Le soutien de l’État aux services à la personne
La Cour des Comptes vient de publier un
rapport sur Le soutien de l’État aux services à la personne. En 2022, le secteur des services à la personne a représenté plus de 8,8 Md€ d'aides pour 4,4 millions d’utilisateurs qui y ont eu recours. Les services à la personne regroupent 26 activités qui bénéficient d'avantages fiscaux (crédit d’impôt en faveur de l’emploi direct ou indirect d’un salarié à domicile). Dans un contexte sous tension, la Cour a examiné le soutien de l’État sous l’angle de la qualité de la dépense publique et propose des évolutions pour faire des économies.
Malheureusement, la cour des comptes s'est focalisé pour son rapport sur le coût des aides sans regarder ce que les services à la personne rapportent à l'état. En effet
les services à la personne proposent de nombreux emplois (il y a actuellement plus de 30000 offres d'emploi sur Aladom) et sans les aides, on peut s'attendre à ce que le
travail non déclaré reprenne de l'ampleur dans ces métiers.
Guillaume Richard, président et fondateur du groupe Oui Care, a rebondi sur les calculs réalisés par la Cour des comptes vis-à-vis de l'emploi à domicile et les aides qui y sont rattachées, dans l'émission Good Morning Business, présentée par Laure Closier. Vidéo à retrouver
ici. Guillaume Richard souligne que le rapport précise en page 93 que quand on prend aussi en compte les recettes, celles-ci sont supérieures aux coûts pour les services du quotidien.
Les recommandations de la cour des comptes
Voici les recommandations de la cour des comptes :
- Concernant les objectifs et le pilotage des soutiens au secteur, en amont de la préparation du projet de loi de finances pour 2025 :
- clarifier les objectifs poursuivis par les soutiens, formaliser la stratégie et adapter en conséquence leur rattachement budgétaire (ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, ministère du travail, de la santé et des solidarités) .
- mettre en place un cadre de pilotage des soutiens associant l’État, les collectivités territoriales et la Sécurité sociale (ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, ministère du travail, de la santé et des solidarités) .
- mettre à jour de manière régulière et automatisée l’outil de suivi des flux financiers et en systématiser l’exploitation (ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, ministère du travail, de la santé et des solidarités)
- Concernant le cadre de mise en œuvre des dispositifs, d’ici la fin de l’année 2025 :
- documenter les risques d’irré–gularités et de fraudes afférents au crédit d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile, et renforcer les actions de prévention dans ce domaine (ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique) .
- faire évoluer le statut de man–dataire en le coordonnant avec celui du particulier employeur, et en intégrant notamment la formation des intervenants et les garanties de qualité de service (ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique)
- objectiver l’impact des incitations financières sur le recours aux services à la personne et sur le travail dissimulé (ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, ministère du travail, de la santé et des solidarités) .
- Concernant la modification des soutiens au secteur, dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances pour 2025 :
- réduire le périmètre des activités éligibles au soutien de l’État sur la base de critères explicites et objectivés (ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, ministère du travail, de la santé et des solidarités) .
- mettre fin à l’application du taux intermédiaire de TVA (10 %) dans le champ des services à la personne, au profit du taux normal (20 %) ou, pour la garde d’enfants, du taux réduit de 5,5 % (ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique) .
- harmoniser les régimes d’exonéra–tions de cotisations sociales . À défaut, supprimer l’exonération automatique du fait de l’âge ou relever le seuil, et clarifier le périmètre des activités éligibles (ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, ministère du travail, de la santé et des solidarités)
- réduire le coût du crédit d’impôt pour les activités de la vie quotidienne ne relevant pas des politiques en faveur de l’autonomie et de la garde d’enfants, selon l’un des deux scénarios suivants :
- un crédit d’impôt recentré sur les seules activités de la vie quotidienne et revu à la baisse, en contrepartie d’une réévaluation des prestations sociales ;
- à défaut, un crédit d’impôt mo-dulé en fonction des activités concernées ou des caractéris-tiques des contribuables (ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, ministère du travail, de la santé et des solidarités).

Réponse de Bruno Lemaire au rapport de la cour des comptes
Voici la réponse faite par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique :
" Je tiens tout d'abord à souligner le rôle déterminant des SAP dans l'économie de proximité pour les services rendus aux familles et pour le maintien de la cohésion sociale. Plus de 4 millions de ménages bénéficient des 26 activités de services à la personne à travers une large variété de modes de recours (particuliers employeurs, entreprises, associations, etc.). Ce secteur a vu, depuis 20 ans, la place des entreprises se développer considérablement, jusqu'à représenter aujourd'hui 46 % des heures rémunérées chez les prestataires. Il se trouve confronté à des enjeux majeurs portant sur l'attractivité des métiers, le recrutement et la fidélisation des employés, l'élargissement et la structuration de l'offre sur l'ensemble du territoire.
La transition démographique et le souhait des personnes âgées de rester à domicile vont exacerber ces défis avec des besoins de recrutement d'ici 2030 estimés à près de 250 000 emplois , ce qui en fera un secteur clé dans la bataille que mène mon ministère pour le plein emploi. Comme vous le soulignez, le soutien de l'État aux SAP est ainsi essentiel en répondant à la fois à des objectifs de développement économique, de création d'emplois, de lutte contre le travail dissimulé et de cohésion sociale.
Je tiens, à la lumière de ces éléments, à rappeler mon attachement à la pluralité de l'offre de services à la personne, essentielle pour répondre à la diversité des besoins des bénéficiaires. Différents modèles co-existent aujourd'hui, se distinguant par le mode de recours aux SAP (emploi direct ou prestataire), les types de structures (association, entreprise), le type d'activité ou encore de bénéficiaires (publics fragiles notamment).
Je pense que tous ont leur place dans ce paysage, et que la priorité de l'action gouvernementale doit être de favoriser, de façon transversale, le développement de l'offre en levant les entraves réglementaires ou concurrentielles qui peuvent la freiner. C'est le sens de notre action en faveur de la simplification, et la raison pour laquelle la ministre déléguée chargée des Entreprises, du Tourisme et de la Consommation, Mme Olivia Grégoire, avait annoncé fin 2023 des mesures d'assouplissement touchant au cahier des charges de l'agrément et à la condition d'activité exclusive qui ont été mises en œuvre depuis.
Concernant les dispositifs de soutien au secteur, je partage pleinement le constat de la Cour de la nécessité de mieux les suivre et les évaluer, pour permettre d'objectiver leur impact sur les pratiques des bénéficiaires et sur les dépenses publiques. Une éventuelle modulation des soutiens publics, à l'image de celles proposées par la Cour (par exemple l'amélioration du ciblage des soutiens et l'allègement des dépenses fiscales associées), ne pourra être envisagée qu'à la lumière de telles évaluations. Comme vous l'avez relevé dans votre rapport, différents travaux ont déjà été engagés par mes services dans cet objectif, ils seront poursuivis. Cette évaluation sera à réaliser dans son ensemble, notamment en intégrant les effets directs et indirects du recours aux SAP sur les comptes publics. Dans l'attente de ces évaluations, la stabilité du cadre socio-fiscal du secteur des SAP permet d'offrir une visibilité économique pour la croissance et le développement de l'ensemble des acteurs des SAP, constitués majoritairement de petites structures avec une faible rentabilité.
Enfin, la Cour pointe également les enjeux de pilotage attachés à cette politique publique. Je souscris à l'intérêt de le renforcer en associant les parties prenantes concernées sous l'égide de mon ministère représenté par Mme Olivia Grégoire.
Pour conclure, je tiens à remercier la Cour de la qualité du travail fourni et des échanges enrichissants que vous avez partagés avec les services du ministère tout au long de votre enquête, qui permettront d'alimenter des travaux essentiels pour répondre aux défis à venir de ce secteur."
Prises de position des acteurs du secteur des services à la personne
La Fédésap salue la réponse de Bruno Le Maire, confortant la stabilité du secteur
Voici la réaction de la Fédésap publiée dans un communiqué de Presse, suite à la réponse de Mr Bruno Lemaire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique :
" Si ce rapport, très documenté, a pour objet d’évaluer la pertinence des mécanismes de soutien publics aux Services à la Personne (SAP), la Fédésap regrette que la Cour fasse l’impasse dans son analyse sur un grand nombre de bénéfices directs et indirects induits par le travail des 1,3 millions d’intervenants à domicile.
Pour la Fédésap, loin d’être une niche fiscale, les dispositifs attachés au secteur des SAP sont en réalité une dépense fiscale « active » – un investissement – qui rapporte plus à l’État et à la Sécurité sociale qu’il ne coûte au budget de l’État. Ainsi, 1 € de crédit d’impôt génère 1,19 € de recettes fiscales et sociales supplémentaires si l’on prend en compte l’ensemble des effets indirects : emploi, insertion, formation, lutte contre le travail dissimulé, conciliation vie professionnelle/vie personnelle, soutien aux aidants et réponse au souhait de 86% des Français de vieillir chez eux.
Par ailleurs, est-il ici encore nécessaire de rappeler que les SAP ne sont pas réservés aux plus aisés de nos concitoyens. En effet, « depuis la généralisation du crédit d’impôt en 2017, les SAP sont plus accessibles pour les ménages les plus modestes (…). Ainsi, le taux de recours a augmenté de + 1,4 points chez les 10% des ménages aux revenus les plus modestes entre 2016 et 2020 ». Cette dynamique de démocratisation est par ailleurs soutenue par la mise en place de l’Avance Immédiate de Crédit d’Impôt (AiCi) en 2022 et le déploiement progressif du Crédit d’impôt famille (CIFAM) dans de nombreuses entreprises.
Dès la diffusion du rapport et avant toute analyse hâtive, la Fédésap a pris attache des services de Bercy pour s’assurer du soutien gouvernemental à la stabilité du cadre socio-fiscal du secteur. Ainsi, la Fédésap loue la réponse apportée par le ministre Bruno le Maire au rapport de la Cour, le ministre affirmant qu’aucune modulation des soutiens publics comme celles proposées dans le rapport ne pourra être envisagée sans une évaluation à 360 degrés des recettes induites par le secteur des SAP.
Et le ministre de préciser : « dans l’attente de ces évaluations, la stabilité du cadre social-fiscal du secteur des SAP permet d’offrir une visibilité économique pour la croissance et le développement de l’ensemble des acteurs du SAP ».
La Cour pointe en revanche de réels axes d’amélioration en termes de pilotage du secteur. La Fédésap ne peut que souscrire à cette analyse et soutient à cet égard la mise en place d’une gouvernance interministérielle sous l’égide du ministère de l’Économie.
« Sans générer de la comitologie à outrance, il nous apparait urgent de remettre en place une instance d’arbitrage unique et un canal de communication partagé associant toutes les parties prenantes. De plus, à l’instar d’une entreprise, la Fédésap appelle de ses vœux la mise en place d’indicateurs de pilotage solides permettant une évaluation d’ensemble, afin que tous les impacts des mécanismes de soutien attachés à notre secteur soient objectivés et évalués. Alors que nous devons recruter quelques 250 000 nouveaux collaborateurs à horizon 2030, nous avons plus que jamais besoin de stabilité et de visibilité pour permettre aux professionnels du secteur de se tourner résolument vers l’avenir. », commente Frank Nataf, Président de la Fédésap.
Première fédération d’entreprises et d’associations de SAP, représentant l’ensemble des métiers et des statuts, la Fédésap a toujours été, est et sera toujours mobilisée pour défendre la pertinence du secteur et permettre à nos organisations de continuer leur mission à fort impact social. Elle répondra présente pour proposer de réelles sources d’optimisation dans une optique de simplification et d’harmonisation des pratiques au sein du secteur. "
La cour des Comptes n'a vraiment pas beaucoup réfléchi !
Ce sont pour la plupart des hommes hors sol !.
Par contre là où je suis d'accord pour une amélioration, c'est sur le contrôle de ces associations qui emploient le personnel d'aide AP et ces associations paient leur personnel encadrant avec le salaire majoré des employés et le bénéficaire déduit la totalité du montant ; c'est une niche pour ces associations qui n'est pas normale.
Perso je ne recrute que par le biais des sites qui proposent des offres en direct et pas par les assoc car ça coûte très cher a tout le monde et surtout à l'état !
Le Synerpa s’inquiète des recommandations de la Cour des comptes visant l’emploi à domicile.
Le Synerpa s’inquiète des préconisations formulées par la Cour des comptes dans son récent rapport sur le soutien de l’État aux services à la personne. Dans l’attente de précisions sur les aides qui seraient réellement impactées, le Synerpa tient à rappeler que les avantages fiscaux actuellement accordés au secteur rapportent davantage qu’ils ne coûtent. Par ailleurs, la suppression des dispositifs fiscaux pourrait faire basculer une part importante des emplois concernés dans l’économie informelle.
Dans ce contexte, et face aux besoins immenses générés notamment par le vieillissement de la population, les professionnels du grand âge attendent d’être rapidement rassurés sur le périmètre des aides impactées.
Une mise en danger de la politique de maintien à domicile et de l’autonomie des personnes âgées
Le rapport de la Cour des comptes préconise de réduire le soutien de l’État aux services à la personne, en diminuant notamment le périmètre des activités éligibles aux aides.
Concernant le grand âge, les dispositifs fiscaux pourraient être recentrés sur l’accompagnement de la dépendance.
Le Synerpa exprime son inquiétude quant à de telles préconisations qui ne tiennent pas compte de l’ensemble des activités de la vie quotidienne qu’assurent les services d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD), ainsi que leurs impacts socioéconomiques conséquents.
En effet, les avantages fiscaux accordés au secteur représentent un retour sur investissement réel pour les pouvoirs publics :
- Une étude sectorielle a démontré que le crédit d’impôt service à la personne rapporte plus qu’il ne coûte aux pouvoirs publics.
- Ainsi, chaque euro investi dans le secteur des services à la personne génère un retour sur investissement positif de 1,48 euro pour les finances publiques : pour 1,21 euro de retours financiers directs (cotisations, TVA, impôts), et pour 0,27 euro de retours indirects liés à l’argent que n’a pas à débourser l’État.
Un risque de bascule de l’emploi du secteur vers le non-déclaré
Le secteur représente 570 000 aides à domicile, qui accompagnent chaque jour 1,3 million de personnes âgées de plus de 60 ans. En fort développement, ce secteur va devoir attirer, recruter et former de plus en plus de personnels supplémentaires pour répondre au choc démographique.
Face à la suppression des dispositifs fiscaux, le risque de voir le secteur basculer dans l’économie informelle ne doit pas être ignoré par les pouvoirs publics. Cette régression fragiliserait tout à la fois les salariés et les personnes âgées accompagnées.
Pour Jean-Christophe Amarantinis, président du Synerpa : « Alors que le secteur de l’accompagnement à domicile peine déjà à s’inscrire dans un modèle économique pérenne, le rapport de la Cour des comptes ne peut être que source d’une vive inquiétude. »
Pour Nicolas Hurtiger, président du Synerpa Domicile : « Au lieu de fragiliser les dispositifs existants, il est essentiel que les pouvoirs publics agissent en soutien de la filière pour répondre au souhait d’une très large majorité de Français de pouvoir vieillir à domicile. »