Le
site du ministère de la Transformation et de la Fonction Publique indique que le 8 avril 2021, le Président de la République lançait une profonde réforme de l’encadrement supérieur de l’État, sans équivalent depuis 1945. Cette réforme agit sur tous les leviers de la gestion des ressources humaines des cadres supérieurs : recrutement, formation, gestion des carrières et rémunération.
Lors de la convention managériale de l’État, le 8 avril 2021, le Président de la République déclarait : “Je veux une haute fonction publique, à l'image de la société qui épouse davantage ces pulsations, saisit ces demandes, incarne l'esprit du temps. […] Je souhaite aujourd'hui que nous puissions aller plus loin en repensant la formation et les parcours de ceux qui, au plus haut niveau, servent l'État. […] Comme en 1945, nous vivons un moment historique. Il y a 75 ans, notre pays épuisé sortait de deux guerres avec devant lui le défi immense de la reconstruction. L'ENA fut créée. Nous avons structuré notre haute fonction publique. En 2021, notre pays fait face à une pandémie historique, mais à ces grands bouleversements que j'évoquais tout à l'heure. Notre devoir est de savoir y répondre avec le même sens de l'histoire. […] Cette réforme est une chance. […]. Elle permettra davantage de mobilité entre les ministères, la formation tout au long de la vie, des secondes parties de carrière plus attractives au fond. Ce qui veut dire plus de liberté, plus de responsabilité, des portes ouvertes.”
Le ministère indique que l'objectif de cette réforme est double :
adapter la réforme aux nouveaux enjeux de l’action publique et aux attentes des hauts fonctionnaires.
Ainsi, réformer la haute fonction publique, c’est œuvrer à des recrutements plus ouverts, plus diversifiés, dynamiser les formations, les parcours et les carrières. C’est aussi continuer à attirer les nouvelles générations vers le service de l’État, consolider la dimension méritocratique des recrutements. C’est enfin lui permettre de mieux anticiper et de participer à relever les défis des transformations profondes du pays en matière économique, sociale, écologique et numérique.
Après une consultation menée auprès de 7 300 cadres supérieurs de l’État et de nombreux ateliers et groupes de travail, l’ordonnance du 2 juin 2021 portant la réforme de l’encadrement supérieur de l’État a fixé le cadre d’une rénovation en profondeur de la formation, de l’accès aux emplois et des parcours de carrière des hauts fonctionnaires.
A partir du 1er janvier 2023, les près de 6000 cadres supérieurs relevant des anciens corps administratifs d’encadrement supérieur de l’État (15 corps au total : administrateurs civils, administrateurs des finances publiques, corps préfectoral, corps diplomatique, corps d’inspection et de contrôle…)
ont vocation à rejoindre le nouveau corps des administrateurs de l’État.
L’objectif du gouvernement est de
donner une identité et un espace de carrière communs, ce qui permettrait de décloisonner les parcours, de promouvoir l’interministérialité et de développer la mobilité, entre métiers et périmètres d’action de l’administration :
- Des possibilités nouvelles et facilitées sont ainsi données pour alterner l’exercice de différents emplois supérieurs, pouvant s’enrichir mutuellement : exercice des missions dans les territoires puis dans les services centraux, fonctions opérationnelles ou de pilotage de politiques publiques, conduite de projets ou de contrôle, d’audit ou de conseil, etc…
- La progression de carrière au sein du corps sera moins linéaire et plus fortement valorisée en fonction du parcours individuel et notamment des mobilités, ce qui fera partie en particulier des critères, plus sélectifs, de l’avancement de grade.
- L’ambition est donc de faire bénéficier les administrateurs de l’État d’expériences multiples et ainsi capitaliser des savoir-faire professionnels pour mieux répondre aux enjeux et priorités des politiques publiques face aux grandes transformations.
En cohérence avec ces orientations, un nouveau dispositif de rémunération est mis en place à compter du 1er janvier 2023 :
- Une nouvelle grille de rémunération harmonisée et transparente, sera commune au corps des administrateurs de l’État et aux emplois fonctionnels supérieurs (préfets, ambassadeurs, inspecteurs généraux etc…).
- La rémunération sera plus attractive : un alignement est réalisé à la hauteur des niveaux indiciaires et des plafonds indemnitaires les plus élevés constatés dans les corps existants ou dans certaines administrations, tout en conditionnant leur accès aux parcours effectivement réalisés et à l’importance de l’engagement professionnel. L’expérience antérieure à l’entrée dans le corps sera mieux prise en compte.
- L’évolution de la rémunération indiciaire sera largement déterminée par la prise de responsabilités ou le risque d’exposition dans des postes supérieurs.
- L’ensemble des administrateurs de l’État et des emplois supérieurs relèveront d’un régime indemnitaire composé d’une part principale liée à l’exercice des fonctions, (modulable en fonction de l’expérience acquise, de la prise de responsabilités ou de la mobilité) et d’une part variable en fonction des résultats. Celle-ci représentera désormais jusqu’à 30% du montant global de primes et sera déterminée par le niveau d’atteinte des résultats collectifs et individuels fixés annuellement.
Renforcement de la formation continue, de l’évaluation et de l’accompagnement des carrières, valorisation des mobilités et des expériences opérationnelles… Ces ambitions ont pris forme avec notamment, la création dès le 1er janvier 2022 de l’Institut National du Service Public (INSP) anciennement ENA, de la Délégation Interministérielle à l’Encadrement Supérieur de l’État (DIESE) et du corps des administrateurs de l’État.
Telles sont les bases de la réforme de la haute fonction publique, pilotée par le ministère de la Transformation et de la Fonction Publique.
Les revendications et les incompréhensions fusent
Cette réforme ambitieuse ne plaît pas à tout le monde, en particulier aux cadres et futurs cadres des corps de direction de la FPH (Fonction Publique Hospitalière). Dans un communiqué de presse commun, le SYNCASS-CFDT (Syndicat des cadres de direction, médecins, dentistes et pharmaciens des établissements sanitaires et sociaux publics et privés), le CHFO (Cadre Hospitalier Force Ouvrière) et l’UFMICT-CGT (Union Fédérale des Médecins, Ingénieurs Cadres et Techniciens) ont appelé à une journée de grève et de mobilisation nationale des trois corps de direction (les DH - Directeur d’Hôpital, D3S - Directeur d'Établissement Sanitaire Social et Médico-Social, DS - Directeur des Soins) pour le jeudi 19 octobre. En effet, les syndicats estiment cette action nécessaire face à l’enlisement des discussions sur la déclinaison de la réforme de la haute fonction publique dans le domaine hospitalier.
Selon eux, “la logique de la réforme de la haute fonction publique n’est toujours pas respectée (...) l’incohérence persiste dans le traitement différencié des corps de direction. De plus, les contradictions perdurent : le régime indemnitaire, l’articulation entre les statuts et l’accès aux emplois demandent un traitement global qui n’est toujours pas sur la table. Les syndicats poursuivent en déclarant que : “Toutes les organisations ont souligné le caractère très négatif d’un calendrier différent selon les corps.”
Ils demandent, à l’occasion de cette grève, que
la réforme de la haute fonction publique s’applique à tous afin que les directeurs d’établissements de santé aient tous le même statut.
Les
fonctionnaires stagiaires amenés à diriger les
Ehpad ou les hôpitaux de proximité sont
également concernés, réclamant eux-aussi, une réforme plus égalitaire.
L'article du site Egora explique qu'aujourd’hui, plusieurs voies sont possibles pour devenir directeur d’établissement de soin (hôpital, Ehpad, établissement sanitaire, social et médico-social) : le concours de directeur d’établissement sanitaire social et médico-social (D3S) et notamment le concours de directeur d’hôpital (DH). Avec la réforme, la grille de rémunération et les nouveaux systèmes de primes seront applicables aux étudiants ayant obtenu le diplôme DH, mais pas pour ceux ayant obtenu un diplôme D3S. Ils redoutent
une baisse d’attractivité de la filière... Déjà en difficulté. "En envoyant le signal que les directeurs de ces structures ne sont finalement pas considérés comme des hauts fonctionnaires, le risque que les directeurs désertent ces structures est réel, ce qui aggraverait la situation actuelle", est-il indiqué dans le communiqué des fonctionnaires stagiaires, en demandant "un statut à la hauteur de [leurs] responsabilités futures".

Une mobilisation inédite
Le communiqué de presse du SYNCASS-CFDT, du CHFO et de l’UFMICT-CGT rapporte que l’appel à la grève et au rassemblement des trois organisations syndicales majoritaires des corps direction de la FPH (Fonction Publique Hospitalière) s’est traduit par un taux de mobilisation d’au moins 20%, ce qui représente plus de 1 000 grévistes dont 150 directrices et directeurs qui ont battu le pavé devant le ministère de la Santé.
Le communiqué précise que "le rassemblement était déterminé, sonore et convivial avec une forte mobilisation des futurs collègues ED3S (Élève Directeur d'Établissement Sanitaire, Social et Médico-Social). L’implication des promotions en formation à l’EHESP (Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique) a été très visible avec notamment 90% des deux promotions d’ED3S en grève et 100% des EDS (Elève Directeur des Soins). Des déclarations de soutien à la mobilisation ont également été faites au conseil d’administration de l’EHESP qui se tenait ce jeudi 19 octobre."
Une délégation des 3 organisations syndicales incluant deux délégués des promotions ED3S a été reçue, le jeudi 19 octobre, durant une heure par Lucie Ligier, conseillère au cabinet du ministre de la Santé et de la Prévention, et Philippe Charpentier, sous-directeur à la DGOS (Direction Générale de l'Offre de Soins).
Dans une déclaration commune, l’intersyndicale somme le ministre d’agir : “il doit impulser une nouvelle dynamique pour que la fonction publique hospitalière ne reste pas à la traîne de cette réforme.”
Pour les syndicats, “à ce stade, ce qui est annoncé pour la FPH, c’est une version au rabais et contre-productive de la réforme. Elle creuse les écarts entre les trois corps concernés et les isole, les plaçant dans un no man’s land, sans comparaison avec ce qui se réalise pour l’État ou les collectivités territoriales. Des étapes différentes sont proposées pour chacun des trois corps, sans arguments convaincants, et laissant craindre un oubli définitif. Cela va accentuer la crise de gouvernance des établissements médico-sociaux et sociaux, l’asphyxie des directions des soins, l’extension sans fin des périmètres des directions.”
L’intersyndicale ne veut pas d’une réforme bâclée, “Nous voulons le respect des engagements pris pour les collègues des trois corps de direction. Nous voulons de la cohérence et de l’ambition pour les établissements de la FPH et leurs directeurs.”
Les élèves D3S déplorent que la réforme de la haute fonction publique ne soit pas transposée à l’ensemble des corps de direction de la FPH. “À nouveau, ce sont celles et ceux qui s’occupent des publics les plus vulnérables qui ne sont pas pris en compte. Nos secteurs sont déjà en difficulté. En envoyant le signal que les directeurs de ces structures ne seront finalement pas considérés comme des hauts fonctionnaires, le risque que les collègues désertent ces établissements est réel, ce qui aggraverait la situation actuelle.” regrettent-ils.
Les Élèves Directeurs des Soins n’en démordent pas non plus, s’associant à leurs collègues. Ils déclarent : “Nos parcours sont complexes et ils légitiment nos revendications. Nous sommes tous soignants (majoritairement infirmiers de formation), cadres de santé pendant cinq ans minimum, admis à un concours national sélectif (30% reçus l’an dernier) et suivons une formation d’un an à l’EHESP. Sur le terrain nos responsabilités sont les mêmes que nos collègues DH ou D3S, c’est pourquoi nous demandons la reprise des négociations pour le corps des directeurs des soins.”
Face à ces revendications,
Les Echos Start rapporte que le ministère de la Transformation et de la Fonction publiques travaille âprement sur ce sujet : “Nous sommes conscients que les D3S font face à des enjeux spécifiques, notamment l'exercice isolé. Nous travaillons sur des mesures de revalorisation spécifiques car on a besoin d'eux.” Il va sans doute falloir retravailler le vocable… En effet, le terme de “mesures spécifiques” pour le corps utilisé lors de la réunion au ministère de la Transformation et de la Fonction Publiques le 10 octobre dernier est récusé par l’intersyndicale, il est désormais question de “réforme” appliquée au corps, précise t-elle.
Par ailleurs,
le dialogue entre les syndicats, les fonctionnaires stagiaires et le ministère n’a jamais été rompu. Plusieurs entrevues et réunions (avortées ou non) ont eu lieu durant l’année 2023. Et comme l’indique l'intersyndicale, le cabinet ministériel a exprimé la volonté d’un dialogue tenant compte des propositions des organisations syndicales. “Le travail est en cours. Nous avons dit que nous allions prendre en compte leurs demandes lors de notre dernière rencontre avec les organisations syndicales, début octobre.” Le ministère indique aussi qu'une “nouvelle copie actuellement en cours d'élaboration sera présentée d'ici la prochaine réunion de travail prévue en novembre 2023”, apprend-on des Echos Start.