des difficultés financières qu'elles ne parviennent pas à surmonter, sans pour autant être en cessation de paiements. Elle a pour objectif de permettre à l'entreprise de continuer son activité, de préserver les emplois et d'organiser le règlement de ses dettes. Si une conciliation a échoué, une procédure de sauvegarde accélérée peut être mise en place pour accélérer la restructuration de l'entreprise et maximiser ses chances de redressement. Cette procédure permet de protéger temporairement l'entreprise contre ses créanciers, tout en cherchant des solutions pour la pérenniser.

Le tribunal ouvre la procédure de sauvegarde après avoir entendu le représentant légal de l'entreprise et les représentants du Comité social et économique (CSE), si la demande d’ouverture est jugée justifiée. Une fois le jugement d'ouverture prononcé, il produit plusieurs effets : il enclenche une période d'observation, durant laquelle l’entreprise poursuit son activité, et désigne les organes de la procédure (administrateur judiciaire, mandataire judiciaire, etc.). Cette période d'observation a pour objectif de réaliser un bilan complet de la situation économique et sociale de l'entreprise. Sa durée est fixée à 12 mois maximum, avec une période initiale de 6 mois, renouvelable une fois pour une durée supplémentaire de 6 mois à la demande de l'administrateur judiciaire, de l'entreprise en difficulté ou du ministère public.

L’objectif de la période d’observation est de parvenir à l'élaboration d’un plan de sauvegarde, sous la supervision du tribunal et généralement avec l'appui d'un administrateur judiciaire. Ce dernier est un mandataire désigné par le tribunal pour administrer les biens de l’entreprise ou assister ses dirigeants dans leur gestion. Il peut intervenir dans les procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire, et de liquidation judiciaire. Sa mission consiste à évaluer la situation de l’entreprise, analyser ses actifs et passifs, et rechercher des solutions viables pour redresser la situation. Durant cette période, les dettes de l’entreprise sont gelées, empêchant ainsi les créanciers de lancer des procédures d’exécution à son encontre.

En cas d’échec de la sauvegarde, l’entreprise peut être contrainte de basculer vers une procédure de redressement judiciaire ou, si les efforts échouent, vers une liquidation judiciaire. Dans le cas de Réside Études, l'échec du plan de sauvegarde a abouti en 2024 à l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire, une mesure prise après que l’état financier du groupe se soit avéré plus critique que prévu.



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Juin 2024 : le groupe placé en redressement judiciaire

Le passage en redressement judiciaire au mois de juin de la branche de résidences séniors du groupe (qui gère aussi des établissements étudiants et hôteliers), marque une étape critique pour l’entreprise. En effet, les administrateurs judiciaires du groupe Réside Etudes ont recommandé une conversion en liquidation car ils estiment que le redressement de l’activité est compromis.

Cependant, cette vision est fortement contestée par le groupe lui-même. Laurent Cotret, associé au cabinet d’avocats August Debouzy, qui conseille Réside Etudes, s’insurge auprès du Monde : “Nous jugeons cette demande brutale et très prématurée et comptons démontrer au tribunal qu’elle n’est pas, en l’état, justifiée.”

En parallèle, un climat d’anxiété s'est installé. Par exemple, des groupes Facebook se sont créés pour aider et regrouper les propriétaires lésés (à l’image du groupe public Exploitants voyous, Ne signez pas !!!). Pour Le Monde, Jean-Paul Vaysset, directeur d’une résidence La Girandière près d’Orléans et élu au CSE, témoigne : “C’est très stressant. Les familles nous tombent sur le dos, les salariés nous pressent. Si la liquidation est prononcée, on parle de 600 à 800 licenciements.”

Les répercussions concrètes ne se sont pas fait attendre : l’ouverture des nouvelles résidences, qui pour certaines étaient imminentes, a été totalement et irrémiablement stoppée, assure Le Monde. Selon le site en ligne d’investigation économique L’Informé, cela concernerait les sites de Bordeaux, Saint-Mandé, Cholet, Alfortville, Châlons-en-Champagne, Chelles (2 résidences), Chartres, Aubergenville, Nice et Saint-Nom-la-Bretèche. Le site de Plérin (dans les Côtes-d'Armor) est également concerné. En effet, 15 locataires attendaient de rejoindre une nouvelle résidence le 1er octobre, mais ils ont appris qu'elle n'ouvrirait finalement pas. Jean-Paul Vaysset souligne que le groupe a interpellé le Comité Interministériel de Restructuration Industrielle (CIRI) pour alerter les autorités : "Nous hébergeons des personnes en perte d’autonomie.” Enfin, la situation suscite beaucoup d'inquiétude chez les 5000 épargnants ayant investi dans des appartements des résidences "La Girandière” ou "Palazzo”, qui voient la valeur de leur placement chuter dramatiquement​.



Juillet 2024 : en quête de repreneurs 

L’été dernier, les administrateurs judiciaires ont lancé un appel d’offres afin de trouver un repreneur pour l’activité senior du groupe Réside Etudes. Si début septembre, le spécialiste de la transformation urbaine Altarea a déposé une offre de rachat (à hauteur de 500 000€ pour 72 résidences), son objectif étant de reprendre l'ensemble des résidences seniors, il l’a retirée assez vite.

Actuellement, des discussions sont en cours avec trois opérateurs qui ont formulé des propositions de reprises partielles concernant une trentaine de sites au total. "Les repreneurs potentiels demandent que les loyers soient réduits, ce qui implique l’accord de quasiment 100% des copropriétaires et cela prend du temps.”, explique au Monde, Bertrand de Campredon, associé du cabinet Goethe Avocats. Il ajoute : "Nous représentons un quart des bailleurs de RES et, pourtant, nous avons été peu consultés. Ce qui m’a surpris, cela ne se passe pas comme ça d'habitude dans ce genre de procédure.” Il conclut en soulignant qu'un appel d'offres lancé en plein cœur de l'été, sans un véritable travail de préparation pour négocier avec les bailleurs et obtenir leur accord, est peu susceptible de réussir.

Philippe Nicolet souligne la nécessité de trouver une solution à long terme dans des délais raisonnables, rappelant que les résidences seniors ne se résument pas à une simple équation financière, mais constituent des espaces de vie essentiels pour les personnes âgées autonomes. “Le sujet est complexe et beaucoup d’acteurs ne se sont pas intéressés ou se sont retirés de l’appel d’offres par manque de temps ou par méconnaissance des spécificités de nos résidences seniors. Il faut éviter de se précipiter.” indique t-il au Monde. Enfin, pour renforcer la solidité financière du groupe et rassurer sur sa capacité à partager le pouvoir, le fondateur propose d'ouvrir le capital de l'ensemble du Groupe Réside Etudes à un seul partenaire. Justement, Groupama Rhône-Alpes Auvergne a exprimé son intérêt en proposant un schéma alternatif, selon le site en ligne L’Informé. 



Octobre 2024 : un tournant décisif

Le tribunal de commerce de Paris se prononcera le 7 octobre sur le sort des 72 résidences séniors en redressement judiciaire. La juridiction décidera d’une liquidation totale ou d’éventuelles reprises de tout ou partie du parc. Dans l’attente de ce jugement, le groupe vient de signifier à ses résidences séniors l’arrêt de toute commercialisation (autrement dit l’impossibilité de faire entrer de nouveaux locataires), nous apprend l’Informé.

Quelle que soit la décision des juges, une grande partie des résidences risque de se retrouver en situation critique. Cette débâcle laisse craindre une désorganisation majeure à tous les niveaux. Ainsi, pour les 5000 personnes âgées vivant dans ces résidences seniors, cette situation est source d’inquiétude. Elles dépendent de ces structures pour bénéficier de services essentiels, comme la restauration, l’accompagnement médicalisé ou encore l’aide à domicile. La défaillance de l’entreprise pourrait mettre en péril la qualité et la continuité de ces prestations. 

Les 1300 salariés des 72 sites du groupe Réside Etudes Seniors sont également dans une situation délicate. Des suppressions de postes ou des modifications dans leurs conditions de travail sont à prévoir. Enfin, 5000 épargnants particuliers ayant investi dans les résidences commencent à s’organiser pour trouver des solutions.

Mise à jour le 9/10/2024. Découvrez la décision du tribunal de commerce de Paris rendue le lundi 7 Octobre ici