Un risque réel de fermeture des Ehpad
Les
Ehpad sont en crise. Dans l’article
Il faut sauver les Ehpad publics français publié cet été, nous faisions déjà une remontée des résultats de l’enquête de la FHF (Fédération Hospitalière de France) en 2022, qui constatait une dégradation conjoncturelle des établissements en matière budgétaire et financière.
Les établissements destinés aux personnes âgées souffrent depuis plusieurs années de nombreux maux. Les récents scandales sanitaires et financiers du groupe de maisons de retraite privé Orpea, l’épidémie de Covid-19, la forte inflation et, le manque de personnel, sont autant de facteurs ayant mené la FNADEPA (Fédération Nationale des Associations de Directeurs d'Etablissements et services pour Personnes Agées) à interroger (une nouvelle fois) ses 1500 adhérents pour mettre en lumière les problématiques globales à la rentrée 2023.
L’
enquête flash Ressources Humaines et Finances menée par la FNADEPA en septembre 2023 et publiée le 5 octobre, révèle une dégradation significative de la situation financière des établissements et des services pour personnes âgées depuis octobre 2022 mais aussi, des
difficultés majeures qui perdurent en termes de ressources humaines.
Ainsi,
78% des établissements et services manquent de personnel. L’enquête montre toutefois que ces chiffres sont en légère amélioration, puisqu’ils étaient 89% en octobre 2022. D’autres données sont très alarmantes : 18.6% des Ehpad et résidences autonomie ont encore été contraints de fermer des lits et 68.7% des services à domicile ne peuvent pas honorer intégralement les plans d’aide APA (Allocation Personnalisée d'Autonomie). En parallèle, la situation financière s’aggrave. L’enquête révèle que
92.3% des établissements et services estiment être déficitaires en 2023, soit une augmentation de 27.5 points par rapport à 2022. Et si les aides de l’Etat ont limité l’impact de la hausse des coûts énergétiques, leurs versements se font attendre pour environ 72% des établissements les ayant demandés (72.4% pour l’électricité et 71.7% pour le gaz).
En conséquence de quoi,
50% des directeurs et directrices d’Ehpad envisagent de quitter leur poste à court ou moyen terme.
Ils étaient 43% il y a un an.
Des solutions existent : les préconisations de la FNADEPA
Pour la FNADEPA, les établissements et services pour personnes âgées sont très clairement au bord de la rupture. Il est urgent, selon la fédération, de mettre en place des mesures d’accompagnement conjoncturelles et une réforme structurelle. D’autant plus que les besoins en accompagnement vont s’accroître avec le vieillissement de la population.
Sur son site en ligne, la
FNADEPA appelle à lancer sans attendre 8 actions de court à long terme, non seulement dans le cadre du Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale 2024 mais surtout dans celui d’une loi de programmation pluriannuelle dédiée au Grand âge.
1 -
Lancer un Plan Marshall de recrutement avec 100 000 créations de postes sur 5 ans pour améliorer l’accompagnement des personnes âgées, à domicile comme en établissement.
2 -
Accélérer le versement des aides financières sur l’énergie (bouclier tarifaire / amortisseur) pour limiter l’impact sur les trésoreries, et garantir leur poursuite en 2024. Puisque les établissements médico-sociaux sont de gros consommateurs d’énergie, le bouclier tarifaire et l’amortisseur sont des dispositifs de soutien économique indispensables pour assurer leur survie. Néanmoins leur versement tardif met en tension la trésorerie des établissements et nécessiterait d’être accéléré.
3 -
Indexer les tarifs et budgets des établissements et services sur l’inflation. Face à une inflation importante (5.2% en 2022 et près de 4.8% estimés en 2023 selon l’INSEE), les budgets des Établissements et Services Médico-Sociaux (ESMS) sont en grande difficulté. Ils sont en effet insuffisamment revalorisés et dépendent en grande partie de décisions départementales hétérogènes.
4 -
Étendre la revalorisation des heures de nuit, week-end et jours fériés des infirmiers et aides-soignants de la fonction publique hospitalière, à tous les Ehpad en garantissant leur financement.
La revalorisation de ces heures est une mesure d’attractivité importante pour les professionnels concernés. Toutefois, elle ne concerne que la fonction publique hospitalière, alors que l’ensemble du secteur du Grand âge souffre d’une pénurie de ressources humaines. Il est souhaitable d’étendre cette revalorisation à l’ensemble des Ehpad (publics territoriaux et privés).
5 -
Financer les revalorisations salariales à hauteur des engagements pris : Ségur 1 et 2, Prime Grand âge, avenants 43…
Les mesures de revalorisations salariales mises en œuvre après la crise sanitaire étaient indispensables. Néanmoins, les financements alloués par l’État et les départements restent inférieurs aux dépenses des structures. Par exemple, 40% des services à domicile n’ont pas perçu l’intégralité des financements au titre de l’avenant 43 de la convention collective de branche de l’aide à domicile (chiffres : enquête FNADEPA septembre 2023). Du côté des Ehpad, 61.3% n’ont pas perçu tous les financements du Ségur de la santé. 57% n’ont pas perçu tous ceux de la Prime Grand âge et 74.7% tous ceux pour la revalorisation de la valeur du point de la fonction publique.
6 -
Mettre en œuvre une réforme structurelle de l’accompagnement du Grand âge et transformer le modèle économique des ESMS (Établissement ou Service Social ou Médico-Social) pour assurer la pérennité des structures.
7 -
Poursuivre la rénovation et l’équipement des établissements pour personnes âgées afin de moderniser les lieux de vie, améliorer les conditions de travail et faire face au changement climatique, via un Plan d’Aide à l’Investissement (PAI) renouvelé.
Suite au Ségur de la santé, des crédits de financement d’une ampleur inédite sont consacrés au PAI sur la période 2021-2025 : 2.1 milliards d’euros dont 1.5 milliard d’euros pour les opérations immobilières et mobilières et 600 millions d’euros pour les projets numériques. Au regard de la vétusté de nombreux Ehpad et résidences autonomie, des enjeux de performance thermique et numérique, le PAI devra être poursuivi à hauteur de 500 millions d’euros par an pour rénover les établissements existants et construire de nouvelles structures adaptées à une logique domiciliaire.
8 -
Adopter la proposition de loi “Bien-vieillir" d'ici la fin de l'année et engager une loi de programmation pluriannuelle pour le Grand âge au plus vite, dotée de 10 milliards d'euros sur 5 ans.

Une mobilisation nationale pour interpeller le gouvernement
Le mardi 4 octobre dernier, à l’occasion de la deuxième édition de la grande mobilisation nationale pour exiger une réforme majeure de l’accompagnement du Grand âge, la FNADEPA avait invité les directeurs d'établissements et de services pour personnes âgées à rassembler un maximum de personnes dans leurs structures, autour du même cri : “Les vieux méritent mieux !”.
Ce rassemblement, mêlant visioconférence et présentiel, fut un véritable succès puisque
près de 20 000 professionnels du grand âge, des personnes âgées, des familles, des élus et des bénévoles se sont rassemblés, pour réclamer des mesures d’urgence et une loi Grand âge structurelle.
La FNADEPA, qui n’a de cesse d’alerter le grand public et les politiques sur la situation de plus en plus dégradée des Ehpad, estime qu'aujourd’hui : “il y a urgence à faire entendre du gouvernement la situation critique dans laquelle est le secteur du Grand âge. La réforme attendue depuis des années n’est toujours pas dans les priorités nationales. La proposition de loi Bien Vieillir qui constitue une première pierre n'est dotée d'aucun financement et ne suffira pas pour réformer structurellement notre secteur.”
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