La Direction de la Recherche, des Etudes, de l’Evaluation et des Statistiques (DREES) a publié ce mardi 16 juillet 2024 les premiers résultats sur les établissements et services médico-sociaux qui accompagnent les personnes handicapées issus de la dernière édition de l’enquête auprès de ces structures (ES-Handicap). Une première étude décrit l’évolution du nombre de places des structures et leur fonctionnement. Une deuxième étude porte sur les personnels travaillant dans ces structures. Voici les conclusions. 


Une augmentation significative du nombre de places

L’enquête relève que depuis 2018, 20 380 places ont été créées, tous types de structures confondues, soit une hausse de 4%, similaire à celle constatée entre 2014 et 2018. Cela s’inscrit dans une progression continue du nombre de places observée ces dernières années : depuis 2006, le nombre total de places a crû de 30 %. Le nombre de places dans les structures dédiées aux enfants progresse par rapport à 2018 (+6 %), une hausse entièrement portée par les établissements (+8). Ce sont les ITEP (Institut Thérapeutique Educatif et Pédagogique) (+24%) et les IME (Instituts Médico-Éducatifs) (+7%) qui contribuent le plus à cette progression. Par ailleurs, bien que le nombre d’instituts pour jeunes déficients sensoriels diminue (-8%), on note une croissance importante du nombre de places dans les établissements qui les accompagnent (+18%). Dans les structures pour adultes, le nombre de places augmente de 3%, une hausse portée par les services (+10%, dont +17% dans les services d’accompagnement médico-social) et les foyers (+3%).

Et, d’après la dernière vague de l’enquête quadriennale de la DREES ES-Handicap, fin 2022, les établissements et services du secteur médico-social accompagnant les personnes handicapées proposent 531 000 places au sein de 12 380 structures. Les 8 270 structures pour adultes disposent de 355 600 places et celles pour  enfants et adolescents (4 030 structures) en proposent 173 800. Une centaine de structures accompagnent aussi bien des adultes que des enfants, avec 1600 places. Les établissements (59% des structures pour enfants et 81% de celles pour adultes) assurent l’accompagnement des personnes handicapées avec ou sans hébergement, en internat, semi-internat ou externat. Ils peuvent également proposer un accompagnement en milieu ordinaire. Les autres types de structures sont des services : les professionnels interviennent auprès des personnes handicapées dans leurs différents lieux de vie et d’activité (domicile, école, etc.), et parfois dans les locaux du service, mais n’assurent pas d’hébergement.

Le secteur médico-social a donc fait des progrès significatifs pour améliorer l’accès aux services pour les personnes handicapées. En 4 ans, le nombre de places disponibles dans les établissements et services médico-sociaux a augmenté de manière substantielle. Cette augmentation vise à répondre à la demande croissante de services adaptés, à réduire les listes d'attente et à offrir un accompagnement de qualité aux personnes handicapées. Elle témoigne aussi d’une volonté politique forte de renforcer l’inclusion et le soutien aux personnes handicapées dans la société.



Une évolution de l’offre de services pour les enfants et les adolescents

L’enquête de la DREES nous apprend qu’après une hausse continue les années précédentes, le poids des services dans l’ensemble des structures pour enfants et adolescents ainsi que dans l’ensemble des places baisse pour la première fois en 2022. En 2018, les places dans les Services d’Education Spéciale et de Soins à Domicile (Sessad) représentent 34% du nombre total de places pour les enfants et adolescents, contre 24% en 2006, soit une hausse régulière de 10 points en douze ans. Fin 2022, en revanche, ces derniers ne représentent que 32% du nombre total de places (un nombre qui se maintient à un peu moins de 56 000 entre 2018 et 2022).

La part des places dédiées à l’accompagnement en “milieu ordinaire” (habituellement propres aux services) continue toutefois de progresser, mais uniquement dans les établissements. En effet, afin d’améliorer le parcours des enfants ou adolescents handicapés, les établissements et services peuvent fonctionner en “dispositif intégré”, ce qui leur permet d’élargir les modalités d’accompagnement proposées. Ainsi, dans le cadre du projet d’accompagnement, à partir d’une première orientation de la Commission des Droits et de l’Autonomie des Personnes Handicapées (CDAPH), les jeunes peuvent passer, sous certaines conditions, d’une modalité à l’autre (internat, externat ou accompagnement en milieu ordinaire) en fonction de leurs besoins et sans nouvelle décision de la CDAPH.

Certains résultats de l’enquête ES-Handicap 2022 tendent à montrer que cette transformation de l’offre est bien à l’œuvre. Tout d’abord, 93% des Instituts Thérapeutiques, Educatifs et Pédagogiques (Itep) et 11% des Sessad indiquent fonctionner en dispositif intégré Itep (Ditep) en 2022, ce qui souligne la montée en charge des Ditep. 



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L’accompagnement : une palette de solutions plus large pour les enfants que pour les adultes

Les modes d’accompagnement font partie des éléments définis avec les autorités de régulation et varient selon le type de structure, précise l’enquête. Pour les enfants et les adolescents, ils sont variés : différentes modalités d’internat, d’externat ou d’accompagnement en milieu ordinaire. Les places d’internat représentent 32% des places dans les Itep, 24% dans les IME et entre 30% et 36% dans les instituts pour jeunes déficients sensoriels, les instituts d’éducation motrice et les établissements pour enfants polyhandicapés. L’accompagnement en internat est lui-même varié, puisque ce dernier n’est pas systématiquement complet : le jeune peut être hébergé dans l’établissement seulement quelques jours par semaine par exemple (internat de semaine). Les places dédiées à un accompagnement sans hébergement (externat, accueil de jour et accompagnement en milieu ordinaire) représentent 44% des places dans les Itep, 69% dans les IME et 50% ou plus dans les autres établissements précédemment cités.

En 2022, en ajoutant les places précédemment dédiées aux services, les Itep proposent 57% de leur places en externat, accueil de jour et accompagnement en milieu ordinaire, contre 43% en 2018.

Les structures pour adultes sont, de par leur nature, spécialisées dans un certain type d’accompagnement médico-social (hébergement médicalisé ou non, insertion professionnelle, vie sociale). Ainsi, 80% des places dans les foyers sont dédiées à de l’hébergement. Dans les Etablissements et Services d’Aide par le Travail (Esat), la surreprésentation des places d’externat, d’accueil de jour et d’accompagnement en milieu ordinaire est massive (86%). Enfin, dans les centres de formation et d’orientation professionnelle, les places se répartissent majoritairement entre l’hébergement (46%) et l’accueil de jour (40%).

La personne handicapée peut être hébergée ou accompagnée en journée, dans la limite de 90 jours par an. Fin 2022, 6600 places sont ainsi dédiées à ce type d’accueil, dont 1700 places pour les enfants et 4900 pour les adultes. Ces places sont toutefois très minoritaires (1% du nombre total de places) et sont concentrées sur 14% des structures. À l’exception des structures dédiées exclusivement à ce type d’accompagnement, les maisons d’accueil spécialisées (une sur deux) et les établissements d’accueil médicalisés (un sur trois) sont les plus nombreux à héberger ou à accompagner de façon temporaire des personnes handicapées. 



La gestion des risques et la lutte contre la maltraitance

La loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale a rendu obligatoire l’évaluation des activités et de la qualité des prestations délivrées par les établissements et services, y compris par les structures elles-mêmes. Le guide d’évaluation national construit par la Haute Autorité de Santé (HAS) porte notamment sur la bientraitance et l’éthique, les droits des personnes accompagnées, la co-construction et la personnalisation du projet d’accompagnement, ainsi que sur la démarche qualité et la gestion des risques.

D’après l’enquête de la DREES, en 2022, 63% des structures indiquent avoir formalisé une démarche de gestion des risques et de lutte contre la maltraitance. Cette démarche est un peu plus fréquente dans les structures pour adultes (65%) que dans celles pour enfants (60 %) et est un peu plus souvent mise en place par les services que par les établissements : 68 % des services contre 64% des établissements pour adultes.

En 2022, 69% des structures indiquent avoir mis en place des outils de prévention et d’analyse de ces comportements, mais seulement 35 % indiquent disposer d’espaces aménagés pour les anticiper. L’aménagement d’espaces dédiés est plus fréquent dans les structures pour enfants (47 % contre 30 % dans celles pour adultes), au sein desquelles les IME (63 %), Itep (60 %) et établissements pour enfants polyhandicapés (58 %) sont les plus nombreux à disposer de tels espaces.



Des difficultés persistantes de recrutement

L'enquête de la DREES souligne des défis persistants en matière de recrutement. Plusieurs facteurs contribuent à ces difficultés, notamment les conditions de travail souvent perçues comme difficiles, les rémunérations jugées insuffisantes, et le manque de reconnaissance professionnelle.

En 2022, 7 structures sur 10 ont déclaré avoir eu des difficultés de recrutement. Ces difficultés sont un peu plus importantes dans les structures dédiées aux enfants, qui sont 74% à être concernées, contre 68% dans celles pour adultes. Dans ces deux types de structures, les établissements médicalisés sont le plus souvent touchés par ces difficultés : 94% des MAS, 88% des EAM et 88% des établissements pour enfants et adolescents polyhandicapés.

Les services, pour adultes comme pour enfants, déclarent moins fréquemment de problèmes dans le recrutement de leurs équipes. Tous types de structures confondus, le personnel socio-éducatif (éducateurs spécialisés, aides médico-psychologiques, etc.) s’avère particulièrement difficile à engager pour 88% des structures. Le personnel soignant est également concerné, dans une moindre mesure toutefois (67%). Le personnel d’enseignement semble, quant à lui, plus épargné par ces difficultés parmi les structures pour enfants et adolescents : seules 23% d’entre elles indiquent avoir des difficultés pour en recruter.

En 2022, 61% des structures médico-sociales ont eu recours à du personnel extérieur à la structure tels que des prestataires ou du personnel libéral. Probablement en lien avec les difficultés de recrutement, ce type de recours est très largement répandu dans les IEM (88%) ainsi que dans les établissements médicalisés (supérieur à 84%). La part de structures ayant recours à du personnel extérieur est en hausse de 3 points par rapport à 2018. Les difficultés du recrutement influent également sur la rotation du personnel, qui s’accentue. Ainsi, fin 2022, 28% du personnel en fonction au 31 décembre est arrivé depuis moins d’un an, contre 22% en 2018 et 21% en 2014. Hormis le personnel médical, toutes les catégories de personnel sont concernées. Près d’un tiers des psychologues et du personnel paramédical est arrivé depuis moins d’un an fin 2022 ; ce n’est le cas que de 22 % du personnel médical.

Inversement, sur l’ensemble des structures, la part des personnels de plus de cinq ans d’ancienneté est passée de 54% en 2018 à 47% en 2022, et celle des personnels de plus de dix ans d’ancienneté de 34% à 32% de l’ensemble des effectifs. 35% des personnels des services généraux, 34% des personnels de direction, de gestion et d’administration, ainsi que 34% de ceux du secteur éducatif pédagogique et social sont en fonction depuis plus de dix ans fin 2022, contre 26% du personnel paramédical. En outre, la part de professionnels intérimaires ou vacataires augmente, même si elle demeure très faible : de 0.1 % fin 2018, elle passe à 0.3 % fin 2022.



Une prédominance des femmes parmi les salariés

Parmi les professionnels accompagnant les personnes handicapées, les femmes représentent trois quarts des effectifs. L’étude montre que cette surreprésentation féminine concerne tous les types de structures, avec plus ou moins d’ampleur. Elle est plus marquée dans les établissements pour enfants polyhandicapés (84%), les Sessad (83%) ainsi que dans les autres établissements pour enfants (82%).

A l’inverse, les Etablissements et Services d’Aide par le Travail (ESAT) sont le seul type de structure à compter parmi leurs personnels presque autant d’hommes (48%) que de femmes (52%). Les établissements et services accompagnant les personnes handicapées sont composés d’équipes pluridisciplinaires. Le personnel d’éducation, pédagogique et social y est majoritaire avec 45% des effectifs. Au sein de cette catégorie, on retrouve notamment des aides médico-psychologiques (14% de l’ensemble), des éducatrices spécialisées (9%) ainsi que des monitrices éducatrices (6%). 74% de ce personnel d’éducation, pédagogique et social est féminin. Les psychologues et le personnel paramédical représentent 19% des effectifs, parmi lesquelles les aides-soignantes (7% de l’ensemble), les psychologues (3%) et les infirmières (3%) sont les plus représentées. 89 % des psychologues et du personnel paramédical est féminin.

Le personnel de direction (13% des effectifs) est plus fréquemment féminin que la moyenne, avec 78% de femmes. La part des femmes est moins élevée au sein du personnel d’encadrement (68%), des services généraux (62%), mais surtout du personnel médical (51%), qui ne représente toutefois que 2% des effectifs de l’ensemble des structures. 
 


Les médecins, une corporation plus âgée que les autres professions

Selon l'enquête, fin 2022, les personnels des structures pour personnes handicapées sont âgés en moyenne de 44 ans, un âge stable par rapport à 2018. Deux fonctions ont des âges moyens plus élevés que les autres : tout d’abord le personnel médical a 57 ans en moyenne, alors que les âges moyens des autres professions sont compris entre 41 et 48 ans. Près de la moitié du personnel médical a 60 ans ou plus (47%) en 2022, une proportion stable par rapport à 2018, et 13% a 70 ans ou plus.

Les personnels des services généraux sont aussi plus âgés que les autres : 12% des personnes occupant ce type de fonction ont 60 ans ou plus. À l'autre extrémité, 13% des personnels sont âgés de moins de 30 ans, avec des écarts importants selon le type de fonction exercée : 20% des psychologues et du personnel paramédical ont moins de 30 ans, contre 1% du personnel médical. En outre, 62% des personnels en attente de formation ou en cours de formation, que l’on appelle les “candidats élèves”, ont moins de 30 ans.



Pour aller plus loin

Le documentaire "Personne", sorti en 2022, se penche sur la réalité quotidienne de plusieurs centres spécialisés pour personnes handicapées de Nouvelle-Aquitaine, en donnant la parole aussi bien aux professionnels qu'aux résidents de ces établissements. Ce film traite des défis et des difficultés rencontrés par les deux parties.

Source : DREES, Enquête ES-handicap juillet 2024 - L’accompagnement médico-social des personnes handicapées fin 2022 : 20 000 places supplémentaires en quatre ans et des difficultés de recrutement