La ministre entend apporter un “ballon d’oxygène”
Pour parer à l'urgence financière, la ministre déléguée aux Personnes âgées, Fadila Khattabi a annoncé, ce mardi, au Figaro vouloir augmenter “avec Catherine Vautrin, de 5% le financement de l'Etat aux Ehpad publics, afin de leur apporter un ballon d'oxygène. Le montant pour les Ehpad associatifs devrait aussi augmenter de 5% à condition qu'ils trouvent un accord - en cours de négociation - sur les bas salaires. Pour le privé commercial, le soutien de l’État sera de 3%". Cette nouvelle aide représente un coup de pouce global de 650 millions d’euros, dont
190 millions pour le public (proportionnel à sa part dans les 7500
Ehpad de France), sur un montant total prévu cette année à 13.1 milliard d'euros. "Loin de se désengager, le gouvernement a renforcé son soutien au secteur de 4 milliards d'euros entre 2019 et 2023", a indiqué la ministre.
C’est une mesure qui fait suite à l'appel lancé la veille par treize organisations du secteur du grand âge, public et associatif. Elles avaient tiré la sonnette d'alarme sur la “gravité de la situation” financière, d'une ampleur “inédite”, qui touche les Etablissements d’Hébergement pour Personnes Agées dépendantes (Ehpad) ainsi que les services d’autonomie à domicile.
La Fédération Hospitalière de France (FHF) avait, quant à elle, publié au début du mois d’avril
une enquête montrant une généralisation des situations déficitaires, inédite et alarmante dans les Ehpad publics. En effet, l’enquête souligne que près de
85% des Ehpad enregistrent un résultat déficitaire pour l’exercice 2023, chiffre record alarmant, alors que la gestion budgétaire des Ehpad publics était auparavant équilibrée. Il est souligné que les déficits sont généralisés, en dépit des crédits exceptionnels alloués en 2023 y compris dans les établissements qui ne connaissent pas de difficultés d’activité.
Le
déficit prévisionnel atteint un niveau record de 3 850€ par place en moyenne en 2023. Extrapolé à l’ensemble des Ehpad publics déficitaires, cela représenterait un déficit global, toutes sections confondues, d’environ 800 millions d’euros. Le déficit cumulé des exercices 2022 et 2023 serait d’environ 1.3 milliard d’euros. Et à court terme, l'enquête prévoit des difficultés de trésorerie pour bon nombre d’établissements car : un Ehpad sur trois a rencontré des difficultés de trésorerie en 2023 ; un Ehpad sur cinq a eu besoin d’avoir recours à une ligne de trésorerie en 2023 ; près d’un Ehpad sur trois a différé le paiement de certaines charges en 2023 pour soulager sa trésorerie.
Alors que leur gestion budgétaire était auparavant équilibrée (ou que les déficits étaient maîtrisés),
la proportion d’Ehpad publics en situation déficitaire a presque doublé en 5 ans, passant de 43.9% en 2019 à 84.4% en 2023. L'enquête relève que c’est bien sur les deux dernières années que cette progression a été la plus significative.
En parallèle, le gouvernement entend engager une réforme plus structurelle du financement des Ehpad, très complexe, puisqu’il dépend à la fois de la Sécurité sociale (partie soins), des départements (partie dépendance) et des personnes âgées et leurs familles (pour l’hébergement).
Pour “éviter d’avoir à remettre de l’argent sur la table tous les ans”, le gouvernement pourrait “reprendre en main la partie dépendance pilotée par les départements et la fusionner avec la section soins dont il a la charge afin qu’elles soient pilotées par les Agences Régionales de Santé (ARS).” C’est une option qui a déjà été proposée aux départements, sur la base du volontariat, dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale à l’automne dernier.
"L'objectif n'est pas de recentraliser mais d'aider durablement les Ehpad. C'est une question d'efficacité et 80% des professionnels y sont favorables (...)", a tenu à souligner la ministre au Figaro. "La fusion harmoniserait l’accompagnement des résidents d'un établissement à un autre à un moment où les citoyens jugent insupportable d'être traités de façon inégale selon les territoires." Dix départements ont déjà répondu à l’appel à candidatures pour effectuer une expérimentation sur 4 ans.

Une mesure accueillie très favorablement mais jugée encore insuffisante
Les annonces de la ministre ont globalement été appréciées par les acteurs du secteur. Dans un
communiqué de presse du 24 avril, l’AD-PA (Association des Directeurs au service des Personnes Agées) à tenu à “saluer cette prise de position très rapide de la Ministre et y voit l’attention qu’elle montre pour ce secteur dont près de 80% des structures finissent un exercice 2023 en déficit.”
Toutefois, l’association “considère que ces hausses ne suffiront pas à répondre à l’urgence et aux enjeux de moyen terme. En effet, il s’agit bien de la nécessité d’un engagement de l’ensemble des pouvoirs publics qui est attendu, et donc des départements aussi eux-mêmes financeurs des structures pour personnes âgées. De plus, ces mesures n’apportent pour l’heure aucune réponse aux services à domicile tout aussi déficitaires et en risque de cessation d’activité, avec pour conséquence, pour eux comme pour les établissements, l’impossibilité d’accompagner nos concitoyens âgés qui en ont besoin.”
Ainsi, “ce premier pas de la Ministre Fadila KHATTABI nécessite donc d’être prolongé par un même engagement de la part des départements, élargi aux services à domicile et suivi d’un projet de Loi Grand âge Autonomie tel que promis par le Président Macron pour fin 2018.” rappelle l’AD-PA.
Dans un
communiqué de presse en date du 25 avril, le Synerpa (Syndicat national des établissements et résidences pour personnes âgées) salue “l’effort significatif du gouvernement, dans le cadre de la circulaire budgétaire 2024, d’augmenter de 3% la dotation pour les soins dans les Ehpad en période de forte inflation” tout en tempérant “même si ce taux ne compense pas entièrement l’inflation réelle subie.” Par ailleurs, “il apparaît que
le secteur privé commercial serait exclu de certaines mesures sociales, notamment des revalorisations salariales, destinées uniquement aux secteurs public et privé associatif. Cette exclusion semble avoir été confirmée par les récentes déclarations dans la presse de la ministre en charge des Personnes âgées et des Personnes handicapées, Fadila Khattabi.” Exclusion jugée incompréhensible et injustifiée par le Synerpa.
Malgré cette perplexité, Jean-Christophe Amarantinis, le président du Synerpa reste malgré tout ouvert à la discussion, énonçant à la fin du communiqué : “Nous restons très vigilants d’une possible mise à l’écart du seul secteur privé commercial des revalorisations salariales, alors que nos enjeux de recrutements et d’emplois sont cruciaux. Nous restons prêts à dialoguer pour trouver des solutions équitables et pérennes. ”
Il y a “urgence à agir” au regard de la “vague démographique sans précédent du grand âge” à laquelle sera confrontée la France, a rappelé la FHF la semaine dernière.
Entre 2030 et 2040, le nombre des plus de 85 ans va bondir de plus de 50%. La fédération souhaite aussi l’élaboration dans les plus brefs délais d’une loi de programmation pour le grand âge “dans le but d’avoir des objectifs sur le moyen et le long terme”.
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Je cherche un poste de travail
Le gouvernement a annoncé mardi dernier des aides financières d’urgence pour aider les EHPAD. Ces aides étaient clairement indispensables pour faire face aux situations d’urgence, mais elles n’en restent pas moins insuffisantes car le déficit des établissements devient structurel du fait du vieillissement de la population. Nous devons donc mettre en œuvre des réformes structurelles et innover en mettant en place des nouvelles solutions de financement pérennes.
La plupart des EHPAD sont actuellement en déficit, la profession d’aide à domicile est peu attractive… Nous aurions besoin de 2,5 milliards d’euros d’ici 2023 pour permettre un véritable accompagnement des personnes âgées et pérenniser les structures existantes. La loi « bien vieillir » votée le mois dernier se révèle décevante par rapport aux annonces qui avaient été faites et une loi grand âge ambitieuse reste plus que jamais nécessaire.
Sur base de mon expérience du terrain en tant que président de la commission autonomie (handicap, grand âge, dépendance) au Conseil départemental du Calvados, je suis convaincu qu'une réforme structurelle doit être mise en place pour financer la perte d’autonomie.
La principale solution serait de faire appel à l’épargne des Français. La France fait partie des pays où le taux d’épargne est le plus élevé (17,2% au 3e trimestre 2023) et l’épargne des ménages, qui atteignait 926 milliards d’euros en mars 2024, reste un potentiel inexploité. A l’image de ce qui a été mis en place avec le livret de développement durable et solidaire, pour les projets environnementaux ou le livret A pour le financement du logement social, je propose la création d’un livret de l’autonomie afin de financer la perte d’autonomie, dont l’importance va encore augmenter dans les prochaines années avec le vieillissement de la population.
Les services autonomie à nouveau les grands oubliés des mesures d’urgence
Alors que depuis de nombreuses années, les acteurs du secteur médico-social alertent sur les difficultés financières de plus en plus prégnantes pour les structures d’aide à domicile, la ministre, Fadila Khattabi, a annoncé, ce 23 avril, une aide de 650 millions d’euros dont 100 millions d’euros de fonds d’urgence, centrée uniquement sur les EHPAD en difficulté et excluant les services autonomie à domicile alors que ces derniers y étaient éligibles en 2023.
Cette décision révèle une prise en considération partielle des difficultés d’un secteur essentiel pour assurer le maintien à domicile de l’immense majorité des Français qui souhaitent vieillir chez eux.
D’autant plus que cette annonce intervient en réaction à l’appel lancé en début de semaine par 13 organisations et fédérations représentant les EHPAD comme les services et demandant une action urgente. Par sa décision, la ministre occulte les services à domicile et acte une politique de l’autonomie à deux vitesses. Le Gouvernement a ainsi souhaité différencier les établissements et les services alors que la priorité devrait être la simplification du parcours de vie de nos concitoyens les plus fragiles et l’égale sécurisation des différentes solutions, établissements comme services.
Les acteurs du domicile réclament un fonds d’urgence à hauteur de 100 millions € pour les services non-lucratifs en difficulté afin d’éviter d’étendre davantage les déserts médico-sociaux qui se créent sous nos yeux, faute d’une réelle volonté politique. Une réforme structurelle et pérenne du financement du secteur est également une priorité absolue. Les aides ponctuelles, si elles sont nécessaires, sont obtenues à la faveur de longues batailles pour les acteurs et n’assurent en aucun cas la pérennité des structures.
La loi Bien Vieillir a permis quelques avancées bienvenues, mais elle ne répond en aucun cas à l’urgence d’une réforme en profondeur du secteur médico-social et du domicile en particulier. Cette réforme d’ampleur reste plus que jamais nécessaire pour porter une vision globale des politiques de l’autonomie, cohérente et efficiente.