Compromis pour la proposition de loi "Bien Vieillir"

La commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir et de l'autonomie, s'est réunie le mardi 12 mars 2024 et est parvenue à un accord.

Mardi 19 mars 2024, l'Assemblée nationale a approuvé a été approuvée, avec 177  députés pour et 51 députés contre, la proposition de loi "bien-vieillir", mais une partie des oppositions demande une loi "grand âge".
Le Sénat examinera en séance publique les conclusions de la commission mixte paritaire le mercredi 27 mars 2024.

La CMP a trouvé un compromis qui préserve l’équilibre du texte voté par le Sénat qui avait veillé, à l’initiative des rapporteurs Jean Sol et Jocelyne Guidez, à recentrer la proposition de loi sur les mesures susceptibles d’avoir un impact.
En ce qui concerne la gouvernance et le pilotage, l’inscription territoriale du service public départemental de l’autonomie (SPDA) est confirmée. Le SPDA sera le lieu de la coordination et de la planification pluriannuelle des politiques de l’autonomie.
La CMP a maintenu les dispositions de la proposition de loi du président Bruno Retailleau tendant à créer un droit de visite en établissements, introduites par le Sénat en première lecture. En particulier, un droit inconditionnel de recevoir de la visite est reconnu pour les personnes en fin de vie ou en soins palliatifs, même en cas de crise sanitaire.

Pour découvrir les points essentiels de la loi, nous vous invitons à écouter l'épisode du Podcast Servez-Vous sur les points essentiel de la "Loi Bien Vieillir".


Services Autonomie à Domicile

Le texte de la CMP assouplit les conditions de la transformation des services de soins infirmiers à domicile (Ssiad) en services autonomie à domicile (SAD) proposant à la fois de l’aide et des soins. En particulier, un Ssiad pourra poursuivre son activité pendant une durée de cinq ans dans le cadre d’une convention ou d’un groupement à défaut de présenter une demande d’autorisation en SAD, et la date limite pour déposer cette demande d’autorisation est repoussée de six mois, au 31 décembre 2025.
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Tarification de l'hébergement en EHPAD

En ce qui concerne la tarification de l’hébergement en Ehpad, la CMP a adopté une rédaction de compromis qui permettra aux établissements habilités à l’aide sociale de bénéficier d’une souplesse encadrée pour fixer leurs tarifs.
La CMP a confirmé la création d’un droit pour les résidents d’Ehpad de voir leur animal domestique accueilli au sein des établissements en prenant en compte la volonté du Sénat d’encadrer ce droit afin de garantir la santé et la sécurité des résidents et du personnel, ainsi que le bien-être des animaux.
Suivant l’avis de la rapporteure de la commission des lois Elsa Schalck, la CMP a également entériné la position du Sénat sur les articles relatifs à la protection juridique des majeurs. Elle a adopté l’article portant création du registre national des mesures de protection attendu par tous les professionnels.
Pour Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales, « ce texte aborde des questions qui se posent avec une intensité croissante avec le vieillissement de la population sans toutefois les épuiser. Pour réussir le virage domiciliaire, améliorer les conditions d’hébergement en Ehpad ou répondre aux besoins d’inclusion des personnes en situation de handicap, des réformes plus profondes et des moyens renforcés sont nécessaires. Seul un projet de loi présenté par le Gouvernement permettrait de matérialiser cette ambition. »
Le Sénat se prononcera sur les conclusions de la commission mixte paritaire le mercredi 27 mars.
Vous pouvez consulter le dossier législatif


Les objectifs de la loi bien viellir

La proposition de loi "Bien Vieillir" a trois finalités :
  1. Renforcer le pilotage de la politique de prévention de la perte d’autonomie et lutter contre l’isolement social, en :
    1. créant une Conférence nationale de l’autonomie chargée de piloter la politique de prévention et de définir des orientations prioritaires pour les actions mises en œuvre par les conférences des financeurs de la prévention de la perte d’autonomie et de l’habitat inclusif, dans le cadre d’un plan pluriannuel ;
    2. facilitant les démarches des personnes âgées, des personnes en situation de handicap et des proches aidants par le service public départemental de l’autonomie, en garantissant que les services et les aides dont ils bénéficient soient coordonnés et que la continuité de leur parcours soit assurée, dans le respect de leur volonté ;
    3. luttant contre l’isolement des personnes en situation de vulnérabilité : la proposition de loi  permet ainsi aux services sociaux et sanitaires de disposer plus facilement des données facilitant le repérage des personnes âgées ou en situation de handicap isolées ;
  2. Promouvoir la bientraitance en luttant contre les maltraitances des personnes en situation de vulnérabilité et garantir leurs droits fondamentaux, en :
    1. intégrant la prévention et la lutte contre les maltraitances dans les missions de l’action sociale, et en instaurant un droit de visite pour les proches ainsi qu’un droit au maintien du lien social et de la vie familiale, et en précisant le rôle de la personne de confiance ;
    2. renforçant le dispositif d’alerte des situations de maltraitance par la création d’une instance territoriale pour assurer le recueil, le traitement et l’évaluation des alertes dont les rôles et missions seraient précisées ;
    3. précisant les missions de la protection juridique des majeurs notamment au travers d’une charte éthique et de déontologie, et en posant l’obligation de signalement de toute situation de maltraitance constatée ;
  3. Garantir à chacun des conditions d’habitat ainsi que des prestations de qualité et accessibles, grâce à des professionnels accompagnés et soutenus dans leurs pratiques, en :
    1. expérimentant une carte professionnelle destinée aux professionnels du secteur du domicile, afin de faciliter la pratique quotidienne de leur métier ;
    2. accompagnant financièrement par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) les départements qui mettent en œuvre des solutions pour contribuer au soutien à la mobilité des professionnels du domicile ;
    3. définissant les modalités d’accréditation des évaluateurs de la qualité des Établissements et services sociaux ou médico‑sociaux (ESMS) et en fixant une obligation de transparence et d’accessibilité des indicateurs qualité et des résultats de ces évaluations.

Les réactions à la loi Bien Vieillir 

Réaction de la FNADEPA

La FNADEPA, Association loi 1901 créée en 1985, qui regroupe des directeurs d’établissements et de services pour personnes âgées de tout statut (fonction publique territoriale et hospitalière, associatif et privé commercial) a diffusé ce communiqué : 
"Alors que le Président de la République a confirmé dans une interview le 10 mars que le projet de loi sur la fin de vie sera présenté au printemps et prévoira une « aide à mourir » qui concernera également le domicile et les Ehpad, la FNADEPA alerte sur le message envoyé aux Français : l’aide à mourir ne peut pas être la seule réponse de l’Etat face à la vague démographique qui s’annonce.
Si la FNADEPA ne souhaite pas se prononcer sur la mise en œuvre de ce nouveau droit, dont la création appartient au législateur, elle s’interroge sur la symbolique du message envoyé aux Français de pouvoir prochainement être « aidés à mourir » mais pas à « bien vieillir ». 
En effet, malgré la promesse du Président Macron en 2018, et l’engagement de la Première ministre Elisabeth Borne et de la ministre des Solidarités et des Familles Aurore Bergé en novembre 2023 de présenter une loi Grand âge d’ici l’été, le projet de loi semble une fois de plus à l’arrêt et n’est toujours pas à l’agenda parlementaire.
Pourtant, la réalité démographique nous impose d’agir : d’ici 2060, 23,6 millions de personnes seraient âgées de 60 ans ou plus, soit une hausse de 80 % en 53 ans.
Si la proposition de loi Bien-Vieillir, qui sera définitivement adoptée d’ici fin mars, permet quelques avancées, elle n’engage aucune réforme majeure et n’apporte aucun financement nouveau, alors que 89 % des Ehpad, résidences autonomie et services à domicile annonçaient un déficit fin 2023 et que 78 % d’entre eux manquent de personnel.
Le modèle d’accompagnement du Grand âge est à bout de souffle. Il est plus qu’urgent d’agir.
La FNADEPA alerte : l’aide à mourir ne peut pas être la seule réponse de l’Etat face à la vague démographique qui s’annonce. Elle appelle le gouvernement à présenter au plus vite le projet de loi Grand âge tant de fois promis".


Réaction du Synerpa concernant la loi Bien Vieillir 

Voici un communiqué du Synerpa, première confédération de l’hébergement, de l’aide et de l’accompagnement de la personne âgée :

"Vote de la PPL « bien-vieillir » : quelques mesures techniques très insuffisantes pour répondre aux immenses besoins du grand âge 

Quelques mesures techniques qui vont dans le bon sens…

Ce mardi 19 mars 2024, après accord en commission mixte paritaire, l’Assemblée nationale a adopté la proposition de loi portant diverses mesures relatives au grand âge et à l’autonomie. Ce texte prévoit quelques mesures techniques qui vont dans le bon sens :

  • • La création d’un service public départemental de l’autonomie (SPDA) qui sera territorialisée, sous l’égide des départements et des ARS ;
  • La mise en place d’une cellule départementale de recueil et de suivi des signalements de maltraitance, en lien avec l’ARS, la préfecture et le conseil départemental ;
  • Le soutien financier de la CNSA aux départements pour soutenir la mobilité des aides à domicile, par exemple pour financer l’obtention d’un permis de conduire.

… mais qui restent très insuffisantes pour répondre aux difficultés majeures du secteur

Si les quelques avancées de la proposition de loi vont dans le bon sens, elles restent largement insuffisantes pour répondre aux immenses difficultés économiques et sociales auxquelles font face les acteurs privés du grand âge depuis plus de deux ans :

  • Une inflation record et une hausse des coûts qui ne sont pas suffisamment compensées par la hausse des tarifs, entraînant un effet ciseaux qui met en péril la viabilité des établissements et services ;
  • Une perte d’attractivité des métiers et des pénuries de personnels alors que les besoins sont immenses. Le secteur va devoir recruter 370 000 personnels pour répondre à un vieillissement démographique sans précédent : d’ici 2030, la population de personnes âgées de plus de 75 ans va augmenter de 19 % ;
  • Une iniquité de traitement persistante entre les salariés des secteurs public et privé, lequel ne bénéficie pas du même soutien de l’État alors qu’il assure les mêmes missions et qu’il est confronté aux mêmes difficultés.

Des attentes qui restent fortes à l’égard des pouvoirs publics 
Face à ces difficultés majeures, le Synerpa rappelle les attentes fortes des acteurs privés du grand âge pour maintenir la capacité et la qualité de l’accompagnement des personnes âgées :

  • L’élaboration d’une loi de programmation du grand âge, dont la concrétisation reste pour le moment très incertaine, malgré les engagements du gouvernement, alors qu’elle est indispensable pour apporter de la visibilité et anticiper les besoins croissants du secteur ;
  • L’élaboration d’une réforme pour le secteur de l’aide à domicile, augmenter les financements et les crédits des départements, étendre le forfait coordination à tous les services autonomie et valoriser ces métiers essentiels pour accompagner le virage domiciliaire plébiscité par les Français ;
  • Des réponses immédiates aux difficultés financières, notamment l’avancement  de la publication de l’instruction budgétaire 2024 et de son application pour répondre aux besoins de trésorerie des établissements ;
  • L’extension des primes de sujétion nuit et week-end aux salariés du privé commercial, seuls exclus de cette mesure de revalorisation.

Enfin, dans l’optique de coconstruire l’avenir du grand âge, le Synerpa est prêt à collaborer avec le gouvernement dans la mise en place de la Conférence nationale de l’autonomie, annoncée hier par Fadila Khattabi. Par ailleurs, la confédération salue l’approche interministérielle souhaitée par la ministre, une démarche essentielle pour assurer une coordination efficace des politiques publiques relatives au secteur.

Pour Jean-Christophe Amarantinis, président du Synerpa : « Si cette proposition de loi permet de remettre la question de la société du bien-vieillir au centre du débat, elle ne permet pas de répondre aux attentes du secteur qui restent immenses à l’égard de la puissance publique. Si l’on veut répondre à la transition démographique qui s’amorce, il est indispensable et urgent de prendre enfin des mesures de long terme, aussi bien en matière de financement que de formation et d’attractivité des métiers. Le gouvernement s’est engagé à plusieurs reprises pour une loi de programmation. Nous espérons que cet engagement sera tenu et rappelons que nous sommes à la disposition des pouvoirs publics pour coconstruire un texte nourri de notre expérience de terrain. »