Allouer plus de moyens face à l’augmentation du nombre de seniors

Le PLFSS 2024 prévoit d’accorder des moyens supplémentaires pour la création de nouvelles places de Services de Soins Infirmiers à Domicile (SSIAD) ainsi que pour le financement en Ehpad de personnes âgées à la perte d’autonomie accrue.

Ces mesures constituent une nouvelle étape dans la trajectoire de développement de l’offre prévue à horizon 2030 pour accompagner la hausse de la population âgée en perte d’autonomie. D’après les projections de la DREES (Direction de la Recherche, des Etudes, de l'Evaluation et des Statistiques), le nombre de personnes bénéficiaires de l’APA (Allocation Personnalisée d’Autonomie) devrait passer de 1.4 à 1.6 million entre 2021 et 2030, soit une hausse de 213 000 personnes (+15%). Afin de tenir compte de la préférence des Français pour le maintien à domicile, le choix a été fait au moment de la LFSS (Loi de Financement de la Sécurité Sociale) pour 2022 d’un objectif de “virage domiciliaire” ambitieux en 10 ans, visant à faire passer le “taux d’institutionnalisation” (en Ehpad) parmi les personnes en perte d’autonomie de 41% à 37% entre 2021 et 2030. Il est donc prévu d’ici 2030, la création de 25 000 places de SSIAD de plus. Ces dernières devraient permettre l’accompagnement de près de 180 000 personnes âgées.

Afin de consolider cette offre, plusieurs réformes de financement ont été décidées. S’agissant des Services d’Aide et d’Accompagnement à Domicile (SAAD) financés par les départements (au titre non seulement de l’APA pour les personnes âgées mais également de la PCH - Prestation de Compensation du Handicap - pour les personnes handicapées), un tarif plancher national a été instauré en 2022 (à 22€) pour assurer leur viabilité économique partout sur le territoire. Il a été relevé en 2023 à 23€ et est désormais indexé sur l’inflation.

S’agissant des SSIAD financés directement par la sécurité sociale, de nouvelles modalités de tarification ont été élaborées et sont amenées à remplacer progressivement les anciennes règles d’ici 2027. Les différences de besoin des personnes âgées seront désormais prises en compte, contrairement à la dotation forfaitaire par place qui existait jusqu’alors et qui n’incitait pas à prendre en charge les personnes âgées isolées ou atteintes de pathologies lourdes. En outre, un plan d’aide à l’investissement de 2.1 milliards d’euros en cumul entre 2021 et 2025 (c’est le “Ségur investissement” : 1.5 milliard d’euros pour les Ehpad et les résidences autonomie et 0.6 milliard d’euros pour le numérique dans l’ensemble des ESMS) a été alloué à la transformation de l’offre, afin d’améliorer le cadre de vie des résidents et de renforcer la contribution des systèmes d’information à la qualité des accompagnements.


Ouvrir la voie au transfert de financement des Ehpad vers la branche autonomie 

Le rapport de la députée Christine Pirès-Beaune, remis au gouvernement à l’été 2023, a mis en lumière les difficultés financières que rencontrent les Ehpad (et les services à domicile). Il rappelle la nécessité de soutenir financièrement les Ehpad.

Le modèle actuel repose sur un financement par les Agences Régionales de Santé (ARS) des charges liées aux soins, par les conseils départementaux des charges liées à la dépendance, et par les résidents et leurs familles des charges liées à l’hébergement, à travers 3 sections tarifaires distinctes. Ce cadre de financement ne permet pas de soutenir efficacement les établissements et est source de complexité à la fois pour les usagers et les établissements. De plus, il limite la réponse apportée aux enjeux d’équité de l’accompagnement entre les territoires et de diminution du reste à charge pour les résidents et leurs familles.

Le gouvernement, à travers ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, souhaite faire évoluer ce mode de financement en proposant à partir de 2025, aux conseils départementaux volontaires, de rapprocher les dépenses liées à la prise en charge de la dépendance de celles afférentes aux soins en les regroupant dans une section unique relevant d’un financement exclusif par la 5ème branche de la sécurité sociale (dédiée à l’autonomie). Ce cadre de financement rénové et simplifié sera alors piloté par l’Agence Régionale de Santé (ARS) et permettra de réduire les écarts de financement sur les territoires. Cette nouvelle tarification permettra en outre de financer des actions de prévention en Ehpad par la branche autonomie. Cette mesure s’accompagnera, dans les prochaines lois financières, d’un transfert de recettes entre les conseils départementaux concernés et la CNSA (Caisse Nationale de Solidarité pour l'Autonomie).

François Sauvadet, le président de Départements de France est inquiet. Dans un communiqué de presse, Il écrit : “Comment les départements pourront-ils continuer à investir, si les dépenses imposées par l’Etat s’accumulent sans nouvelles ressources à la clef ? Comment l’Etat compte-t-il être pris au sérieux sur son engagement en faveur du bien vieillir quand pas un euro supplémentaire n’est prévu à ce jour pour faire plus et mieux face au vieillissement de la population. Nous attendons des actes et des décisions fortes en particulier sur la réforme des concours de la CNSA ( ndlr : Caisse Nationale de Solidarité pour l'Autonomie).”

D’après une déclaration de France Assos Santé, cette mesure (expérimentale) concernant la possible fusion des tarifs soins et dépendance, ne pourra répondre à la problématique des restes à charge qui se concentrent sur le tarif hébergement. Par ailleurs, l’organisation se dit surprise de ne trouver dans le PLFSS “aucune mesure concrète concernant la restructuration et le renforcement nécessaire de la filière palliative, pourtant annoncée à de multiples reprises.” France Assos Santé estime que “des principes législatifs auraient été bienvenus pour s’assurer de la bonne mise en œuvre des mesures attendues, notamment que chaque département puisse disposer d’une unité de soins palliatifs, qu’une unité de soins palliatifs pédiatriques soit créée, qu’une hospitalisation de jour en soins palliatifs soit mise en place et que des structures relais entre le domicile et l’hôpital soient créées.” 
 
 
Besoin d'aide à domicile ?

Recruter plus de personnel 

Un autre volet, tout aussi majeur, du renforcement des politiques de soutien à l’autonomie concerne la qualité des accompagnements. Promesse phare de l’élection présidentielle de 2022, les effectifs de personnels dans les Ehpad sont amenés à augmenter de 50 000 ETP (Equivalent Temps Plein) d’ici 2030. Environ 6000 professionnels supplémentaires pourront ainsi être recrutés en 2024 grâce aux moyens en hausse par rapport à l’année précédente. Les effectifs supplémentaires prévus devraient permettre de faire passer à terme le taux d’encadrement de 65 à 72 personnels pour 100 résidents. Il en résultera un temps accru en proximité des résidents, ainsi que de meilleures conditions de travail.

Quant au soutien à domicile, plusieurs mesures décidées depuis 2022 visent déjà à renforcer la qualité des interventions : 

  • Depuis 2022, les SAAD qui réalisent certaines actions requérant des moyens accrus (interventions de nuit, dans des zones isolées, etc.) peuvent bénéficier, sous réserve de la conclusion d’un  Contrat Pluriannuel d'Objectifs et de Moyens (CPOM) avec le département, d’une dotation complémentaire de 3€ par heure en moyenne intégralement financée par la branche autonomie.
  • Depuis 2022, les missions des Ehpad ont été élargies afin qu’ils puissent apporter un appui au soutien à domicile (comme la mise à disposition de ressources au profit des professionnels du domicile, des interventions en appui des services à domicile etc.). À terme, il est envisagé que 10% des Ehpad puissent remplir ce nouveau rôle.
  • À partir de 2024, les personnes âgées bénéficiaires de l’APA pourront se voir proposer jusqu’à 2 heures de soutien supplémentaire à domicile par des professionnels, consacrées exclusivement à l’accompagnement et au lien social.C Cette mesure vise à lutter contre l’isolement, mieux prévenir la perte d’autonomie et repérer les fragilités. Ce temps supplémentaire, qui pourrait concerner près de 800 000 personnes, sera ainsi l'occasion de sanctuariser du temps pour des actions de prévention de la perte d'autonomie. Il pourra atteindre 9 heures par mois et sera, si besoin, mobilisable au-delà du plafond du plan d’aide.
Ces plages horaires creuses des aides à domicile, permettra aussi de les aider à avoir des temps pleins pour éviter les journées morcelées. C’est un instrument important d’attractivité et de fidélisation du métier d’aide à domicile. Afin d’accompagner la mise en œuvre de la mesure, un décret sera publié d’ici la fin de l’année et des outils méthodologiques proposés aux professionnels du secteur. 


Revaloriser les salaires pour rendre les métiers plus attractifs 

Le soutien aux revalorisations salariales atteint 3.6 milliards d’euros en 2023 (dont 3.5 milliards d’euros pour la branche autonomie), que l’on peut décomposer en 4 vagues :

  • Les accords du “Ségur de la santé” (signés en 2020) qui octroient une revalorisation salariale pour l’ensemble des personnels des Ehpad (2.2 milliards d’euros pour la branche autonomie). 
  • Les accords dits “Laforcade” (signés en mai 2021), l’un étend la revalorisation aux professionnels soignants du secteur social et médico-social du champ non-lucratif, l’autre à ceux qui exercent dans les ESSMS (Etablissements et Services Sociaux et Médico-Sociaux) financés par les départements (0.6 milliards d’euros).
  • L’avenant 43 à la convention collective de la Branche de l’Aide à Domicile (BAD) (signé en octobre 2021) procède à une revalorisation des salaires et met en place une nouvelle classification des emplois, pour les personnels relevant de la branche (secteur privé non lucratif), notamment en SAAD (0.3 milliards d’euros).
  • La conférence des métiers (février 2022), pour les travailleurs sociaux des ESSMS (Etablissements et Services Sociaux et Médico-Sociaux) à titre principal (mais également le personnel médical en Ehpad  et en ESSMS pour personnes handicapées et les personnels des SAAD publics) (0.5 milliards d’euros). Par ailleurs, les mêmes personnels ont bénéficié de la revalorisation de 3.5 % du point d’indice de juillet 2022, et bénéficient également des mesures de revalorisation annoncées le 12 juin dernier dans le champ de la fonction publique.
Dans le secteur privé non lucratif, l’objectif est de parvenir à la construction d’une convention collective unique dans le champ de la branche du secteur sanitaire, social et médico-social. A cette fin, 300 millions d’euros seront engagés (150 millions d’euros en 2023, puis 150 millions d’euros supplémentaires en 2024) avec une demande aux partenaires sociaux de les utiliser d’abord à destination des bas salaires. 



Préserver un équilibre de la branche autonomie à l’horizon 2027 : est-ce réalisable ?

Selon le gouvernement, l’évolution tendancielle des recettes de la branche autonomie devrait permettre de concilier à l’horizon 2027 le financement de l’ensemble des mesures nouvelles prévues avec le maintien à l’équilibre de la branche autonomie.

Comme prévu par la loi du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l’autonomie, la branche bénéficiera en 2024 de l’apport d’une fraction supplémentaire de 0.15 point de CSG (soit environ 2,6 milliards d’euros) en provenance de la Caisse d’Amortissement de la Dette Sociale (CADES).

Ce surcroît de recettes, consommé à moitié dès 2024, devrait générer un excédent temporaire, amené à se réduire avec la montée en charge progressive des mesures nouvelles (l’objectif global de dépenses médico-sociales de l’ONDAM, qui représente environ les ¾ des dépenses de la branche autonomie, est prévu en progression de 3.9% par an en moyenne entre 2024 et 2027 dans le Projet de Loi de Programmation des Finances Publiques, soit un rythme de progression plus rapide que celui des recettes).

La CGT ne partage pas les ambitions affichées du gouvernement. Le syndicat estime que les propositions de ce PLFSS sont loin d’être à la hauteur. “La hausse de l’Objectif National de Dépenses d'Assurance Maladie (ONDAM) fixée à 3.2% se situera pour l’année 2024 en dessous de l’inflation et en dessous de sa dynamique naturelle d’augmentation à 4.6%. L’ONDAM reste un outil d’austérité et c’est pour cela que la CGT s’y est historiquement opposée.” précise le communiqué de presse de la CGT.


Les Ehpad, au coeur de profondes transformations 

Le Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale (PLFSS) 2024 ne fait pas l’unanimité. Cependant, il semble illustrer un engagement réel en faveur de la réforme des Ehpad, avec un ensemble de mesures visant à améliorer le bien-être des résidents, attirer du personnel ou encore, ajuster la tarification pour refléter les coûts réels de l'hébergement et de l'accompagnement. Pour le gouvernement, il s’agit également d’une série de mesures qui s’inscrivent dans une trajectoire de hausse sans précédent des moyens alloués par la sécurité sociale au soutien à l’autonomie.

Ces changements, bien que longs et complexes à mettre en place, démontrent (enfin) une prise de conscience croissante des défis liés à la dépendance et à l'accueil des personnes âgées dans notre société. Les Ehpad, en tant qu'acteurs essentiels de cette prise en charge, ont ainsi un rôle crucial à jouer dans la réussite de cette réforme et dans l'amélioration de la qualité de vie des personnes âgées dépendantes.

Vous êtes un directeur d'EHPAD, vous souhaitez recruter de bons profils, Aladom vous accompagne. Découvrez nos solutions.

Source des informations sur le PLFSS 2024 : Ministère du Travail, de la Santé et des Solidarités