Le constat de l’enquête de la FHF : la situation des Ehpad ne cesse de se dégrader

En décembre 2022, la FHF (Fédération Hospitalière de France) avait mené une étude exclusive sur la situation budgétaire des Ehpad publics en fin d’exercice 2022 (publiée en début d’année 2023) auprès d’un échantillon de 350 Ehpad publics (autonomes et rattachés à un Centre Hospitalier) représentant plus de 47 300 lits d’hébergement permanent Ehpad – soit environ 20% des places d’Ehpad publics relevant de la fonction publique hospitalière – répartis sur l’ensemble des régions de France. Cette enquête, précise la FHF, émane d’une volonté d’objectiver les nombreuses remontées d’établissements faisant état de situations budgétaires délicates.

L’étude souligne qu’il existe une assez grande homogénéité dans la dynamique de dégradation conjoncturelle des établissements en matière budgétaire et financière car : 

  • 85% des Ehpad publics prévoyaient d’être en déficit en fin d’exercice 2022, soit deux fois plus qu’en 2019 (45%). La situation n’étant pas prête de s’arranger.

  • Des fermetures partielles de services pour raison de clusters Covid, ou de manque d’effectif ont pu impacter l’activité des Ehpad en 2022. Globalement et par rapport au taux d’occupation constaté en 2019, la baisse d’activité est estimée à 2.75 %.

  • Plus de 60 % des Ehpad ont rencontré des difficultés de trésorerie en 2022.

  • 90% des Ehpad indiquent une baisse de la capacité d’auto-financement entre 2019 et 2022.

  • Les charges d'hébergement ont globalement augmenté de 9% entre 2019 et 2022, à un rythme nettement supérieur à celui des tarifs hébergement et dépendance.

  • Il y a eu une baisse du taux d’occupation des Ehpad publics entre 2019 et 2022 : c’est une baisse de ressources qui menace l’équilibre budgétaire des Ehpad (bâti sur des taux d’occupation supérieurs à 95%). A la différence des exercices 2020 et 2022, cette baisse n’est aujourd’hui plus compensée par les pouvoirs publics et représente, pour le seul exercice 2022, une absence de 136 millions d’euros de recettes pour les Ehpad publics.

  • Le décalage entre l’inflation constatée – notamment sur certains postes de charges affectant la section hébergement – et l’évolution des tarifs interroge le modèle économique des EHPAD.
Suite aux résultats de son enquête, la FHF a appelé en début d’année 2023 le gouvernement à indexer les recettes des Ehpad publics sur l’évolution des coûts, comme il l’a fait pour le secteur privé commercial. Selon l’organisme, à plus long terme, c’est l’ensemble du modèle économique des Ehpad qui doit être revu en revoyant la répartition des coûts entre les usagers et les différents financeurs publics.


Le président de la Fnadepa Jean-Pierre Riso, interpelle (une nouvelle fois) le gouvernement 

A l’occasion du Congrès national de la Fnadepa (Fédération Nationale des Associations de Directeurs d'Établissements et Services pour Personnes Agées) qui s’est déroulé les 22 et 23 juin derniers à Nancy, en présence de Jean-Christophe Combe, le ministre  des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes Handicapées, Jean-Pierre Riso va dans le même sens que les conclusions de l’enquête de la FHF. Dans son allocution d’ouverture du 38ème Congrès de la Fnadepa, il a tenu à rappeler les difficultés rencontrées par les directeurs et directrices d’Ehpad à gérer des établissements à cause du manque de financements et de ressources humaines.

En se fondant sur l'enquête flash Fnadepa - RH et Finances  menée du 2 au 17 mai 2023 auprès de 1500 directeurs adhérents, Jean-Pierre Riso a déclaré : “Notre récente enquête, à laquelle vous avez répondu massivement et je vous en remercie, a mis en avant des difficultés RH jusqu’alors inédites. En effet, près de 83% d’entre vous déclarent une pénurie de personnel, correspondant à près de 4 ETP par structure. Même si les manques sont les plus forts chez les soignants, toutes les professions sont concernées. Dès lors, et vous le savez tous, nous ne pourrons pas avoir l’ambition d’accompagner dignement nos aînés si nous n’avons pas les bras, les cerveaux et les cœurs au sein de nos structures. L’Etat et les départements doivent investir massivement dans le recrutement, la fidélisation et la formation des professionnels. Augmenter le taux d’encadrement dans nos établissements et services n’est pas un luxe ; c’est un impératif absolu.”

Et de poursuivre : “Cette même enquête a mis en avant de manière irréfutable les difficultés financières des établissements et services de notre réseau. 2 structures sur 3 sont en déficit en 2022 (beaucoup pour la première fois), pour un déficit moyen de 143 000€. Les raisons en sont hélas évidentes : une inflation galopante et le non-financement des mesures de revalorisations salariales (Ségur, PGA et valorisation du point). 60% d’entre vous déclarent que leurs réserves sont insuffisantes pour tenir plus de 2 ans. Et après, que va-t-il se passer ? Des phénomènes de concentration, une homogénéisation des acteurs, des organismes gestionnaires géants, des directrices et des directeurs qui ne dirigeront plus rien ?” déplore Jean-Pierre Riso.

Le président de la Fnadepa souhaite que l’Etat agisse et s’investisse pour pouvoir mener (enfin) à bien la politique du Bien Vieillir, déclarant en direction des politiques : “À la Fnadepa, nous croyons à la diversité. Nous croyons à la pluralité des acteurs, à la variété des statuts, à la pertinence d’établissements et services de petite taille, à la parfaite légitimité des résidences autonomie, aux vertus d’une approche domiciliaire portée par des services à domicile valorisés et renforcés. La qualité de la réponse aux attentes et aux besoins de nos vieux s’accompagne de cette pluralité d’acteurs pour s’adapter à la grande diversité des territoires de la République. Celles et ceux qui sont chargés de décider de ces politiques publiques doivent soutenir cette pluralité et la porter par-delà les clivages et les luttes d’influence. C’est aussi en préservant les acteurs du grand âge que l’on bâtit une société du Bien Vieillir !”


Besoin d'aide à domicile ?

Ces élus qui entrent en résistance 

Aujourd’hui, de plus en plus d’Ehpad publics se trouvent en grande difficulté financière. Face à l’inflation, à la flambée des coûts de l'énergie, au manque de personnel ou encore à l’insuffisance de financement des mesures salariales décidées par l’Etat, ce qui représente en moyenne 112 000€ par Ehpad (Ségur 1, Ségur 2 et prime Grand âge cumulés), une quarantaine de maires des Côtes-d'Armor a décidé de se faire entendre en ne réglant plus les factures d'électricité et de gaz des Ehpad publics dont les prix ont explosé, afin de ne pas creuser davantage leurs finances qui sont déjà dans le rouge. C’est ce que nous apprend un article récent de France 3 Bretagne

A défaut de n’être ni écoutés ni entendus par les gouvernements successifs, ces élus ont décidé de passer à l’action tous ensemble. “Et ce, pour ne pas prendre le risque de voir ces établissements qui accueillent des personnes âgées dépendantes fermer leurs portes.” 

Benoît Lubin, directeur de la résidence Germaine-Ledan, à Matignon déclare : "Cela fait une quinzaine d'années que l'on alerte sur la problématique. Le mode de financement des Ehpad est décalé par rapport à la réalité".

De plus, “la hausse des factures énergétiques se combine à une augmentation des charges salariales, sans avoir en face les recettes qui viendraient compenser cette augmentation. L'Etat nous impose ces charges supplémentaires. Et quand on dit que l'on n'y arrive plus, l'Etat répond qu'il comprend mais ça ne va pas au-delà.” ajoute Benoît Lubin dont les charges salariales ont augmenté de 29% en deux ans, à la faveur notamment du Ségur de la santé.

Le maire de Plouha explique que pour l'Ehpad de sa commune, la facture d'électricité a été multipliée par 6 : "125 000€ de facture cette année, on ne va pas y arriver. Est-ce que vous connaissez quelque chose qui a été multiplié par 6 à la charge des collectivités ? Dans la bataille que l'on mène, vous voulez qu'on ne les chauffe plus ? Sur quoi on va rogner ? Sur la nourriture ? Le personnel ?". Compte tenu de la situation, il demande à l’Etat d’intervenir au plus vite  : "7 Ehpad sur 10 en France sont en déficit. Et le problème ne date pas de maintenant. Nous avons besoin que l'Etat vienne en soutien par des mesures immédiates pour les factures énergétiques et surtout par des propositions de loi sur le grand âge".


A quand la loi sur le Bien Vieillir ? 

Au 19 juillet 2023, la Fnadepa se dit exaspérée. L'association explique dans un communiqué de presse, que L’examen de la proposition de loi pour “bâtir une société du bien vieillir”, initialement prévu les 20 et 21 juillet, a été reporté une fois de plus. C’est une fois de trop pour la Fnadepa, qui s’indigne du "manque flagrant de considération du gouvernement envers les personnes âgées et les professionnels qui les accompagnent".

En guise de piqûre de rappel et à l’adresse des pouvoirs publics, la Fnadepa indique : “L’urgence est connue : face à l’inflation, l’insuffisance de financement des mesures salariales de l’Etat et le manque de professionnels, la situation économique et RH des établissements et services pour personnes âgées devient critique. Par ailleurs, en juin, une enquête de la Fnadepa montrait que 64.8% des établissements et services étaient déficitaires fin 2022 et 28% ont été contraints de fermer des lits ou de refuser des accompagnements à domicile, faute de personnel.”

A juste titre et compte tenu de l’urgence de la situation maintes et maintes fois énoncée par les directeurs d’Ehpad, les personnels soignants, les élus et les associations, la Fnadepa montre son impatience à travers ce même communiqué écrivant : “Alors que se fait aussi attendre la feuille de route interministérielle, pourtant annoncée plusieurs fois par le ministre des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes Handicapées, se joue la survie à court terme de certains établissements et services pour personnes âgées. Quand le Gouvernement comprendra-t-il enfin l’urgence de la situation ? Les vieux méritent mieux !”

Le ton se veut pressant envers les politiques de tout bord : “Pour permettre à chaque personne âgée d’être accompagnée dignement et préparer notre société à faire face au vieillissement de sa population, la Fnadepa exhorte donc le gouvernement et les parlementaires à mettre au cœur des priorités nationales le grand âge, par l’élaboration d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) ambitieux et une grande loi de programmation pluriannuelle, assortie à des financements pérennes à la hauteur des préconisations du rapport Libault”. s’accorde à dire la Fnadepa en guise de conclusion.

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