Vivre en Ehpad, cela coûte cher aux résidents, souvent trop cher même, si bien que certaines personnes âgées qui auraient besoin de bénéficier des services et de l’accompagnement d’un établissement spécialisé s’en privent, et restent vivre chez elles. Une
« assignation à résidence subie, et non choisie », contre laquelle il faut lutter, estime la députée Christine Pirès Beaune (Nupes/PS) dans l’introduction de son rapport remis la semaine dernière à la Première Ministre. Car « que ce soit à domicile ou en établissement, le niveau de revenus d’une personne âgée ne doit jamais la condamner à l’indignité ».
Seule une petite partie (24 %) des résidents en Ehpad (Etablissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) peut couvrir ses frais de séjour via ses revenus courants, rappelle-t-elle. Coûteux pour tous, le séjour en Ehpad est même « insoutenable pour les plus modestes ».
Et, aussi paradoxal que cela puisse sembler,« les ménages modestes sont moins aidés que les plus aisés » !
En effet, les résidents en Ehpad imposables (le contribuable ou une personne de son foyer) bénéficient d’une réduction d’impôt à hauteur de 25 % (dans la limite de 10 000 euros par personne hébergée) en cas de séjour dans un établissement pour personnes âgées dépendantes (maison de retraite, logement-foyer ou maison d'accueil).
Mais pour les résidents non-imposables, il n’y a aucun avantage fiscal.
Depuis plusieurs années, déjà, Christine Pirès Beaune suggère de mettre en place un crédit d’impôt pour les résidents en Ehpad non-imposables, tout comme c’est le cas pour les services à domicile qui bénéficient du crédit d’impôt (les montants ne pouvant être imputés sur l’impôt dû sont restitués au contribuable). Celui-ci est égal à 50 % des dépenses annuelles d’aide à domicile.
Le domicile pris en charge à 95 % par la sphère publique
Pour les personnes âgées, vivre à domicile revient beaucoup moins cher. Le reste à charge moyen à domicile est même « sans comparaison avec celui constaté en établissement », souligne la députée, chiffres à l’appui.
Les personnes GIR 1 à 4 en établissement doivent payer de leur poche 13 900 euros par an en moyenne (c’est la prise en charge assurés-établissement).
Si elles vivent à domicile, ce montant (assurés-domicile) n’est plus que de 600 euros par an en moyenne.
Pour les finances publiques, la prise en charge reste beaucoup plus élevée en établissement, malgré la participation des résidents et/ou de leur famille : elle est de 23 500 euros en établissement, et de 12 700 euros à domicile.
« La part des dépenses prises en charge par la sphère publique est de 95 % à domicile et de 63 % en établissement ».
Reste que le fameux « virage domiciliaire » a ses limites. Comment faire lorsque l’on est vraiment trop dépendant pour vivre seul chez soi, que les conditions optimales ne sont plus réunies, mais que l’on n’a pas les moyens de se payer l’Ehpad ?
La majorité des personnes qui pourraient demander l’aide sociale à l’hébergement (ASH) ne le font pas, pour ne pas obliger leurs descendants à rembourser la somme à l’Etat après leur décès (seuls 28 % des résidents éligibles la demandent).
Les autres propositions de la députée Pirès Beaune pour financer l’Ehpad
Déjà investie, donc, dans ces problématiques, Christine Pirès Beaune avait été chargée, fin décembre 2022, par la Première Ministre, de mener une mission de réflexion sur les aides publiques permettant de limiter le reste à charge en Ehpad. Son objectif étant de partager son diagnostic et de formuler des propositions pour améliorer le soutien des résidents et de leur famille.
Une prestation unique universelle
La députée suggère une nouvelle piste : la création d’une prestation unique universelle appelée "allocation universelle et solidaire d’autonomie en établissement" (AUSAE), qui serait versée à tous les résidents dès 2026.
Elle serait dégressive en fonction de leur revenu et prendrait en compte leur patrimoine (propriétés immobilières, bien professionnels, avoirs financiers).
Elle ferait appel à la solidarité familiale, en faisant contribuer les enfants à l’Assurance-maladie au prorata de leurs revenus, avec une obligation alimentaire pour toutes les familles du résident.
Tous les frais des plus pauvres seraient pris en charge par le système, et les efforts seraient proportionnés.
Cette allocation universelle remplacerait à la fois l’ASH (aide sociale à l’hébergement) et l’APA (allocation personnalisée d’autonomie) versée aux Ehpad par les départements.
Les agences régionales de santé (ARS) récupéreraient une grande partie des crédits des départements aux établissements et en deviendraient l’unique tutelle.
Ehpad : qui vit en établissement aujourd’hui ?
Fin 2019, 730 000 personnes fréquentent un établissement pour personnes âgées ou y vivent.
Cela représente 10 % des personnes de 75 ans ou plus et un peu moins d’un tiers de celles de 90 ans ou plus.
La population prise en charge dans les établissements est largement féminine et âgée. Le profil-type du résident est une femme de plus de 80 ans.
Aladom propose des annonces pour trouver un emploi en Ehpad dans toute la France.
Propositions de Christine Pirès Beaune : les Départements et les fédérations consultés
La Première Ministre a demandé à la nouvelle ministre des Solidarités et des Familles, Aurore Bergé, d’instruire les propositions de la députée Pirès Braun, et d’engager des échanges avec les Départements, ainsi qu’avec les fédérations du secteur.
Des travaux complémentaires vont aussi être lancés pour étudier plus en profondeur le modèle économique des Ehpad selon leurs différences de nature juridique (publics, privés non-lucratifs, privés lucratifs).
Alors que la situation financière de certains Ehpad et services à la personne est très préoccupante, la Première Ministre a annoncé qu’elle allait débloquer une aide d’urgence de 100 millions d’euros, mise à disposition des ARS, et un co-financement sera recherché avec les Départements.
Voir l'article d'Aladom : Ehpad et services à domicile pour les personnes âgées : une situation financière critique selon la FESP et la FNADEPA
Elle a aussi demandé à la ministre des Solidarités et des Familles de mettre en place dès la rentrée dans chaque Département une commission dédiée au suivi et à l’examen de la situation financière des structures médico-sociales en difficulté.
Pour aller plus loin :
Voir le communiqué du site du gouvernement : Remise du rapport sur le reste à charge en EHPAD de Mme Christine Pirès-Beaune
Voir le rapport de la mission confiée par le gouvernement à Christine Pirès Beaune : Garantir la prise en charge des personnes âgées en établissement, encadrer leur reste à charge…