Quand les Ehpad tirent (une nouvelle fois) la sonnette d’alarme
"Nous mettons en vente ce superbe bien immobilier : un parc de 2 hectares, plus de 80 chambres, 50 salles de bain. Ce bâtiment est l'ancien Ehpad, Jean-Baptiste Lecornu à Flers, rénové il y a un an. N’ayant plus moyen d’accueillir son public, il est mis en vente. Une offre unique à saisir !", est-il écrit sur l'annonce diffusée sur le site de petites annonces en ligne Leboncoin. Pour acquérir les lieux, il est indiqué qu’il faudra débourser la somme de 500 000€.
Cette offre, qui peut paraître séduisante pour un investisseur, est totalement fictive. Il s'agit en réalité, d'une campagne de communication mise en place par la Fehap (Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés solidaires) à laquelle appartient la Fondation Normandie Générations, qui gère l’Ehpad Lecornu à Flers, depuis 2022. "Cette campagne choc, elle est pour l’instant fausse, mais dans quelques mois elle sera vraie, si personne ne fait rien. Concrètement, si rien n’est fait sur les parts financement État et Conseils départementaux, dans quelques mois certains Ehpad peuvent mettre la clé sous la porte.", indique à
BFM Normandie, Didier Chesnais, le directeur général de la Fondation Normandie Générations.
Les fermetures d’établissements pourraient être dramatiques pour certains résidents. "Concrètement, ça veut dire des résidents et familles qui n’ont pas de solutions. Beaucoup évoquent un retour à la maison inenvisageable. Les enfants sont souvent éloignés de leurs parents pour des raisons professionnelles et personnelles. Il y a vraiment urgence, nous, on le vit au quotidien, ce sont des soignants, des personnels éducatifs, administratifs et des établissements qui vont mal. C’est vraiment un sujet de société", conclut Didier Chesnais au micro de BFM Normandie.
Le bilan 2023 de la Fehap est plus que préoccupant
Cette campagne de communication percutante et qui fait beaucoup parler vise principalement à alerter l'opinion publique ainsi que les pouvoirs publics sur la situation critique que traversent de nombreux
Ehpad. En 2023, sur les 5700 établissements et services dans le privé non lucratif gérés par la Fehap,
deux tiers des Ehpad (soit 73%) ont clôturé leur exercice en déficit. La fédération estime la perte de recette de ses Ehpad adhérents à 165 millions d’euros.
“Depuis des années, le secteur du grand âge est le parent pauvre de la santé alors qu’il nous concerne tous, dénonce à
Ouest France, la présidente de la Fehap, Marie-Sophie Desaulle. “Le déficit des structures, Ehpad et services à domicile, se creuse. Les professionnels sont à bout de souffle. Et il ne se passe rien !” poursuit-elle.
Pour
France 3 Normandie, le directeur général de la Fondation Normandie Générations Didier Chesnais est aussi affligé : "On alerte depuis plusieurs années." Le ministère de la Santé a certes affecté en urgence la somme de
650 millions d’euros aux Ehpad pour pallier les problèmes de trésorerie, mais pour Didier Chesnais, “c'est largement insuffisant par rapport aux besoins. C'est une rustine, du rafistolage, mais il faut prendre le problème à la racine : le financement de l'État doit augmenter." Et d’ajouter : “Il faut réfléchir ensemble à un nouveau mode de financement, avec une part plus importante de l'État, des départements, pour ne pas trop impacter le prix de revient aux familles.” En effet, à l’instar des Ehpad publics, les Ehpad associatifs sont financés par l’Etat et l’Assurance maladie pour le personnel soignant et les équipements médicaux ; les conseils départementaux pour le forfait dépendance, les résidents pour l’hébergement, la restauration et les activités d’animation.

Des professions menacées et l’avenir de nos aînés en jeu
La situation des Ehpad est depuis plusieurs années une source de préoccupation majeure. Les rapports accablants sur les conditions de vie des résidents et de travail des soignants ne cessent de s’accumuler. Manque de personnel, infrastructures vieillissantes, gestion souvent défaillante, maltraitance institutionnelle... Les problèmes sont multiples et systémiques.
Le secteur est particulièrement touché par une crise de recrutement. Les métiers du soin aux personnes âgées, souvent perçus comme ingrats et mal rémunérés, peinent à attirer de nouveaux talents. Cette pénurie de personnel a des répercussions directes sur la qualité des soins prodigués et sur la vie quotidienne des résidents. En outre, les scandales révélant des cas de maltraitance et de négligence au sein de certains Ehpad ont exacerbé la défiance du public envers ces institutions.
Didier Chesnais redoute principalement deux choses : que les familles finissent par ne plus avoir de solutions pour leurs aînés et que les salariés quittent le secteur. "Nos salariés ne sont déjà pas suffisamment rémunérés au regard de leurs responsabilités et de leur travail. Comme les métiers n'attirent pas, il y a des vacances de poste plus importantes. Alors, on sollicite les sociétés d'intérim, et ça génère un coût supérieur au budget classique". déplore le directeur général de la Fondation Normandie Générations au micro de France 3 Normandie.
"Le grand âge n'est jamais une priorité, la situation va nous péter à la figure." prévient Didier Chesnais. Si rien n’est fait pour revaloriser les métiers essentiels du Grand âge, augmenter significativement les financements publics pour ces établissements, améliorer les conditions de travail du personnel, la crise (amplifiée par la pandémie de Covid-19, exacerbée par la hausse des prix de l'énergie, de l'alimentation et des produits d'hygiène) que traverse le secteur de la prise en charge des personnes âgées ne risque pas de se résorber de sitôt.
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