La France, pionnière dans la prise en charge de la maladie d’Alzheimer 

Le rapport de l’Igas souligne que la maladie d’Alzheimer et les troubles cognitifs, psychologiques et du comportement parfois sévères qui y sont associés (apathie, dépression, agressivité, anxiété et troubles du sommeil) sont un enjeu de santé publique majeur en raison du nombre de personnes concernées. En effet, 1.2 millions de personnes sont directement touchées aujourd’hui en France, dont plus d’une personne sur trois parmi les 90 ans et plus, et près du double en 2050. On constate que la majorité des résidents des Ehpad sont atteints de la maladie d’Alzheimer ou d’une maladie apparentée, et cette proportion va croître dans les années à venir.

Les dispositifs spécialisés existants aujourd’hui se sont développés progressivement en ville et en établissement, en particulier grâce au plan Alzheimer et maladies apparentées 2008-2012. Avec des financements à la hauteur (1.2 milliards d’euros affectés au domaine médico-social, 0.2 millions d’euros au sanitaire et 0.2 millions d’euros à la recherche), ce plan est principalement centré sur la personne malade et sa famille. Il a pour objectif de fournir un effort sans précédent sur la recherche, de favoriser un diagnostic plus précoce et de mieux prendre en charge les malades et leurs aidants.

Le rapport relève qu’au début de l’année 2022 il y avait :  1 921 Pôles d’Activité et de Soins Adaptés (PASA), 333 Unités d’Hébergement Renforcé (UHR), 145 Unités Cognitivo-Comportementales (UCC) et 505 Equipes Spécialisées Alzheimer (ESA). Il y avait également des Unités de Vie Alzheimer (UVA) dans un peu plus de 40% des Ehpad.

Le développement d’une telle palette de dispositifs spécialisés et définis administrativement est assez original au plan international. Selon le rapport de l’Igas, elle tient probablement à la volonté très française d’un déploiement uniforme et égal sur le territoire national et aux exigences du mode de financement des Ehpad qui repose sur des co-financements complexes entre l’assurance maladie, les conseils départementaux et les résidents. S’il existe bien des services proches à l’étranger, qui ont été identifiés au cours d’entretiens et de visites de terrain, ceux-ci ressemblent principalement aux Unités de vie Alzheimer ou aux Unités d’Hébergement Renforcé (UHR). Les PASA, UCC et ESA ne semblent pas avoir de nombreux équivalents.

De façon générale, les dispositifs spécialisés ont correctement répondu, dans l’ensemble, aux besoins des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer et des maladies apparentées et ont été un vecteur de changement dans leur prise en charge. De plus, ces dispositifs sont reconnus par tous à savoir : les professionnels de santé, les professionnels sociaux et médico-sociaux, les familles, les représentants des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ou d’une maladie apparentée.

Face à des troubles modérés ou sévères, les dispositifs spécialisés ouvrent la voie à des solutions pour les personnes concernées. Ils ont aussi permis une professionnalisation et une protocolisation utiles de la prise en charge des personnes tout en permettant l’intégration progressive des éléments architecturaux et d’aménagement intérieur, ainsi que des interventions non-médicamenteuses, dans la réalité de nombreux établissements. 

Les limites des dispositifs spécialisés

Si des dispositifs de prise en charge se sont développés peu à peu pour les personnes résidant à leur domicile, l’offre demeure encore largement insuffisante. En effet, seules 50 000 personnes peuvent bénéficier des services des ESA (Equipes Spécialisées Alzheimer) chaque année, soit moins de 5% du total des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ou d’une maladie apparentée. En outre, une large partie du territoire n’est pas couverte, d’où d’importantes listes d’attente. Enfin, les services offerts par les ESA ne permettent pas de répondre aux patients dont la situation est trop dégradée.

En dépit des efforts d’investissements réalisés, les établissements pour personnes âgées dépendantes sont confrontés aux mêmes problématiques. Ainsi, le nombre de PASA, d’UHR, d’UCC et d’UVA demeure modeste par rapport au nombre total d’Ehpad et aux caractéristiques de leurs publics. Près de la moitié des Ehpad n’auraient aucun dispositif présent dans l’établissement et près d’un Ehpad sur trois n’aurait en tout et pour tout qu’une Unité de vie Alzheimer isolée. Seuls 26% des Ehpad sont dotés d’un PASA, ce qui permet seulement à 10% des personnes résidant en Ehpad de bénéficier d’un accueil en PASA, alors qu’on estime que le nombre de résidents atteints de la maladie d’Alzheimer ou d’une maladie apparentée dépasse désormais 50% du total des résidents. Moins de 3% des Ehpad sont dotés d’une UHR et environ 1 % seulement des résidents atteints de la maladie d’Alzheimer ou d’une maladie apparentée en bénéficient. Le nombre de places en Unités de vie Alzheimer ne représenterait que moins de 10% du nombre total de places dans les Ehpad.

Les difficultés de fonctionnement et d’organisation des dispositifs spécialisés sont, par ailleurs, nombreuses, en raison notamment des limites de leurs cahiers des charges et de sérieux problèmes de recrutement (par exemple : le manque de psychiatres dans les UHR et les UCC).

L’approche séquentielle retenue en France, qui prévoit des allers-et-retours entre un dispositif spécialisé et le lieu de résidence habituel de la personne (ou l’Ehpad ordinaire) ne fonctionne pas correctement en pratique. En effet, les durées de séjours dans les UHR, en particulier, sont très longues. Cette approche présente également des défauts inhérents pour des résidents de plus en plus âgés et vulnérables, qui résident en Ehpad (pour la moitié d’entre eux) seulement un an et deux mois avant de décéder. Ils ont surtout besoin de stabilité dans leur environnement. Par ailleurs, rassembler des personnes dont les troubles sont sévères dans une seule et même unité peut aussi parfois même aggraver leurs troubles et avoir pour conséquence un épuisement trop rapide des personnels. 
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Les recommandations proposées

Le rapport de l’Igas estime qu’il convient aujourd’hui (avant qu’il ne soit trop tard) d’améliorer les efforts de prévention et de prioriser les investissements en faveur d’une prise en charge accrue en ville des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ou d’une maladie apparentée, ainsi que dans les places ordinaires d’établissements mieux adaptés aux besoins de leurs nouveaux résidents.

En ce qui concerne la prévention, l'Igas recommande de mener des campagnes d’éducation à la santé ciblées sur les facteurs de risque de la maladie d’Alzheimer, dont un bon nombre est désormais bien identifié, et de mettre en particulier l’accent sur l’audition et la dépression.

En matière de prise en charge en ville, l'Igas préconise de se fixer pour objectif de doubler (dans le cadre de la nouvelle feuille de route maladies neurodégénératives ou en toute hypothèse pour les années 2023-2025) le nombre des bénéficiaires des ESA (Equipes Spécialisées Alzheimer). Il s’agira de couvrir en priorité les départements déficitaires et d’étoffer l’offre de services des ESA pour les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ou une maladie apparentée ayant des troubles psychologiques et du comportement modérés à sévères. C’est de nature à prévenir l’aggravation de ces troubles et de retarder l’entrée en établissements.

S’agissant des établissements, l’Igas recommande d'engager une transformation globale de tous les Ehpad pour les adapter à l’arrivée significative de personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ou d’une maladie apparentée avec des troubles psychologiques et du comportement modérés à sévères. Pour pouvoir disposer de ressources en personnels adéquates, et de moyens pour aménager les locaux, cela passe par la réforme de leur financement : réformer la grille AGGIR (Autonomie Gérontologique Groupes Iso-Ressources - c’est un outil qui permet d'évaluer le degré de dépendance d'une personne qui fait une demande d'Allocation Personnalisée d'Autonomie) et le référentiel PATHOS (un outil qui permet d’évaluer à partir de situations cliniques observées, les soins médico-techniques requis pour assurer la prise en charge de toutes les pathologies d’une population de personnes âgées) pour une meilleure prise en compte de la sévérité des troubles cognitifs et des troubles psychologiques et du comportement dans le financement de tous les établissements est donc indispensable.

Cinq autres recommandations pour les Ehpad sont également prioritaires. Il convient d’abord de renforcer la présence effective sur place des assistants de soins en gérontologie (ASG) la nuit dans les Ehpad, en adaptant cette présence selon la taille des établissements et le profil des résidents. Il faut également mettre en œuvre, avec un accompagnement approprié des directeurs d’Ehpad, les recommandations architecturales qui sont adaptées aux résidents atteints de la maladie d’Alzheimer ou une maladie apparentée avec des troubles psychologiques et du comportement pour le programme de rénovation et de construction des Ehpad. Il est recommandé d’élaborer un cahier des charges des Unités de Vie Alzheimer (UVA) qui soit adapté à la sévérité des troubles cognitifs et des troubles psychologiques et du comportement des résidents atteints de la maladie d’Alzheimer ou d’une maladie apparentée.

De même, il paraît indispensable d’encourager le développement d’Ehpad sans unités de vie fermées et, en raison des exigences de respect de la dignité des personnes, d’élaborer et de diffuser des lignes directrices juridiques et organisationnelles applicables à tous les établissements sur les contentions physiques et chimiques mais aussi, les restrictions d’aller et venir. Un doublement du nombre des PASA (Pôles d’Activité et de Soins Adaptés) sur les 3 prochaines années ainsi que l’assouplissement de leurs modalités de fonctionnement complètent les recommandations de la mission.

Enfin, le rapport de l’Igas recommande d’ouvrir une UCC (Unités Cognitivo-Comportementales) dans la dizaine de départements qui en manque et d’arrêter le déploiement des UHR (Unités d’Hébergement Renforcé), tout en développant leur articulation avec la filière gériatrique. 

Suite à la publication de ce rapport, la Fondation Médéric Alzheimer s’est fendue d’un communiqué de presse abondant dans le même sens, espérant que le rapport de l’Igas fera bouger les lignes. Hélène Jacquemont, la Présidente de la Fondation Médéric Alzheimer a ainsi indiqué : “Ce rapport qui recommande une transformation globale des dispositifs (EHPAD, ESA, UCC, …) pour prendre en soins les personnes vivant avec la maladie d’Alzheimer, ne doit pas être un rapport de plus. Il illustre le danger, dénoncé par la Fondation depuis plusieurs années, de diluer dans la grande dépendance ou le bien vieillir, les besoins et attentes des personnes malades vivant avec la maladie d’Alzheimer.”

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Source : Rapport de l'IGAS - Inspection Générale des Affaires Sociales.