Des arrêts de travail injustifiés en hausse

Selon Bruno Le Maire, le ministre démissionnaire de l’Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, les indemnités journalières ont connu une hausse de 5 milliards d'euros au cours des dix dernières années. Bien que les dépenses aient été contenues en 2023, elles ont de nouveau augmenté au premier semestre de 2024. Thomas Fatôme, directeur de la Cnam (Caisse nationale de l'Assurance maladie), a expliqué sur France Info, ce mardi 10 septembre, que la hausse des dépenses de santé étaient "multifactorielles", mais qu'il voulait aussi s'attaquer à la fraude.

"Nous avons convoqué 270 000 assurés en 2023, en nous basant sur des critères spécifiques de ciblage.”, a déclaré Thomas Fatôme. Il a aussi précisé que les arrêts de travail étaient examinés pour leur récurrence, l’absence de consommation de soins pendant l'arrêt ou encore la suspicion d’abus. Selon ses propos, environ 30% des arrêts contrôlés se sont révélés injustifiés. Cela comprend des arrêts jugés trop longs par rapport à la pathologie, des cas de fraude, des prescriptions délivrées sans motif médical valide ou encore des comportements abusifs de certains médecins.

Toutefois, Thomas Fatôme a souligné qu’"il ne s’agissait pas de jeter l'anathème ni sur les médecins, ni sur les assurés, ni sur les entreprises, mais de préserver notre système d'assurance maladie.” Les chiffres ne sauraient mentir : entre 2015 et 2023, les dépenses d'indemnités journalières sont passées de 10.4 à 15.8 milliards d'euros, hors dépenses liées au Covid-19.

Précisément, la nouvelle convention médicale, signée en juin dernier entre les syndicats et l’Assurance maladie, vise à réduire de 2% par an le volume des arrêts de travail, ce qui générerait 300 millions d’euros d’économies, a précisé Thomas Fatôme. Pour atteindre cet objectif, l’intensification des contrôles est une des pistes privilégiées. L’an dernier, ces contrôles ont permis de récupérer 40 millions d’euros en réintégrant au travail des dizaines de milliers de personnes. 


Des médecins généralistes plus surveillés

En outre, la Cnam prévoit de se rapprocher d'ici la fin de l'année de "7 000 médecins généralistes pour discuter de leur prescription". Cette initiative n'a cependant pas été bien reçue par le syndicat MG France (Fédération française des médecins généralistes), qui a exprimé son mécontentement face à cette démarche : "À force de taper sur les médecins et de taper sur les patients, avec des jours de carence, avec des contrôles, etc. Ils n'arrivent pas à maîtriser cette augmentation, c'est donc qu'elle a d'autres causes.", indique à France info Jean-Christophe Nogrette, président du syndicat de médecins généraliste MG France en Haute-Vienne. Par ailleurs, il explique la hausse des arrêts maladie cette année par l'augmentation des maladies chroniques, due au vieillissement de la population et à l’âge avancé des travailleurs salariés. Le docteur Jean-Christophe Nogrette précise : "Il y a des tricheurs partout, parmi nos collègues, parmi nos patients, mais c'est extrêmement marginal." Selon lui, tous les arrêts maladie délivrés sont “justifiés”, et les arrêts de complaisance représentent une infime part du total, qu’il qualifie comme étant "l'épaisseur du trait”.

Ça ne passe pas non plus pour Jérôme Marty, président de l’Union Française des Médecins Libéraux (UFML) : "Je rappelle que les médecins ne prescrivent pas d’arrêt de travail mais des avis d’arrêt de travail. L’avis d’arrêt de travail passe par l’assurance maladie qui l’autorise ou ne l’autorise pas. Donc que l'assurance maladie fasse le job et qu'elle regarde", explique-t-il à Europe 1.

Mais encore, quid des arrêts de travail dans les services à la personne (SAP) ? En effet, les arrêts maladie sont relativement fréquents dans le secteur des services à la personne en raison de plusieurs facteurs connus de tous. Les conditions de travail y sont souvent exigeantes, avec des tâches physiquement éprouvantes telles que le port de charges lourdes et de longues heures debout, ce qui entraîne fréquemment des problèmes de santé, notamment des troubles musculosquelettiques. De plus, le stress émotionnel et la responsabilité de s'occuper de personnes vulnérables peuvent favoriser l'épuisement et la fatigue, augmentant ainsi les risques d'arrêts maladie. Le manque de ressources, la pression due à des effectifs réduits et des rémunérations faibles aggravent également la situation, ce qui augmente la fatigue des employés. Par ailleurs, les conditions de travail précaires, souvent à temps partiel, limitent l'accès aux soins de santé préventifs, ce qui contribue à une fréquence accrue des arrêts maladie dans ce secteur.

Vous êtes recruteur dans le SAP ? Vous êtes confronté à l'absence d'un salarié en arrêt maladie ? Vous recherchez un employé à domicile pour des services de ménage, de garde d'enfants ou encore d'assistance à une personne âgée ? Aladom vous offre la possibilité de publier une offre d'emploi et de recevoir rapidement des candidatures.
 
 
Besoin d'aide à domicile ?

Des entreprises aidées

Thomas Fatôme a indiqué sur France info que : "Les 60% de hausse des dépenses est due à un facteur économique et démographique. Après, on a 40% où on ne sait pas expliquer." Selon lui, certaines entreprises affichent un "absentéisme atypique" avec de nombreux arrêts de travail, accidents du travail et maladies professionnelles. D'ici la fin de l'année, la Cnam se rapprochera de "près de 1000 entreprises de plus de 200 salariés" confrontées à un absentéisme significatif parmi leurs employés. "L'objectif est d'accompagner ces entreprises pour examiner comment on pourrait éventuellement ajuster l'organisation du travail afin de réduire les arrêts.”, a-t-il spécifié.

Pour le directeur de la Cnam, il y a également des questions d'équité à considérer. Il se demande : "Pourquoi les salariés des grandes entreprises bénéficient-ils souvent d'une couverture pour les trois premiers jours de carence, alors que ceux des petites entreprises le sont beaucoup moins ?" Il invite les partenaires sociaux à "se réunir pour discuter de tous les sujets". En ce mercredi 11 septembre, la Caisse nationale d’assurance maladie se réunit avec les syndicats de médecins pour lancer la nouvelle convention médicale signée en juin dernier.