L’importance de bien se nourrir pour les personnes âgées
Suite à la parution en janvier 2022 du livre-enquête “Les Fossoyeurs”, rédigé par un journaliste indépendant d’investigation Victor Castanet, qui mettait en lumière certaines pratiques inquiétantes du groupe Orpéa, leader mondial des Ehpad et des cliniques, une tempête d’envergure nationale est venue s’abattre sur ces établissements. Après 3 ans d’investigations et de témoignages, son auteur y dénonçait la maltraitance des personnes âgées, des salariés sous-pression, en sous-effectifs et malmenés, des “acrobaties” comptables ou encore, de l’argent public gaspillé. Comme le souligne l’article du mensuel 60 Millions de consommateurs, “si Orpéa et d’autres groupes privés ont été épinglés pour maltraitance et privation de soins, il était aussi question de malnutrition.”
Or,
bien vieillir passe aussi par une alimentation variée, saine, équilibrée et qui donne envie. En effet, il a été démontré qu’une bonne alimentation pouvait renforcer l’immunité et combattre les toxines responsables de maladies. Mais aussi, bien se nourrir aide à avoir meilleure mine, ce qui apporte des effets bénéfiques sur l’humeur et l’estime de soi. Une bonne alimentation est importante à tout âge. Elle l’est d’autant plus pour les personnes âgées, plus particulièrement concernées par le risque de dénutrition et ses effets corollaires. De plus, selon la diététicienne Annick Ruffat interviewée par le magazine 60 Millions de consommateurs, “contrairement aux idées reçues, le vieillissement augmente les besoins énergétiques, à cause d’un moins bon rendement métabolique”, d’où l’importance de proposer à nos aînés des plats de qualité.
Afin de mieux connaître le quotidien alimentaire des seniors dans les
Ehpad, pour les besoins de l’enquête du mensuel 60 Millions de consommateurs, plus de 205 résidents d'Ehpad, âgés de 70 à 103 ans, ainsi que leurs proches, ont répondu à un questionnaire en ligne.
Si la majorité des répondants estiment que les plats servis sont assez équilibrés - même si certains notent qu’il y a généralement plus de féculents que de légumes, ces mets sont loin de faire l'unanimité auprès des seniors. Visuellement et gustativement, on n’y est pas ! L'enquête du magazine pointe du doigt une mauvaise qualité des repas, laquelle pourrait dangereusement compromettre la santé des résidents d'Ehpad.
Des contenus d'assiettes peu ragoûtants
L’enquête de 60 Millions de consommateurs fait ressortir l'insatisfaction des résidents d’Ehpad quant aux repas qui leur sont servis. En effet, ces derniers déclarent les plats mixés (qui sont le plus souvent proposés aux résidents à cause de difficultés à mâcher ou de troubles de déglutition) “peu appétissants”, “sans aucun goût”, “c’est toujours la même chose, une bouillie immangeable”, “des aliments non identifiables et non présentés lorsqu’on nous apporte les plateaux”.
Le fils d’une résidente d’un Ehpad de Toulouse se désole : “Si ma mère ne mange pas son plat mixé, il n’y a pas d’autres solutions, et donc elle maigrit”. L’enquête souligne que certains établissements choisissent de mixer tous les repas. Est-ce là une solution de facilité ? Pas nécessairement. En effet, il est certes plus rapide de nourrir à la cuillère plusieurs résidents en même temps que de leur couper la viande et attendre qu’ils mâchent. Mais, il convient de relever quele manque de personnel en cuisine comme en salle dans les Ehpad, joue sur la qualité et l’organisation des repas pris en salle. D’ailleurs, l'enquête souligne que dans un tiers des cas seulement, seule une personne est présente tout au long du repas. Les plus mal lotis sont les résidents ayant des difficultés à porter la nourriture à la bouche. Ainsi, 87% d’entre-eux doit patienter de longues minutes pour pouvoir manger. De quoi couper l’appétit, qui plus est avec un plat froid donc, un plat ayant perdu toute saveur et goût.
Résultats ? Seul un quart des résidents finit son assiette, 53% d’entre-eux la termine parfois et 21% jamais. Question de goût, d’appétit mais aussi de quantité, est-il souligné.

De trop longues périodes de jeûne
D’après l’enquête, les plages horaires entre les repas sont beaucoup trop longues, ce qui est préoccupant pour la santé des résidents âgés.
Avec un dîner servi entre 18h et 18h30, pas très loin de la collation du goûter, les résidents n’ont pas forcément faim. Mais le problème est le temps passé entre le dîner et le petit-déjeuner du lendemain, servi au plus tôt à 7h et au plus tard à 10h30. Dans 75% des cas, les 12 heures de jeûne maximum recommandées par les gériatres sont largement dépassées. Il avoisine souvent les 14 heures, ajoute le Professeur Eric Fontaine, président de la Société Francophone Nutrition Clinique et Métabolisme (Sfnep), médecin responsable de l’Unité de nutrition artificielle du CHU de Grenoble et fondateur du collectif de lutte contre la dénutrition, dans le cadre de l’enquête. Et puis, le repas doit rimer avec plaisir, c’est une priorité selon le Professeur Fontaine : "Je plaide pour le saucisson, les frites et la mayonnaise, le droit de tout manger !” déclare t-il.
Mais, comme le précise l’enquête, encore faut-il que l’appétit soit là. En effet, un certain nombre de résidents souffrent de problèmes dentaires et/ou de déglutition, d’une perte d’odorat et/ou du goût, sans compter les aides aux repas insuffisantes et les plats peu appétissants… Les risques de dénutrition sont grands dans cette tranche d’âge. Elle toucherait environ 30% des résidents d’Ehpad, contre 4 à 10% des plus de 70 ans à domicile.
Un budget de plus en plus limité pour l’alimentation
Les directeurs d’Ehpad évoquent un manque de moyens financiers pour personnaliser les repas en fonction des pathologies, proposer des repas variés de qualité, recruter du personnel en salle et en cuisine.
L'enquête révèle que la gageure est multiple pour les directeurs des 7500 Ehpad répartis sur l’ensemble du territoire afin de répondre aux attentes des uns et des autres. Ils doivent, en effet,
assurer une restauration collective avec des contraintes sanitaires et législatives parfois fortes, tout en répondant aux besoins nutritionnels de chacun. S'ajoute à cela une flambée des prix alimentaires depuis 2021. Ainsi, le “bien manger” de nos aînés se heurte de plein fouet à la question budgétaire.
Pour les établissements privés (24% des Ehpad en 2021 selon Uni-Santé),
la recherche de rentabilité limite souvent certains postes comme la restauration. Pour les autres, publics ou associatifs, le budget hébergement (qui inclut les repas) obéit à un taux fixé chaque année par les conseils départementaux. En moyenne, il tourne autour de 3%.
Pascal Champvert, Directeur de six Ehpad, membre du Conseil de l’âge et président de l’AD-PA (Association des Directeurs au service des Personnes Agées), va encore plus loin dans son analyse pour 60 Millions de consommateurs : “Quand on a 11% d’inflation sur les produits alimentaires et seulement 1% d’augmentation pour le budget hébergement dans certains départements, cela revient au gestionnaire d’économiser sur tout, les biscottes, les yaourts, le poids des portions de viande etc. Cette diète budgétaire entraîne inévitablement une baisse de la qualité des repas. Dans de nombreux départements, on donne de la malbouffe à nos aînés !”.
Il faut être réaliste, à raison de 5-6€ en moyenne pour une journée complète de repas (petit-déjeuner, déjeuner, collation, dîner), il est difficile d’élaborer des plats goûtus, équilibrés et bons. Dans l’enquête menée par 60 Millions de consommateurs, certains parlent même d’un coût de repas journalier autour de 3€ ! Un montant dérisoire, relève l’enquête, d’autant plus dur à avaler que les résidents paient de leur poche. D’après Pascal Champvert, c’est 60% du budget hébergement (sans les aides éventuelles). Et de poursuivre : “C’est énorme, nous sommes dans une société âgiste où les réformes pour améliorer les conditions de vie de nos seniors passent après tout le reste.”
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Source des informations :
60 Millions de consommateurs.