Thomas Cazenave, le ministre délégué auprès du ministre de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, chargé des Comptes publics a déclaré : “la lutte contre le travail dissimulé fait partie de l’action résolue du gouvernement pour lutter contre toutes les fraudes. Elle répond à un triple enjeu : garantir le financement de notre modèle social, lutter contre les phénomènes de concurrence déloyale entre les entreprises et garantir que chacun bénéficie des droits sociaux auxquels il a droit.”
2023 : un niveau historique de redressements
En 2023, le montant des redressements opérés par le réseau des Urssaf au titre de la lutte contre le travail dissimulé a atteint près de 1.177 milliard d’euros, contre 788 millions en 2022.
Le montant des cotisations sociales redressé en 2023 aurait permis de financer de nombreuses prestations sociales : 1.2 milliard correspond en effet à l’équivalent de 500 000 accouchements, soit 74% du nombre d’accouchements en France en 2023.
En 10 ans, le réseau des Urssaf a quadruplé le montant annuel des redressements réalisés, pour dépasser pour la première année le milliard d’euros en 2023 (contre 321 millions en 2013). Ces redressements ont été rendus possibles grâce à un renforcement inédit des effectifs. En effet, 7.4 % de temps supplémentaire ont été dédiés aux contrôles de lutte contre le travail dissimulé en 2023 grâce à des redéploiements internes. En 2023, l’Urssaf a recruté 64 nouveaux inspecteurs et contrôleurs spécialisés dans la lutte contre la fraude, qui viendront renforcer les équipes à l’issue de leur formation. 36 037 actions de lutte contre le travail dissimulé ont ainsi été engagées.
L’Urssaf a également poursuivi la modernisation et l’amélioration de ses techniques de détection de la fraude au prélèvement social, au travers notamment du datamining (c’est un outil qui définit des profils d’entreprises à risque en mobilisant simultanément des centaines de critères à partir de modèles statistiques mobilisant des millions de données émanant de différentes sources).
Les redressements issus des actions ciblées en nette hausse
Les redressements opérés à l’issue d’une action ciblée sur les employeurs s’élèvent à 1 milliard d’euros, en progression de 54% sur un an. Ils représentent 91% des résultats financiers globaux. Sur les seules actions ciblées à l’égard des employeurs, le redressement moyen s’élève à 344 360€. Les actions ciblées à l’égard de travailleurs indépendants ont généré des montants de redressement de 90.5 millions d’euros, soit une progression de 18.8 % sur un an.
Les 100 plus importants redressements liés à la lutte contre le travail dissimulé représentent 2.6 % des actions ciblées à l’égard des employeurs, mais totalisent 45% des redressements globaux. Le secteur du BTP comptabilise à lui seul 716 millions d'euros de redressements, soit 61% du total redressé. Viennent ensuite les services aux entreprises avec 270 millions d'euros (23%), et le commerce avec 49.4 millions d’euros (4.2%).
Les contrôles liés à la mobilité internationale
Dans le cadre d’un contrôle, l'inspecteur s'assure de la légalité du détachement et, engage, auprès des autorités étrangères, dans les situations frauduleuses, une procédure de demande de remise en cause de la législation sociale applicable.
Afin de renforcer l’efficacité de ces contrôles, des conventions bilatérales de Sécurité sociale et/ou des protocoles d’accord ont été mis en place avec les organismes de Sécurité sociale de la Belgique, du Luxembourg, de l’Italie, de l’Espagne, de la Pologne et du Portugal. Ils ont pour objet de favoriser les échanges d’information notamment sur la législation applicable en matière d’assujettissement, développer une réelle coopération dans le cadre des contrôles et prévoir la possibilité de conduire des actions communes.
En 2023, les contrôles ont généré 168 millions d’euros de redressements relatifs à des fraudes en matière de mobilité internationale pour un nombre de dossiers qui a doublé par rapport à 2022.
Début 2024, on dénombre 209 dossiers en cours, avec des enjeux financiers estimés à ce stade des procédures de contrôle, à environ 210 millions d’euros. Le secteur de la construction reste majoritairement représenté (80 dossiers), ainsi que le travail temporaire (27 dossiers).
Ces contrôles concernent 18 Etats membres de l’Union européenne dont plus particulièrement le Portugal (58 dossiers), la Roumanie (42 dossiers), la Pologne (21 dossiers) et le Luxembourg (18 dossiers).
L’optimisation du recouvrement des créances dans le cadre de la lutte contre le travail dissimulé
L’Urssaf s’est fixé des objectifs ambitieux en matière de recouvrement des créances issues de la lutte contre le travail dissimulé. Ces recettes contribuent, en effet, au financement du système de protection sociale. En 2023, les montants recouvrés dans ce cadre s'élèvent à un peu plus de 79.6 millions d’euros, un montant en légère augmentation par rapport à 2022 (77 millions d’euros). En termes de prestations sociales, ce montant équivaut à plus de 4.5 millions de consultations chez le médecin généraliste.
Les actions de recouvrement mises en œuvre sont très diversifiées en fonction de la typologie des dossiers :
Octroi de délais de paiement pour les entreprises solvables s’engageant à régler leurs dettes ;
Recours au recouvrement forcé avec des saisies réalisées par les études de commissaires de justice (anciennement appelés huissiers) (des saisies conservatoires peuvent également être mises en œuvre avant la fin des opérations de contrôle) ;
Assignation en liquidation judiciaire des entreprises qui organisent leur insolvabilité ou sont en cessation de paiement caractérisée ;
Mise en jeu de la solidarité financière des donneurs d’ordre et maîtres d’ouvrage qui ont manqué à leurs obligations de vigilance ou de diligence.
Un nouveau dispositif : le guichet de régularisation des chiffres d’affaires des auto-entrepreneurs
Fin 2023, on dénombrait 3 millions d’auto-entrepreneurs. Ils représentent environ 60% de la population des travailleurs indépendants et également une part prédominante des créations d’entreprises. Leur nombre a plus que doublé en cinq ans. L’économie des plateformes numériques a fortement contribué à cette dynamique.
Pour les auto-entrepreneurs usagers de plateformes, le chiffre d’affaires éludé serait de 927 millions pour un manque à gagner de cotisations sociales de 174 millions (rapport HCFIPS janvier 2024, sur la base des données Urssaf).
Un dispositif est mis en place depuis 2023, afin de renforcer la lutte contre la fraude à la sous-déclaration y compris lorsqu’ils sont utilisateurs des plateformes numériques. Ce dispositif, confié au centre national de fiabilisation des revenus des travailleurs indépendants de l’Urssaf Provence-Alpes-Côte D’Azur, vise à croiser les déclarations des chiffres d’affaires des auto-entrepreneurs avec leurs déclarations fiscales personnelles et/ou le montant des transactions réalisées sur une ou plusieurs plateformes numériques d’intermédiation.
En cas de distorsion entre les déclarations, l’Urssaf informe l’usager et lui donne la possibilité d’expliquer ou rectifier l’écart. En cas de sous-déclaration avérée ou en l’absence de réponse de l’usager, ce dernier fait l’objet d’un redressement de cotisations.
Ce guichet de régularisation permet ainsi de fiabiliser les revenus déclarés et d'ajuster en conséquence les droits sociaux. Il permet également à l’Urssaf d'accroître le contrôle des auto-entrepreneurs grâce à une industrialisation du processus.
Concernant les contrôles sur les déclarations fiscales, après une expérimentation en Urssaf Provence-Alpes-Côte d’Azur, le dispositif a été étendu à la France entière (hors Mayotte). Au total, les déclarations de 7345 auto-entrepreneurs ont été analysées. 82% d’entre eux présentaient des erreurs de déclarations pour un montant de 20.6 millions d’euros. Concernant les remontées liées aux contrôles sur les plateformes numériques : pour les 3100 dossiers finalisés à ce stade, 75% d’entre eux présentaient un écart pour un montant total de 6,8 millions d’euros.
En 2023, le dispositif de guichet de régularisation devrait permettre de redresser plus de 32 millions d’euros. L’objectif fixé de la feuille de route 2023-2027 de l’Urssaf est fixé à 200 millions d’euros d’ici 2027. A ce gain de recouvrement sera associée la formation de droits sociaux et notamment de droits à retraite pour des milliers de travailleurs concernés.
Des décrets à venir pour renforcer certains dispositifs
Les chiffres évoqués concernent le travail au noir identifié. Or, selon le Haut conseil au financement de la protection sociale, la fraude aux cotisations sociales atteint une fourchette entre 6 et 8 milliards d'euros,
souligne France Info.
Le gouvernement a annoncé prendre deux décrets d'ici le mois de mai pour renforcer les dispositions qui permettent de recouvrer l'argent. L'un porte sur les liquidations parfois faites pour échapper aux recouvrements et vise à s'assurer que les obligations fiscales et sociales ont bien été remplies en amont. "Il y a des procédures qui sont détournées”, met en avant Thomas Cazenave, le ministre délégué aux Comptes publics, pointant notamment du doigt les liquidations amiables. “Pour engager une procédure de liquidation amiable au tribunal de commerce, le décret prévoira l’obligation de produire une attestation fiscale et sociale pour s’assurer que les obligations fiscales et sociales ont bien été remplies en amont.” explique t-il.
L'autre décret porte sur "la transmission universelle de patrimoine qui fait parfois l'objet d'abus". a ajouté le ministre. “On sait que la transmission universelle de patrimoine est parfois un outil pour échapper aux obligations et rendre l’exercice de contrôle et de recouvrement plus difficile.” précise t-il.
Source des informations :
Urssaf.