Le collectif des maires bretons : "Territoires du grand âge en résistance"
A l’image de nombreux
Ehpad répartis sur l’ensemble du territoire français, les Ehpad bretons publics sont dans le rouge. La situation économique de ces établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes ne cesse de s’aggraver suite à l'inflation, à l’augmentation du coût de l'énergie et de l'alimentation, sans compter la gestion du manque de personnel soignant. En 2023, en Bretagne, plusieurs élus ont décidé de se réunir dans le collectif "Territoires du grand âge en résistance". Il réunit désormais 350 collectivités, en majorité bretonnes, qui sera établi en association le 23 mai prochain (pour lui “donner de la visibilité et de la durabilité”), à l’occasion d’une réunion à Plouha pour le premier anniversaire du mouvement.
Philippe Salmon, le maire de Bruz en Ille-et-Vilaine fait partie de ce collectif. Il explique à
France Bleu Armorique : "Il y a eu une grande étude qui a été réalisée en mai dernier sur 1500 Ehpad qui avait révélé que le déficit moyen était de 143 000€. Et depuis mai, les choses ne se sont pas vraiment améliorées. Il y a eu quelques coups de pouce de l'Etat, avec des crédits non reconductibles qui ont permis à certains Ehpad de passer cette difficulté. Mais c'est ce que j'appelle des pansements sur une jambe de bois, c'est-à-dire qu'on va dans le mur avec le modèle aujourd'hui tel qu'il est.” Le maire de Bruz est très inquiet. Il juge la situation grave : "Aujourd'hui on en est arrivé à un point où ça devient vraiment compliqué. Il y a certains établissements qui sont à la limite de la fermeture parce qu'ils ne peuvent plus payer leurs factures. Donc ça commence à devenir très inquiétant.”
Le collectif "Territoires du grand âge en résistance" demande donc une loi sur le Grand âge et, Philippe Salmon rappelle un fait connu par les pouvoirs publics : "Je précise quand même que d'ici 2030, on nous prévoit une augmentation de 50 % des plus de 85 ans et c'est le résultat du baby boom des années 50-60 qui aujourd'hui se traduit par le papy boom. Donc ça veut dire qu'il y a urgence non seulement à maintenir ces établissements en bon état de marche et à en ouvrir d'autres".
Le collectif breton ne se contente pas de palabres et de dénoncer des faits déjà établis. En effet, il a décidé d'assigner en justice l'Etat "pour non assistance à personnes âgées dépendantes".
Le temps des poursuites est venu
Quinze mairies bretonnes ont donc saisi ce jeudi 16 mai la justice administrative pour dénoncer le non-respect par l'État des droits fondamentaux de la personne dans les Ehpad publics dont ils ont la responsabilité et qui souffrent d'un manque de moyens, a annoncé à l'AFP le maire de Plouha (Côtes-d'Armor), Xavier Compain.
Les dossiers ont été envoyés en recommandé ce même jour au tribunal administratif de Rennes et remis en mains propres à la ministre déléguée chargée des Personnes âgées Fadila Khattabi, lors d'une rencontre au ministère où se sont rendus plusieurs élus bretons, maires et présidents de conseils départementaux. Les demandes d'indemnités préalables pour ces dossiers s'élèvent à 7 millions d'euros, selon Xavier Compain, le maire de Plouha.
Les dossiers montés sont divers selon les mairies (Plouha, Plouaret, La Roche-Jaudy…) et les établissements. Ils dénoncent tous un non-respect des droits fondamentaux de la personne, évoquant par exemple des “toilettes de résidents faites plus rapidement, des soins buccaux-dentaires reportés, le fait qu’on soit passé de l’alimentation normale à du mouliné, etc.”, a rapporté Xavier Compain. Il précise : “On n'accuse pas nos personnels ou nos directeurs d'établissements, ils font comme ils peuvent pour faire tourner une machine avec des moyens en tension permanente.”
Toujours aussi résolu, Xavier Compain ajoute : ”Le défi pour nous dans ce rapport de force est d’avoir un mouvement d’ampleur national. L’objectif est de passer de 15 à 50 dossiers ou plus, afin d’avoir un effet de masse.”

Les élus estiment entre “
10 à 12 milliards d'euros par an l'enveloppe nécessaire pour remettre à flot les Ehpad” au niveau national et “les maintenir en état de fonctionnement”. Ils demandent un financement de la cinquième branche de la Sécurité sociale et une loi sur le grand âge pour avoir “une vision à long terme”.
Lors de la réunion, les élus ont estimé ne pas avoir reçu de réponses concrètes de la part de la ministre, qui selon eux, a indiqué que la création d'une nouvelle cotisation n'était pas exclue et qu'elle entendait se tourner vers le Cese (Conseil économique, social et environnemental) pour voir la faisabilité d'une loi sur le grand âge.
Contactée par l'AFP, Fadila Khattabi a tenu à indiquer que “la part de l’État dans le financement des Ehpad, y compris bretons, n’avait cessé d’augmenter ces dernières années”, précisant : “en 2019, la branche autonomie de la Sécurité sociale y participait à hauteur de 8.5 milliards d’euros par an, une somme qui atteint aujourd’hui 12.5 milliards d’euros.” “Il n’en demeure pas moins que des difficultés subsistent”, a poursuivi la ministre, “d’où la décision récemment annoncée d’augmenter de 5% les dotations annuelles des ARS (agences régionales de santé) aux Ehpad publics.”
Fadila Khattabi a également rappelé le lancement récent d’une “
expérimentation avec 20 départements volontaires pour que l’État renforce son rôle dans le financement des Ehpad”. C’est un jalon important pour résoudre durablement ces difficultés.” La ministre estime que “toutes ces avancées récentes auront un impact positif sur les finances des Ehpad bretons.”
Sources : AFP et Le Parisien.