Que prévoit l’article 10 bis de la loi Bien vieillir ?
Après un parcours législatif chaotique et jalonné d'obstacles, la loi Bien vieillir a finalement été adoptée le mercredi 27 mars dernier. Elle comporte
plusieurs mesures pour mieux signaler les maltraitances et faciliter le travail des aides à domicile, prévenir la perte d'autonomie, lutter contre l'isolement des personnes âgées ou handicapées etc. Bien que cette proposition ne figurait pas dans le texte initial, les sénateurs ont ajouté la possibilité pour les
Ehpad (Etablissements d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes) publics et associatifs de relever leurs tarifs.
L’article 10 bis de la loi prévoit pour les établissements qui accueillent des résidents habilités à l’aide sociale, dont le tarif hébergement est financé par les départements, de moduler les prix pour les autres résidents. Aujourd’hui, dans ces établissements, les tarifs à la journée pour les résidents habilités à l’aide sociale comme pour les autres sont fixés par le département. Et, chaque année, ces mêmes départements déterminent un taux d’augmentation des prix que les établissements ne peuvent pas dépasser, sauf par dérogation. “Le drame, c’est que l’an dernier, ces taux étaient inférieurs à l’inflation”, déplore Pascal Champvert, président de l’AD-PA (Association des directeurs au service des personnes âgées).* Conséquence ? Les directeurs se sont retrouvés dépourvus de toute marge de manœuvre financière. Ils sont d’autant plus affectés qu’avec l’inflation, l’augmentation des coûts et les défis engendrés par la crise du Covid-19, plusieurs de ces établissements se sont retrouvés en déficit ou au bord de la faillite.
Augmentation des tarifs et mise en place nécessaire de garde-fous
Ainsi, sauf dérogation accordée par le département, même en cas de difficultés financières, les établissements ne peuvent pas aller au-delà du taux d’augmentation autorisé. La loi Bien vieillir change la donne puisque les Ehpad publics et associatifs pourront, à partir du 1er janvier 2025, dépasser ces taux pour les résidents non bénéficiaires de l'aide sociale. Toutefois, le texte impose des garde-fous pour éviter une flambée des prix. “L’écart entre les tarifs fixés par l’établissement et les tarifs de l’aide sociale ne pourra pas excéder un pourcentage fixé par décret”, précise l’article 10 bis de la loi.
Bien que
certains établissements appliquent déjà des tarifications différenciées selon les revenus, la nouvelle loi facilitera cette pratique. Elle éliminera le besoin d’approbation départementale, ce qui va accélérer le processus de mise en œuvre. Cette mesure vise à offrir une flexibilité accrue aux Ehpad pour ajuster leurs tarifs en fonction de l’inflation et des besoins financiers.
Laurence Cristol, la députée du groupe Renaissance et rapporteure de la proposition de loi, explique au
Figaro, vouloir encadrer les choses : “Dans la mesure où la pratique existe déjà, autant l’encadrer pour qu’elle soit la plus éthique possible.” L’enjeu, selon l’élue, étant de faire en sorte que les Ephad puissent “continuer à proposer les mêmes services de qualité”, quitte à passer par une hausse des tarifs, mais sans mettre “en difficulté financière les résidents et leurs proches.” Pour Annie Vidal, qui défend la proposition de loi Bien vieillir aux côtés de sa collègue Laurence Cristol, parler de “taxation des riches” est une exagération. “Il y aura simplement deux tarifs”, explique la députée du groupe Renaissance. Un tarif sera destiné aux personnes éligibles à l’aide sociale à l’hébergement, qui - comme elle tient à le souligner - “ont très peu de ressources et ne peuvent absolument pas financer une place en Ehpad”. L'autre tarif, bien que rehaussé, restera plus bas qu’ailleurs pour les personnes non éligibles. “L’écart entre ces deux tarifs sera encadré et ne pourra pas dépasser une limite fixée par décret, sous la responsabilité et le contrôle du département.” ajoute l’élue. Elle insiste également sur le fait que ces nouveaux tarifs ne s’appliqueront qu’aux nouveaux résidents, et que les résidents actuels continueront de bénéficier des modalités tarifaires en vigueur au moment de leur entrée en Ehpad.
Olivier Richefou, président de la Mayenne et vice-président de l’Assemblée des départements de France chargé du grand âge est lui aussi favorable à une augmentation des tarifs : “N’est-il pas cohérent que, finalement, les résidents et leurs familles participent à l'augmentation des charges à partir du moment où elle est encadrée et raisonnable ?” interroge t-il - pour le site
Capital. Une solution perçue comme inéluctable pour certains. “Nous demandons la mise en place d’une grande prestation autonomie payée par la solidarité nationale afin d’aider à payer le coût d’un établissement”, rappelle Pascal Champvert (au site en ligne Capital). “Mais comme elle ne voit pas jour, pour maintenir une qualité de service, mieux vaut que les personnes âgées et leurs familles paient un peu plus. Nous sommes pragmatiques.”

Une mesure diversement appréciée
Dans un
communiqué de presse en date du 15 mars 2024, la FHF (Fédération Hospitalière de France) dit approuver cette mesure : “La FHF salue la possibilité nouvelle donnée aux EHPAD habilités à l’aide sociale de moduler leurs tarifs pour les usagers ne relevant pas de l’aide sociale, dans des proportions raisonnables et en fonction des ressources, dans des conditions qui seront définies par décret.” La fédération tient toutefois à préciser que : “cette mesure ne constitue pas à elle seule une réponse aux difficultés financières rencontrées par les Ehpad mais donnera la possibilité concrète de dégager à terme de nouvelles marges de manœuvre.”
Le gouvernement n'est pas du même avis et s'est opposé à cette mesure durant les débats parlementaires. Lors des discussions au Sénat, fin janvier 2024, la ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités,
Catherine Vautrin, avait mis en garde contre les risques associés à une telle mesure. “En instaurant un régime de surloyer systématique dans les Ehpad pour les résidents non bénéficiaires de l’aide sociale à l’hébergement en fonction de leurs ressources, on oriente les personnes solvables vers ces établissements, ce qui signifie que nous n'aurons plus de solutions d'accueil pour les personnes les moins solvables.”, a-t-elle regretté.
La loi Bien vieillir introduit une tarification différenciée dans les Ehpad publics et associatifs. Bien que cette mesure soit vue comme un soulagement financier pour ces établissements, elle suscite également des préoccupations concernant l’accessibilité pour les plus démunis. Les effets concrets de cette réforme sur le paysage des soins aux personnes âgées restent à prouver et à surveiller.
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* Source : Capital.