Des chiffres qui divergent
La plateforme France Travail (anciennement Pôle Emploi) se trouve au centre d'une controverse après la publication d'une étude par la CGT Chômeurs. Il convient de noter qu'il s'agit de la 17ème étude portant sur les offres diffusées par France Travail.
Le syndicat dénonce que plus de la moitié des offres d'emploi publiées sur le site seraient illégales. En effet, 55% des annonces ne respecteraient pas les normes légales en vigueur, une situation jugée “extrêmement préoccupante” par Pierre Garnodier, secrétaire général du Comité National des Travailleurs Privés d'Emploi et Précaires (CNTPEP) CGT.
Pourtant,
une étude publiée par France Travail en janvier dernier pointait un chiffre de 7% pour les offres d'emploi non conformes au cadre légal publiées sur sa plateforme sur un échantillon de 5000 offres étudiées. La légalité des offres d’emploi diffusées sur son site étant “une priorité”, indique la direction générale à
Capital, le lundi 2 septembre.
Pourquoi une telle divergence entre les deux études ? La différence réside dans le champ méthodologique. La CGT Chômeurs a examiné l'ensemble des offres d'emploi publiées pour des recrutements dans 3 secteurs d’activités spécifiques (la santé, les services à la personne, l’industrie) et dans 12 villes (Brest, Toulouse, Rennes, Caen, Bordeaux, Angers, Rouen, Cherbourg, Le Havre, Poitiers, Tours, Saint-Dié-des-Vosges), soit un total de 1 844 annonces. De son côté, France Travail a analysé 5 000 offres d'emploi. "Le panel est réalisé sur la base d’un échantillon représentatif des offres publiées dans la France entière, tout secteur d’activité, avec tirage au sort aléatoire.", précise la direction générale de l'opérateur public pour l'emploi. Elle souligne également que sa méthodologie a été auditée par un cabinet indépendant.
Dans son communiqué de presse, la CGT Chômeur parle de farce : “quand on sait que 80% des offres diffusées sur le site de France Travail proviennent de sites partenaires, des agrégateurs d’offres. Ce sont ces offres-là qui sont majoritairement inexistantes car déjà pourvues, revenant à de multiples reprises - jusqu’à 9 fois pour certaines mais sous des références différentes -, ou absurde comme cette annonce recherchant un professeur pour faire du ménage… En sous-analysant les offres partenaires par rapport à leur pourcentage réel, France Travail fait donc mécaniquement baisser le nombre d’offres illégales, toutes catégories confondues.”
La direction générale de France Travail conteste ces données, affirmant à Capital : "Nous réfutons ces propos erronés. En 2023, 12 millions d’offres d’emploi ont été diffusées, dont un tiers confiées directement par les entreprises via un conseiller ou sur notre site, et deux tiers provenant de partenaires." Elle ajoute : “L’étude de la CGT révèle des amalgames entre la qualité d’une offre et sa légalité : par exemple, en dénonçant la publication d’une même offre sur plusieurs canaux, ce qui n’est pas illégal, en regrettant l’absence de planning hebdomadaire dans la description du poste ou en appréciant la légitimité de critères de recrutement par ailleurs légaux.”. Cependant, l’organisation syndicale affirme qu’elle s’en tient strictement aux critères légaux pour déterminer si une offre d’emploi est conforme ou non.
A noter : partenaire depuis quelques années de France Travail,
Aladom remonte systématiquement aux entreprises qui recrutent le motif de rejet d'une offre d'emploi par France Travail (doublon, caractère discriminant...).
Quels sont les critères d’une offre illégale ?
Comme l'explique France Travail dans un guide destiné aux entreprises, pour respecter le cadre légal, une offre d’emploi ne doit pas contenir de mentions discriminatoires liées à l’origine, au sexe, à l’âge, au handicap ou à l’état de santé, à la situation familiale, ou à la nationalité. Elle doit également être rédigée en français si le poste est basé en France, être datée, et inclure le nom de l’employeur. De plus, “il est interdit de faire figurer sur une offre d’emploi une allégation fausse ou susceptible d’induire en erreur le candidat en ce qui concerne l’existence, l’origine, la nature et la description de l’emploi offert, la rémunération, les avantages annexes proposés et le lieu de travail.”, précise France Travail.
Pierre Garnodier, le Secrétaire général du CNTPEP CGT, souligne à
l’Humanité que le Code du travail stipule que : “Toutes les offres doivent être le strict reflet du contrat de travail qui sera signé et ne pas comporter de mention susceptible d’induire en erreur.". Or, selon lui, ce n’est absolument pas le cas de la majorité des offres publiées sur le site France Travail. On peut par exemple évoquer la promesse d'un CDD débouchant sur un CDI qui "ne correspond pas à la réalité du contrat signé". Dans un autre registre, il y a également des offres “bidons” qui n'existent pas et qui n'ont pas été retirées de France Travail. "Et enfin il y a des offres frauduleuses. Ce sont des annonces déposées par des entreprises privées avec pour objectif que les précaires postulent.", explique Pierre Garnodier. Selon lui, il s'agirait d'entreprises de travail temporaire qui annoncent des contrats pouvant aller jusqu'à 18 mois, mais qui, en réalité, n'offrent finalement qu'un poste de quelques jours.
Pour les chercheurs d'emploi, postuler à des offres illégales expose à des risques, notamment l'exploitation et la précarité. De plus, cette situation contribue à un
climat de méfiance et de désillusion vis-à-vis du marché de l'emploi en ligne, déjà fragilisé par la multiplication des arnaques et des faux profils. "Nous avons eu des témoignages de privés d’emploi qui nous expliquent que ça fait des mois qu’elles postulent à des offres sur le site de France Travail, mais que les employeurs ne répondent jamais. Qu’est-ce que je peux faire ?, nous demande-t-on.” se désole Pierre Garnodier auprès de L’Humanité. Et, il poursuit : "On sait qu’il y a plus de dépressions et de tentatives de suicides chez les personnes privées d’emploi. Ces offres illégales contribuent fortement à accentuer ces sentiments.”

Une étude indépendante : une demande pressante pour une évaluation fiable
Pour remédier à cette situation, Pierre Garnodier demande qu'une étude indépendante soit menée par la Direction Générale de la Consommation, de la Concurrence et de la Répression des Fraudes (DGCCRF). "Notre but n'est pas de critiquer France Travail ni de demander sa privatisation. Au contraire, nous voulons défendre le service public." affirme-t-il à l’Humanité, tout en demandant d'enlever "le droit aux partenaires privés de France Travail de poster autant d'offres mensongères sur leur site".
"Pour l’instant, nous avons l’impression qu’il n’y a pas de volonté de la DGCCRF ou même du gouvernement de mettre fin à ce phénomène des offres bidons.”, se désole Pierre Garnodier. “Et c’est un problème parce que nous avons énormément de précaires qui sont victimes de ces fausses annonces". Dans
son communiqué de presse, le CNTPEP CGT souligne le fait que : "Les demandeurs d’emploi ne sont pas des "clients", ils sont là pour un service et ne peuvent perdre de temps à éplucher des offres ne menant à rien, car leur but est de retrouver un emploi, pour subvenir à leurs besoins… Il est donc primordial de ne pas les "balader" en vain, car cela constitue un manque de considération et conduit dans bien des situations à un découragement, à une dépréciation de soi-même, à la dépression."
Et enfin, le syndicat conclut en soulignant "la nécessité impérieuse de doter le service public de l’emploi de moyens humains suffisant et arrêter le processus de privatisation en cours qui fait du chômage un business de 1.6 milliard d’euros !".
Les clés pour éviter les annonces d’emploi illégales
Pour réduire les risques de tomber sur des offres d'emploi illégales ou mensongères, Pierre Garnodier, le responsable syndical, recommande aux demandeurs d'emploi de décocher l'option affichant les annonces provenant des sites partenaires sur le site de France Travail. Il conseille également de contacter directement les entreprises de travail temporaire pour vérifier la durée réelle des contrats proposés.
Il est également important de prêter attention à toute mention contradictoire dans une offre, comme la mention d'un CDD initialement suivi d'une référence à un CDI plus tard", précise Pierre Garnodier pour le site en ligne Capital. Pour ceux qui suspectent une offre d'emploi illégale, "l'opérateur France Travail encourage à signaler ces annonces auprès de leur conseiller ou directement en ligne via leur espace personnel", précise-t-on.
Il est essentiel de toujours vérifier la crédibilité de l'entreprise en effectuant des recherches en ligne, notamment en consultant son site officiel et en s'assurant de son existence légale. Analyser attentivement les détails de l'offre, tels que la description du poste, la rémunération et les conditions de travail, permet de détecter d'éventuelles incohérences ou un manque de transparence. De plus, il est recommandé de rester en alerte face à toute demande financière de la part du recruteur, une pratique souvent associée aux arnaques. Enfin, en cas de doute sur la légitimité d'une offre, les demandeurs d'emploi peuvent se tourner vers des professionnels ou leur réseau pour obtenir des avis éclairés.