Des parents placés au banc de la société ? 

De fin janvier à fin mai 2023, l’Unapei a initié une enquête auprès de parents (père, mère, beau-parent) ayant un enfant (ou plusieurs) avec trouble du neurodéveloppement, en situation de polyhandicap ou handicap psychique, quel que soit l’âge. Il y a eu près de 4000 répondants (3 940 très exactement) dont 80% de femmes. L’âge médian étant de 56 ans. L’enquête révèle un vrai mal-être des parents, tempéré toutefois au travers de leurs témoignages (recueillis dans l’étude) par leur force, leur volonté de vivre leur vie malgré les obstacles et, leur fierté de vivre aux côtés d’une personne en situation de handicap.

L’étude note que 68% des parents dans la population générale se sentent heureux alors que seuls 43% des parents d’enfants en situation de handicap le sont. De même, 24% d’entre eux expriment se sentir pessimistes ou découragés. “Le bien-être est une notion adaptable. Pour moi, ce n’est pas d’aller au restaurant en amoureux ou de faire un spa entre copines. C’est plutôt de s’asseoir sur le canapé cinq minutes sans voir son enfant crier ou aller mal. Le bien-être, c’est de voir rire mon enfant.” explique Marion. “On se questionne constamment : qu’est-ce qui est le mieux pour mon enfant ? Comment savoir s’il va bien ? Mes choix sont-ils les bons ? C’est une grande responsabilité et le corps encaisse beaucoup. Chercher un relais : c’est la quête du Grâal !” déclare Marie.

De plus, l’enquête montre que 57% de ces parents ont une sensation d’exclusion de la société. Seule, une petite poignée d’entre-eux (26%) a le sentiment d’être libres de choisir comment vivre leur vie. “La vie sociale ? Nous n’en avons pas. La fatigue, l’incompréhension, la préparation des sorties font que nous nous questionnons toujours avant de nous rendre chez des amis.” explique Christelle.

Pour Samira : “On n’existe qu’à travers la paperasse que l’on doit remplir. Il faut gérer, se relever, se renseigner constamment. Le jugement des autres est lourd. À 3 ans, lorsque ma fille a été inscrite à l’école, la directrice m’a appelé. Les autres parents estimaient que leurs enfants n’avaient pas à commencer une vie avec une enfant comme elle.” Gérard et Christine livrent ce témoignage… glaçant sur la société : “On a souvent rencontré des regards, des réflexions lorsqu’on se promenait. Si c’est difficile pour les parents, ça l’est encore plus pour la fratrie. Nous n’étions pas les bienvenus aux mariages, le cinéma et les spectacles, c’était impossible.”

Le tableau n’est pas entièrement noir. Malgré les difficultés du quotidien, les parents sont fiers du chemin parcouru avec leur enfant à 84%. De plus, 79% des parents sont encouragés par la force de leur bambin touché par le handicap, de ses efforts pour surmonter les difficultés et de ses progrès. Marion est une maman fière des progrès de sa fille : “Parfois, on peut avoir un coup dur en voyant les autres enfants avancer. Mais je suis toujours fière des résultats de ma fille. Notre objectif est son confort.” 


Les parents doivent-ils mettre une croix sur leur vie professionnelle ? 

Souvent, par manque de solution pour une prise en charge de leur proche, les parents sont contraints de freiner leur vie professionnelle et de devenir les aidants à vie de leur enfant. 59% des répondants indiquent que plus de solutions d’accompagnement leur permettrait de disposer de davantage de temps pour eux.

L’étude démontre que le temps de travail (41% des actifs sont à temps partiel), les évolutions de carrière (62% constatent une influence sur l’évolution de leur carrière), le choix du métier (54% constatent une influence sur le choix de leur métier), sont des facteurs en corrélation avec la situation de handicap des enfants. Ils impactent sur la vie professionnelle des parents. 

Pour Mohamed, le constat est sans appel : “On réduit son temps de travail, on opte pour un poste avec une liberté de temps et davantage de souplesse. Je n’ai pas réellement fait la carrière que je voulais faire.” Christelle déplore : “Je ne peux pas me permettre d’accepter une offre de mobilité professionnelle. On perdrait l’intégralité de nos accompagnements. Il faudrait ensuite attendre 1 à 3 ans, faire face aux listes d’attente, au manque de places.”


Besoin d'aide à domicile ?

Des parents très anxieux quant à l’avenir de leurs enfants 

D’après l'enquête, 95% des parents d’enfants handicapés appréhendent l’avenir de leur enfant lorsqu’ils ne seront plus là. Le manque de solution d’accompagnement, l’absence de solutions de répit et/ou de relais, la pénurie de professionnels, les longues listes d’attente… La crise de la filière médico-sociale renforce le sentiment d’isolement des parents, et leurs inquiétudes pour l’avenir. 88% des parents indiquent être inquiets pour l’avenir de leur enfant et estiment difficile d’imaginer la vie et l’accompagnement de leur enfant dans quelques années.

Les parents attendent et réclament en priorité la garantie d’un accompagnement adapté et de qualité pour leur enfant, tout au long de sa vie. C'est l'inquiétude de toute une vie.

“La seule chose qui m'empêche de dormir tranquillement est l'avenir de ma fille. Au fil des années, les parents peuvent perdre en capacité. On se demande alors : serai-je à même d'assurer l'accompagnement ? Lutter constamment pour trouver une place peut aussi créer des tensions dans la famille.” témoignent Sorya et Mohamed. Eve s’inquiète aussi : “J’ai désormais 75 ans, les années passent et je m’inquiète pour l’avenir de mon fils. Que va-t-il devenir ? C’est la grande question. Je suis soutenue par ma famille mais pas par la société.”


Les propositions de l’Unapei pour faire bouger les lignes

Luc Gateau, le Président de l’Unapei explique : “Accompagner une personne avec des troubles du neurodéveloppement, polyhandicap ou handicap psychique, se décline tout au long d’une vie. Les parents demandent avant tout des accompagnements pour leur proche. Ils avancent également des propositions que chacun de nous se doit d’écouter : garantir des compensations, une simplification des démarches administratives, un meilleur accès à la santé, des possibilités de souffler…En somme, ces parents veulent juste pouvoir disposer d’une vie, d’avoir le droit d’être “juste parents” comme tout citoyen. L’Unapei, en tant que porte-voix des parents, réclame que les pouvoirs publics écoutent enfin leur épuisement et leur exaspération. Il n’est plus possible de les laisser s’isoler et construire des murs de colère et de détresse.”

L’Unapei réclame que les familles soient écoutées, soutenues dans leur pouvoir d’agir, aidées dans l’expression et dans la mise en œuvre de leurs choix. L’association souligne, dans cette étude, que de nombreux parents endossent un rôle d’aidant à plein temps pour pallier les manquements de la solidarité nationale. Afin de leur permettre de choisir leur vie, il est nécessaire de développer des réponses calibrées quantitativement et qualitativement qui sont les suivantes :

Des accompagnements adaptés

  • Développer des offres d’accompagnement médico-social et les services de proximité, en nombre et en qualité au regard des besoins et attentes des personnes en situation de handicap.
  • Encourager la montée en compétences des services dits de droit commun concernant les troubles du neurodéveloppement, le polyhandicap et le handicap psychique.
  • Valoriser les rémunérations des professionnels et soutenir leur formation aux spécificités des handicaps en intégrant les recommandations de bonnes pratiques professionnelles.

Une évaluation des besoins et des soutiens pour les parents

  • Évaluer régulièrement les besoins et attentes des parents au regard de ceux de leur enfant.
  • Élargir les missions des établissements et services à destination des parents afin qu’ils puissent proposer un accompagnement systématique aux aidants pour réaliser les démarches d’ouverture et de maintien des droits, actions de conseil, d’évaluation, de soutien et d’orientation.
  • Créer des services d’accompagnement “après parents” pour anticiper toutes les démarches liées à leur disparition et garantir un accompagnement pérenne et de qualité à leur proche, lorsqu’ils ne seront plus là.
  • Accorder un temps partiel de plein droit aux salariés et développer les possibilités de temps partiels annualisés.

Des solutions de relais

  • Créer des solutions de relais adaptées et qualitatives sans reste à charge à condition que celles-ci ne soient pas un accompagnement par défaut.
  • Développer les accueils temporaires et aides à domicile.

Des prestations et des soutiens juridiques et administratifs

  • Augmenter le montant de la PCH aide humaine et assurer aux proches aidants une compensation suffisante et adaptée.
  • Allonger la durée de l’indemnisation du congé de proche aidant.
  • Valoriser la retraite de tous les aidants qu’ils aient interrompu ou non leur activité professionnelle.
  • Améliorer l’accès à l’information sur leurs droits, les accompagner pour les comprendre et pour les exercer.
  • Simplifier davantage les démarches administratives et réduire les délais de réponse.

Pour des informations sur l'AEEH (Allocation d'Éducation de l'Enfant Handicapé), consultez notre FAQ. Et, obtenez sur Aladom, jusqu'à 3 devis personnalisés d'organismes agréés par l'état pour l'aide aux personnes handicapées. 

Source des informations : étude “La Voix des Parents” Unapei